Point de vue fiscal : Le ministère des Finances publie des propositions législatives ─ règles de divulgation obligatoire

09 novembre, 2022

Numéro 2022-04F

Mise à jour du 9 novembre 2022 : Le 3 novembre 2022, le ministère des Finances a annoncé une nouvelle date d’entrée en vigueur pour certaines des améliorations proposées aux règles de divulgation obligatoire du Canada; cela permettra au gouvernement fédéral d’« évaluer l’ensemble des commentaires reçus » dans le cadre des consultations publiques (lancées le 9 août 2022) au sujet de ces règles.

La nouvelle date d’entrée en vigueur des propositions :

  • changeant les règles actuelles relatives aux opérations à déclarer de la Loi de l’impôt sur le revenu;
  • instaurant des exigences de déclaration des opérations à signaler pour les contribuables;

sera la date à laquelle la loi habilitante recevra la sanction royale (auparavant, les modifications se seraient appliquées aux opérations conclues après 2022).

La nouvelle exigence de déclaration de « traitements fiscaux incertains » pour les « sociétés déterminées » proposée prendra encore effet pour les années d’imposition qui débutent après 2022, des pénalités ne s’appliquant qu’une fois que la loi habilitante aura reçu la sanction royale.

Comme nous l’avons mentionné dans notre mise à jour du 6 septembre 2022, les modifications législatives révisées dans le but d’améliorer les règles de divulgation obligatoire ont été annoncées par le ministère des Finances, qui sollicite des commentaires, le 9 août 2022. Les propositions législatives du 9 août 2022 sont généralement similaires à celles du 4 février 2022 (dont il est question dans notre Point de vue fiscal du 10 février 2022 ci-dessous), mais les propositions ont reporté la date d’entrée en vigueur des règles (cette date a été changée par la suite, dans certains cas, tel qu’il est indiqué ci-dessus).

Le reste de ce Point de vue fiscal a été publié le 10 février 2022. Il n’a pas été modifié pour tenir compte de l’annonce du ministère des Finances du 3 novembre 2022 ou des propositions législatives du 9 août 2022.

 

En bref

Le 4 février 2022, le ministère des Finances a publié des propositions législatives (les propositions) visant à mettre en œuvre de nombreuses mesures du budget fédéral 2021 et d’autres mesures. Les propositions comprennent la proposition du budget fédéral 2021 visant à renforcer les règles de divulgation obligatoire du Canada en :

  • changeant les règles actuelles relatives aux opérations à déclarer de la Loi de l’impôt sur le revenu (LIR);

  • instaurant des exigences de déclaration des « opérations à signaler » et, pour les « sociétés déterminées », de déclarer les « traitements fiscaux incertains »;

  • prolongeant, dans certaines circonstances, la période de nouvelle cotisation;

  • introduisant des pénalités pour non-conformité qui s’appliqueront à la fois aux contribuables et aux promoteurs ou conseillers.

Un document d’information contenant une liste d’exemples d’« opérations à signaler » a également été publié. Il est proposé que ces règles s’appliquent aux années d’imposition qui commencent, et aux opérations conclues, après 2021. Les dispositions relatives aux pénalités ne s’appliqueraient toutefois pas aux opérations effectuées avant la date à laquelle la loi habilitante reçoit la sanction royale.

Le présent numéro de Point de vue fiscal traite des règles de divulgation obligatoire renforcées proposées. Les parties intéressées sont invitées à faire part au ministère des Finances de leurs commentaires sur ces règles et sur la liste d’exemples d’opérations à signaler d’ici le 5 avril 2022.  

En détail

Opération à déclarer

Les règles actuelles de la LIR exigent la déclaration d’une opération si elle est considérée comme une « opération d’évitement », selon la définition de ce terme aux fins de la règle générale anti-évitement, et qu’elle répond à au moins deux des trois marqueurs définis (ententes concernant les honoraires conditionnels, protection de la confidentialité ou protection contractuelle). La déclaration doit être faite au plus tard le 30 juin de l’année civile suivant l’année civile au cours de laquelle l’opération est devenue pour la première fois une opération à déclarer.  

Les propositions :

  • exigent qu’un seul des trois marqueurs soit présent pour qu’une opération soit à déclarer; 

  • modifient le marqueur « protection contractuelle » afin d’exclure la protection offerte dans le cadre d’opérations commerciales normales à un large marché (p. ex. l’assurance commerciale standard contre le risque fiscal), de sorte que ces protections ne déclenchent pas d’obligation déclarative;

  • modifient la définition d’« opération d’évitement » à ces fins pour qu’une opération puisse être considérée comme une opération d’évitement s’il est raisonnable de conclure que l’un des principaux objets de conclure l’opération est l’obtention d’un avantage fiscal.

Obligation de déclaration

Le contribuable serait tenu de déclarer des renseignements détaillés concernant l’opération à l’Agence du revenu du Canada (ARC) dans les 45 jours suivant le premier jour où le contribuable (ou une autre personne qui a conclu l’opération au profit du contribuable) :

  • a l’obligation contractuelle de conclure l’opération; ou

  • conclut l’opération.

Un promