Balado « CEO Viewpoints » | Saison 3

Réflexions de dirigeants de premier plan sur la réinvention des entreprises au Canada

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(en anglais seulement)

Tracy Robinson, présidente-directrice générale du CN : exploiter les possibilités de croissance découlant de l’évolution des chaînes d’approvisionnement

Dans ce premier épisode de la troisième saison de la série « CEO Viewpoints », Tracy Robinson s’entretient avec Sébastien Doyon, de PwC Canada, au sujet des moteurs de croissance de l’industrie ferroviaire et de la façon dont la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada exploite les nouvelles opportunités. Ils explorent la nécessité croissante pour les transporteurs ferroviaires de s’associer entre eux et avec d’autres modes de transport, comme les entreprises de camionnage, pour répondre aux besoins découlant de l’évolution des chaînes d’approvisionnement. Ils discutent également des principaux défis du secteur, comme les changements climatiques, ainsi que des qualités de leadership requises pour diriger une entreprise lors de périodes complexes et incertaines.

Sébastien Doyon : Bonjour, bienvenue à « CEO Viewpoints », un balado de PwC Canada, dans lequel nous décortiquons les thèmes clés et les conclusions canadiennes de notre Enquête mondiale annuelle auprès des chefs de direction. Je m’appelle Sébastien Doyon. Je suis associé chez PwC et j’animerai cet épisode. Cette année, l’Enquête auprès des chefs de direction s’est concentrée sur les mégatendances mondiales qui transforment les entreprises et la société. Tracy Robinson, présidente-directrice générale du CN, se joint à moi pour discuter de son point de vue sur l’économie et les enjeux qui touchent l’un des secteurs les plus importants des chaînes d’approvisionnement mondial. Tracy a pris les commandes du CN en 2022 et depuis, elle dirige l’entreprise dans une période de changements intenses. Nous discuterons de ce qu’elle entrevoit sur le plan économique, des opportunités d’expansion pour le transport ferroviaire et de la nécessité croissante, pour les différents intervenants de la chaîne d’approvisionnement, de travailler ensemble pour accroître la part de marché du secteur. Tracy, merci de vous joindre à moi aujourd’hui. 

Tracy Robinson : C’est un plaisir ! 

Sébastien Doyon : Avant d’aborder les tendances du secteur ferroviaire, parlons un peu de ce qui se passe actuellement dans l’économie. PwC réalise chaque année une étude appelée Enquête auprès des chefs de direction, et les résultats récents montrent que 25 % des chefs de direction canadiens s’attendent à ce que la croissance s’améliore. Cependant, nombre d’entre eux sont plus pessimistes que leurs homologues à l’échelle mondiale ayant participé à notre étude. Le CN est très bien intégré à l’économie nord-américaine et grandement lié à l’économie mondiale. Alors, Tracy, vous avez certainement un point de vue sur l’économie et sur ce qui se passe.

Tracy Robinson : Nous avons effectivement un point de vue. Comme plusieurs autres répondants à votre enquête, nous sommes plus optimistes cette année, sans aucun doute. Comme vous le savez, les voies du CN s’étendent de la côte Ouest à la côte Est du Canada, puis traversent les États-Unis jusqu’au Golfe du Mexique. Nous desservons pratiquement tous les secteurs d’activité sur le continent. Nous vivons une situation mitigée dans laquelle les véritables faiblesses, de notre point de vue, se situent dans deux domaines. Le premier est celui des produits forestiers, en particulier le bois d’œuvre. Nous avons constaté une baisse de la demande, et je crois qu’elle est liée en grande partie à l’évolution des taux d’intérêt. Nous savons qu’il existe toujours une pénurie fondamentale de logements en Amérique du Nord. Cette demande existe donc et se manifestera.
Le deuxième domaine affichant une faiblesse particulière concerne les biens de consommation, surtout ceux qui arrivent sur le continent par conteneurs. L’an dernier, les détaillants avaient accumulé un excédent de stocks, qu’ils ont maintenant écoulé. La situation est maintenant revenue à la normale. Nous sommes donc optimistes, sans aucun doute. Nous surveillons encore les répercussions de ce qui se passe dans le monde, davantage d’un point de vue géopolitique. Car de plus en plus, ce genre de choses se répercute sur le commerce et la façon dont les marchandises et les produits circulent dans le monde. Ce qui se passe dans la mer Rouge, par exemple, a modifié la façon dont les navires et les conteneurs se déplacent dans le monde, ce qui demande des ajustements pour les chaînes d’approvisionnement et les infrastructures nord-américaines. Les problèmes au chapitre du volume d’eau dans le canal de Panama affectent aussi le transport maritime mondial. L’environnement est donc très dynamique. Il est positif, mais avec quelques mises en garde sur le plan géopolitique.

Sébastien Doyon : Regardons maintenant l’avenir du secteur ferroviaire. Avec un peu de recul, force est d’admettre que certaines tendances doivent jouer en votre faveur. Par exemple, la nécessité de réduire les émissions de carbone devrait vous aider sur le long terme. Pour tirer parti de ces tendances, il est inévitable que votre secteur améliore l’interconnectivité et la fluidité de vos réseaux afin de gérer le mouvement des marchandises tout au long de leur trajet, d’un bout à l’autre. Comment envisagez-vous ces tendances qui se dessinent?

Tracy Robinson : Je dois dire que j’aime notre position relative au dossier très important du climat et des émissions. En Amérique du Nord, le secteur du transport est responsable de 25 à 27 % des émissions, ce qui comprend notamment les compagnies aériennes, les camions, les trains, les bateaux et les voitures. Le transport ferroviaire représente environ 2 à 3 % de cela. Le transport par camion, lui, compte pour 25 %. À l’heure actuelle, nous transportons la plupart des marchandises qui transitent sur de longues distances. Le défi se situe au chapitre du transport sur de courtes distances, actuellement dominé par le camionnage. Dans l’ensemble, notre part de marché pour le transport de marchandises se situe autour de 25 %, alors que celle du camionnage atteint environ 45 %. Considérant les faibles émissions que nous produisons, il serait possible de réduire celles-ci d’environ 75 % en passant du camionnage au transport ferroviaire. L’opportunité, mais aussi la responsabilité, consiste donc à trouver la façon de réduire le nombre de camions sur les routes.
Pour ce faire, nous devons envisager nos activités de façon très différente. Nous devons concurrencer le camionnage. Les gens y ont recours pour une raison. Ils veulent de la rapidité et de la régularité. Nous devons donc arriver à créer des services qui répondent à ces critères. Si vous utilisez le système ferroviaire pour aller d’Edmonton vers le sud-est des États-Unis, vous devrez sans doute utiliser plusieurs chemins de fer différents. Nous devons adopter une approche qui ressemble davantage à celle du camionnage. À l’heure actuelle, nous nous réunissons en tant que chaîne d’approvisionnement complète, ce qui peut comprendre des ports, des terminaux, des entrepôts, de multiples chemins de fer ainsi que des camions. Nous devons arriver à concevoir un ensemble de services qui soit non seulement facile à utiliser, à aborder et à comprendre, mais aussi rapide et constant. On sait que c’est une chose sur laquelle toutes les entreprises ferroviaires d’Amérique du Nord se sont penchées. Et ce qui compte vraiment, c’est de s’y pencher ensemble, car c’est là que la magie opère. Nous avons d’excellents exemples à cet égard, et nous devons maintenant augmenter le volume de ce type de services. Si nous arrivons à le faire de façon efficace, les retombées seront très positives.

Sébastien Doyon : Il y a la notion de coopération, même avec certaines personnes qui sont en fait vos concurrents. Je sais que vous avez fait quelques annonces, comme l’entente Falcon Premium avec Union Pacific et Grupo Mexico. Qu’est-ce que cela nous apprend sur l’avenir du CN?

Tracy Robinson : Les entreprises ferroviaires ont une longue histoire de concurrence féroce, comme vous le dites, et nous savons nous y prendre. Mais lorsqu’on observe ce qui s’est passé pendant la pandémie de COVID, on constate que la chaîne d’approvisionnement a subi de nombreux chocs. Je crois que nous avons tous compris soudainement à quel point le fonctionnement efficace des chaînes d’approvisionnement est essentiel. Il importera de démontrer que nous pouvons travailler ensemble là où c’est nécessaire. Cela ne signifie pas que nous ne sommes pas en concurrence. Mais nous pouvons unir nos efforts et créer des chaînes d’approvisionnement qui sont performantes, fiables et résilientes aux chocs, et qui peuvent se développer parce que notre économie ne pourra pas croître autrement. La capacité de la chaîne d’approvisionnement doit augmenter au gré de l’évolution de l’économie. Elle doit s’adapter aux flux commerciaux, qu’ils soient internationaux ou nationaux. En y réfléchissant, il y a un bel exemple dans toutes les délocalisations à proximité du Mexique.
Pour déplacer ces flux, nous devons envisager les choses très différemment. Comme vous l’avez dit, le service Falcon Premium en est le premier exemple. Nous faisons maintenant circuler des trains depuis Monterrey jusqu’à Toronto, en passant sur le système ferroviaire de Grupo Mexico au Mexique, puis sur ceux d’UP et du CN aux États-Unis jusqu’au Canada. Nous y arrivons en cinq jours, ce qui est aussi bien, voire mieux qu’un transport par camion. Et nous le faisons systématiquement en cinq jours. C’est le genre de réalisation qui peut découler de la décision de s’unir. C’est ce que nous avons fait avec UP et Grupo Mexico, en agissant comme une entreprise unique. Nous nous sommes mis au défi. Nous nous sommes rencontrés cette semaine pour discuter de la question suivante : si nous étions vraiment une seule et même entreprise, comment envisagerions-nous la situation? C’est à ce moment que l’esprit de compétition s’estompe et laisse la place à l’esprit de collaboration. Et on peut faire des choses incroyables lorsqu’on se met dans cet état d’esprit. Il s’agit maintenant de prouver que c’est possible et que nous pouvons le faire de manière constante, et de le démontrer au point de commencer à attirer le trafic routier vers les trains. Ce système soutiendra ces corridors commerciaux de la même façon, mais de façon beaucoup plus économique et avec beaucoup moins d’émissions.

Sébastien Doyon : Falcon Premium est un bon exemple de collaboration et de coopération. Dans l’ensemble du secteur, jusqu’où pensez-vous que les entreprises sont prêtes à aller pour travailler ensemble?

Tracy Robinson : C’est un monde très complexe, mais je dirais qu’il est impératif que nous nous y mettions tous. Parce que sans cela, l’économie ne pourra pas croître. Il ne s’agit donc pas uniquement de relier les chemins de fer et de trouver de nouvelles façons de travailler ensemble. C’est un élément important de l’équation, mais il faut revoir l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement. Lorsqu’un conteneur quitte la Chine pour Chicago, par exemple, il arrive dans un terminal de port. Nous pouvons éliminer les barrières et partager les données entre les clients, entre les entreprises de navires océaniques, entre les ports et les terminaux, entre les entreprises ferroviaires, d’entreposage et de camionnage.
Si nous appliquions ce que nous faisons actuellement avec UP, et que nous imaginions que nous formons une seule et même entreprise, comment cela fonctionnerait-il? Comment les données et les informations circuleraient-elles? Comment pourrions-nous optimiser le tout? La performance serait meilleure. La résilience aux chocs serait améliorée parce que nous pourrions nous rétablir plus rapidement. Et il serait plus évident de savoir où investir pour accroître la capacité, là où se trouvent les goulots d’étranglement. Pour l’instant, nous optimisons nos propres opérations, par opposition au débit total de la chaîne d’approvisionnement. C’est un grand acte de foi. Mais si nous n’y parvenons pas, nous allons limiter la croissance de l’économie. Aucun d’entre nous ne veut cela. Nous sommes tous là pour aider l’économie à croître.

Sébastien Doyon : Tracy, j’aimerais m’attarder un peu plus sur le camionnage. Le fait de retirer les camions de la route pour transporter les marchandises sur des trains représente une menace pour les entreprises de camionnage. Mais vous devez tout de même collaborer. Et je sais que différentes entreprises ferroviaires ont abordé cette question de diverses façons récemment. Dans le cas du CN, il y a quelques années, vous avez acquis TransX dans le cadre de votre stratégie intermodale, et nous avons bien vu d’autres entreprises récemment annoncer des partenariats. Comment voyez-vous la collaboration réussie avec les transporteurs routiers dans ce type d’environnement concurrentiel?

Tracy Robinson : Il y a moyen d’être partenaire d’une entreprise de camionnage. Dans le cas de TransX, nous avons fait une acquisition et nous utilisons ses services comme une extension de notre système pour servir nos clients. Nos clients peuvent nous demander de livrer directement à leur porte plutôt que de conclure eux-mêmes un contrat pour la livraison sur le dernier kilomètre. Il y a d’autres modèles. Nous faisons les choses différemment aux États-Unis, où nous utilisons des IMC (Intermodal Marketing Company) et établissons des partenariats avec des entreprises de camionnage de différentes façons. La question est la suivante : comment les utiliser de la bonne manière et mettre les avantages du transport ferroviaire à profit en tant que partenaire, afin de s’assurer d’avoir la bonne offre de services au bon coût, le tout avec le bon profil d’émissions? Il n’y a pas qu’une seule solution. Nous pensons qu’il ne fait aucun doute que le transport ferroviaire est la solution à long terme, et que le camionnage sera la solution dans une certaine mesure pour le transport sur le dernier kilomètre en ce qui concerne les conteneurs. Il s’agit de la façon dont nous travaillons ensemble et de la voie à suivre pour continuer d’améliorer l’efficacité, et certaines des annonces que vous avez vues en sont des exemples.

Sébastien Doyon : Une grande partie de ce dont vous parlez m’amène à la question de la transformation d’entreprise, ainsi que de la libération et de l’affectation des ressources. Quelle est votre approche pour réfléchir à la manière de respecter ses engagements d’affaires actuels tout en bâtissant l’avenir? Avez-vous des exemples à nous donner?

Tracy Robinson : Dans votre enquête, vous avez parlé du grand pourcentage d’entreprises qui se concentrent sur la nécessité de se réinventer pour bâtir un modèle durable. Je pense qu’il n’y a personne qui ne soit pas dans cette situation. Il y a deux ans, nous avons mis en œuvre un modèle d’exploitation ferroviaire à horaires fixes, et nous l’avons fait parce qu’il s’agissait d’un impératif pour nous. Ce que nous devons faire avant toute chose, c’est de nous assurer de livrer à nos clients. Grâce à l’exploitation à horaires fixes, nous sommes plus rapides et beaucoup plus constants. Mais on se demande ensuite quelle sera la prochaine façon de faire les choses. Nous appuyons nos clients et gérons leurs activités de base, mais ils veulent pénétrer de nouveaux marchés ou doivent envisager des solutions de rechange ou des débouchés différents compte tenu de l’évolution actuelle des flux mondiaux.
De nos jours, il faut faire preuve d’une certaine souplesse dans la conception de nos activités. C’est pourquoi nous nous occupons de nos activités de base. Une bonne partie de notre organisation s’y consacre chaque jour. Mais nous comprenons très bien où nous avons la capacité d’encaisser des chocs ou de répondre aux opportunités qui se présentent. Nous devenons vraiment bons pour reconnaître ces éléments, pour nous asseoir avec nos clients afin de leur transmettre ces informations, pour traduire le tout par une nouvelle façon d’offrir nos services dans notre plan d’exploitation à horaires fixes. Ce nouveau modèle a fait ses preuves au cours d’une saison assez difficile, marquée par des feux de forêt dans le nord du pays et des vents violents dans le sud. Mais au cours de la dernière année, il s’est avéré très résistant. Il peut encaisser un choc et se rétablir très, très rapidement. Il peut subir un changement dans les flux de trafic et s’adapter très, très rapidement. Un modèle d’exploitation vraiment structuré et discipliné nous permet de regarder au loin et de réfléchir à ce dont nous aurons besoin ensuite.

Sébastien Doyon : Une grande partie de ce qui se passe dans le monde, y compris en matière de collaboration, se résume en fait à l’idée fondamentale de la confiance. De nombreuses entreprises sont confrontées à un déclin de la confiance à un moment où elles doivent établir des relations plus solides avec les communautés au sein desquelles elles exercent leurs activités. Vous avez vous-même été confrontée à ces enjeux au CN. À titre d’exemple, nous avons assisté récemment à la démission des membres du Conseil consultatif autochtone du CN. Comment gérez-vous de telles situations?

Tracy Robinson : Merci pour cette question. La notion de confiance est importante, entre autres pour moi, personnellement. Je crois que ce qui compte vraiment chaque jour, c’est notre façon de nous comporter et de faire ce que nous avions dit que nous ferions. Il faut être prévisible. Nous traversons des centaines de collectivités à travers le continent, dont des centaines de communautés autochtones. Nos employés vivent et travaillent dans ces communautés. Leurs enfants vont à l’école dans ces communautés. Alors si elles se développent, nous devons le faire avec elles. Chaque jour, notre priorité consiste à ne pas nuire. La sécurité est notre objectif premier. Une fois cette priorité atteinte, nous nous efforçons d’assurer la réussite de nos clients dans les secteurs d’activité de ces communautés. Ensuite, nous regardons autour de nous pour voir comment nous pourrions faire prospérer ces communautés. Chaque communauté, qu’elle soit autochtone ou non, a des besoins différents et des idées différentes sur la forme que cela pourrait prendre.
Nous nous engageons donc individuellement auprès de chaque collectivité. Que cela se traduise par des initiatives comme un aréna à Prince George, un centre de Jeunesse au Soleil ici à Montréal ou une participation à America in Bloom aux États-Unis, nous essayons de personnaliser notre contribution dans les communautés. En ce qui concerne les communautés autochtones, le Conseil consultatif autochtone du CN a effectué un travail remarquable pour nous faire prendre conscience du rôle que les chemins de fer ont joué dans la mise en œuvre de certaines politiques coloniales et des répercussions que ces politiques ont eues sur la santé économique et sociale des communautés au fil des générations. Il s’agit là d’un aspect important. Je suis donc très reconnaissante envers les membres du Conseil consultatif autochtone de nous avoir aidés à établir cette fondation. Il n’a pas toujours été facile de l’entendre et d’en prendre conscience. Nous avons publié une reconnaissance du rôle que les chemins de fer ont joué dans le passé, particulièrement au Canada, et des répercussions que cela a entraînées dans les communautés autochtones. Sur cette base, nous nous sommes engagés à élaborer un plan d’action pour la réconciliation, et nous ne voulons pas qu’il soit superficiel. Nous avons donc entrepris des consultations avec les communautés autochtones, en particulier à travers le Canada, pour savoir à quoi ce plan doit ressembler.
Il s’agit d’un long processus, et nous voulons qu’il nous permette de reconnaître le passé tout en envisageant une façon très différente de travailler ensemble dans l’avenir. Ce plan se concentrera sur les domaines dans lesquels nous pensons pouvoir faire avancer les choses. Il s’articulera autour du principe de la sensibilisation. Nous voulons avoir une incidence sur les gens et les possibilités d’emploi pour les communautés autochtones. À l’heure actuelle, près de 6 % de notre effectif est autochtone, et nous en sommes très fiers. Mais nous voulons que cette proportion augmente et que l’impact de ces employés soit encore plus important. Nous croyons fermement à la réconciliation économique, et nous travaillons très fort sur nos pratiques d’approvisionnement. Il y aura également un cadre environnemental. C’est donc par ces éléments que nous commençons. Ce sera un long processus. Nous devons procéder étape par étape, avec le plus grand sérieux. Je suis reconnaissante envers les membres du Conseil consultatif autochtone de nous avoir aidés à nous rendre jusqu’ici. C’est maintenant à nous de passer à l’étape suivante.

Sébastien Doyon : Sous votre leadership, de nombreux changements ont été adoptés au CN. Nous constatons souvent qu’il est essentiel d’avoir la capacité de mobiliser les gens et de les aider à adopter le changement. Comme plusieurs d’entre nous le savent, on ne devient pas un leader du jour au lendemain. Il faut beaucoup d’expérience et de kilométrage. Comment votre cheminement de carrière vous a-t-il aidée à vous préparer? Qu’avez-vous appris qui vous aide à mieux communiquer, à mieux vous engager et à avoir de meilleures relations avec vos employés au CN?

Tracy Robinson : C’est une très grande question. Comme vous le savez, j’ai fait carrière au CP, où je suis entrée dès ma sortie de l’université. J’y ai appris le métier de A à Z. J’y ai passé 27 ans et j’ai touché à de nombreux domaines, dont les ventes, le marketing, la gestion des actifs, les opérations et finances et le service à la clientèle. Chacun de ces domaines m’a apporté une perspective nouvelle. Je me souviens m’être dit à plusieurs reprises que si j’avais su cela, j’aurais fait les choses différemment dans mon précédent poste. Je crois donc qu’il est très important d’avoir une vue d’ensemble de ce qui fait avancer toute l’organisation. J’ai également été amenée à diriger des fonctions ou des services liés à des expertises techniques que je n’avais pas. Cela m’a forcée à prendre du recul et à réfléchir à ce qui est important pour cette fonction ou ce service, afin d’aider l’entreprise à progresser. J’ai donc été obligée d’adopter une vision plus large. Lorsque nous n’avons pas les connaissances techniques, nous devons compter sur nos employés pour bien diriger.
De nombreuses entreprises, dont les entreprises ferroviaires, reposent sur des connaissances techniques fonctionnelles approfondies, ce qui mène à un cloisonnement. Les dirigeants sont choisis en fonction de leurs connaissances techniques. Mais ce que j’ai appris en cours de route, c’est une façon de diriger l’entreprise de façon plus globale, ce qui signifie qu’il ne s’agit pas d’être un expert dans quoi que ce soit, mais de comprendre comment les pièces et les éléments s’assemblent. Ce faisant, nous pouvons être plus agiles parce que nous pouvons anticiper l’impact des choses qui se produisent, les chocs sur le système. Nous devenons alors plus résilients et plus agiles. Dans le cadre de mon travail avec les personnes dans ces postes, j’ai toujours été impressionnée par ce que les équipes étaient capables de faire une fois que je les avais aidées à comprendre ce qu’il fallait faire et pourquoi c’était important. Dès qu’ils comprennent cela, ils découvrent ce dont ils sont capables et vous le font découvrir. Il y a de la magie dans cet élan, et il devient contagieux. Une fois qu’on y parvient, on constate à quoi ressemble l’efficacité organisationnelle. Selon moi, c’est ça le leadership.
Je sais de quoi cette entreprise est capable, car je lui ai fait concurrence pendant 27 ans lorsque j’étais au CP. Nous devions nous poser les questions suivantes : Qu’essayons-nous de faire? Pourquoi sommes-nous ici? Comment allons-nous nous y prendre? Qui joue quel rôle? Nous n’optimisons pas l’ingénierie. Nous ne sommes pas une société d’ingénierie ni un cabinet comptable. Nous sommes une entreprise ferroviaire, ce qui signifie que nous devons décider du rôle que nous jouerons dans l’ensemble du secteur, et nous avons besoin de leaders qui nous guideront dans ce processus. Ainsi, lorsque des responsables de service viennent dans mon bureau, il m’arrive de leur demander de laisser leur fonction à la porte et de se comporter comme un chef d’entreprise au sens plus large. Ils reprennent ensuite leur fonction lorsqu’ils repartent. Nous devons enseigner cette perspective et ce leadership plus larges en nous appuyant sur cette façon de penser. Je suis très fière de cette équipe pour la façon dont elle s’est approprié cela. Nous en observons certaines retombées, je crois, à mesure que nous progressons.

Sébastien Doyon : Alors, maintenant que vous avez créé l’élan, comment préparez-vous la relève?

Tracy Robinson : Notre activité est très complexe et comporte de nombreux éléments mobiles. Il s’agit d’un sport de plein air qui se déroule 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Tous nos clients, quel que soit leur secteur d’activité, comptent sur nous pour faire ce qu’il faut chaque jour. L’expérience technique est donc là pour une raison. Mais à mesure que nous renforçons notre leadership, nous cherchons à offrir une expérience plus large aux leaders qui montent dans l’organisation. Ainsi, si vous aspirez à diriger une portion plus vaste de notre activité, vous allez acquérir de l’expérience maintenant qui vous exposera à des choses qui vont au-delà de la fonction que vous occupez. Je pense qu’il s’agit d’un élément important du développement. Vous pourrez trouver cela difficile si, par le passé, vous vous êtes appuyés sur vos compétences techniques, mais vous apprendrez à déterminer où vous vous situez, comme je l’ai fait, ce que votre organisation doit faire et comment gérer le tout et y répondre par l’intermédiaire des employés.
Nous allons offrir de plus en plus d’expériences de ce type à cette partie de nos talents à mesure qu’ils progresseront dans l’entreprise. À l’heure actuelle, nous nous concentrons sur nos dirigeants de première ligne. Les gens ont besoin d’aide pour devenir des leaders, et nous devons apporter cet appui à nos employés. C’est pourquoi nous nous penchons également sur cette question. Je veux que la relève soit assurée par ce type d’activité de développement. Nous invitons également plus de personnes de l’extérieur de l’organisation, car ce regard neuf issu de perspectives et d’horizons différents nous aide vraiment. Nous devons être une entreprise qui s’intéresse à cela et qui l’accueille favorablement.

Sébastien Doyon : J’aimerais parler de la transition énergétique et des changements climatiques. Je sais qu’au CN, vous envisagez diverses solutions pour réduire les émissions. J’aimerais comprendre le rôle des partenariats dans votre approche.

Tracy Robinson : Nous avons parlé brièvement de l’importance des chemins de fer dans l’économie, car ils permettent de transporter des marchandises à un taux d’émissions moins élevé. En ce qui concerne nos propres émissions, elles proviennent à 85 % de nos locomotives. Nous travaillons sur les émissions provenant d’autres sources, mais l’accent est mis sur les locomotives. Nous avons pris des engagements à l’externe concernant la réduction de l’intensité de nos émissions. Et nous les suivons bien. Pour ce faire, nous avons mis en place deux mesures dès le départ. D’abord, nous utilisons les données et les renseignements que nous fournit la technologie sur les locomotives. Il s’agit donc de la façon dont nous gérons les locomotives. Ensuite, nous avons introduit des biocarburants ou des carburants renouvelables dans notre diesel, et nous travaillons à les augmenter. Nous sommes le chemin de fer le plus économe en carburant de l’Amérique du Nord, à hauteur d’environ 15 % en moyenne.
En fin de compte, il est question de propulsion, et l’industrie y travaille. Mais à l’heure actuelle, nous testons tous différentes solutions. En Pennsylvanie, nous travaillons avec Wabtec sur une locomotive entièrement électrique. En Colombie-Britannique, nous avons annoncé la semaine dernière, avec l’aide du gouvernement de la province, une collaboration avec Progress Rail pour la mise au point d’une locomotive hybride diesel-électrique. D’autres entreprises ferroviaires travaillent également sur d’autres options. En fait, le secteur ferroviaire ne produit pas de locomotives. Nous collaborons donc avec les fabricants d’équipement d’origine.

Sébastien Doyon : Dans le cadre de ces expériences, observez-vous des défis particuliers liés à l’adaptation de votre flotte?

Tracy Robinson : Il y en a deux. Le premier découle de la locomotive elle-même. En effet, la voie la plus efficace serait de pouvoir utiliser le même châssis pour modifier la locomotive et l’adapter au prochain mode de propulsion. L’autre défi, c’est de savoir quel sera ce carburant et comment nous pourrons le transporter jusqu’à la locomotive. Le système de distribution du diesel et le mode d’alimentation des locomotives sont très bien établis dans l’ensemble du secteur. Quel que soit le prochain carburant, nous devrons également réfléchir à la manière dont nous l’acheminerons jusqu’à la locomotive. Nous travaillons donc sur ces deux questions de façon simultanée. 

Sébastien Doyon : Passons maintenant aux phénomènes météorologiques extrêmes. Nous en avons vu certains se produire sur votre réseau. Je sais que vous analysez les effets à long terme des changements climatiques et d’autres événements extrêmes. Compte tenu de votre expérience, que conseilleriez-vous aux dirigeants d’entreprises qui en sont à des stades moins avancés que vous? Comment doivent-ils aborder les risques physiques?

Tracy Robinson : Tout d’abord, ils doivent reconnaître que ces risques sont réels et qu’ils semblent augmenter. Nous accordons beaucoup d’attention aux données et aux renseignements disponibles, et je conseillerais aux autres de faire de même. De nombreuses innovations se profilent à l’horizon, notamment pour ce qui touche les infrastructures physiques et la façon de prévoir où les urgences climatiques se produiront. Il existe des innovations très intéressantes sur la manière de prévoir où se produiront les incendies, les inondations et d’autres phénomènes. Il existe des choses que l’on peut faire pour renforcer ses infrastructures à l’avance. De notre côté, nous misons sur de nouveaux types de matériaux plus résistants au feu et nous examinons l’emplacement des ponceaux pour la question de l’eau. Nous avons aussi mis en place de nouveaux systèmes de gicleurs sur certains de nos ponts et infrastructures.
Il y a donc des choses que l’on peut faire pour réduire la probabilité d’un impact, une fois que l’on a compris où ces événements sont les plus susceptibles de se produire. Et s’ils surviennent, il est bien sûr de notre devoir de nous assurer d’en atténuer les répercussions, et de les limiter le plus possible. Pour y arriver, nous travaillons très fort sur nos propres infrastructures, avec nos clients et les communautés. Pour renforcer la résilience de nos entreprises, il serait très judicieux que nous tirions tous profit des innovations qui s’en viennent et de la prévisibilité que nous offrent les données sur les événements pouvant survenir.

Sébastien Doyon : C’est un conseil très judicieux. Merci beaucoup de nous avoir fait part de vos réflexions.

Tracy Robinson : Merci à vous, et merci pour l’enquête. C’était une lecture passionnante. 

Sébastien Doyon : Voilà qui conclut ce premier épisode de la troisième saison de la série « CEO Viewpoints ». Restez à l’affût pour découvrir d’autres points de vue de chefs de direction canadiens. Si vous avez apprécié cet épisode, abonnez-vous à notre série de balados sur les plateformes de Spotify et Apple. N’hésitez pas à nous laisser une évaluation ou un commentaire sur Apple Podcasts. Ce balado a été préparé par PricewaterhouseCoopers s.rl./s.e.n.c.r.l., une société à responsabilité limitée de l’Ontario, uniquement à titre d’orientation générale sur des sujets d’intérêt, et ne constitue pas un conseil professionnel. Merci de nous avoir écoutés.

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« CEO Viewpoints »

La série « CEO Viewpoints » fait partie de notre Balado « Shift », et se concentre particulièrement sur les questions soulevées dans notre Enquête mondiale auprès des chefs de direction. Dans chaque épisode, nous explorons la façon dont les chefs de direction composent avec la nécessité croissante de réinvention révélée dans notre enquête. Nous discutons également de ce qu’ils font pour rester à l’avant-garde des grandes tendances clés, comme les changements climatiques et d’autres facteurs de perturbation importants. Écoutez leurs points de vue sur les enjeux qui transforment la société et découvrez leur façon de diriger leur entreprise au cœur des grandes forces de changement qui alimentent la réinvention des entreprises à l’échelle mondiale. 


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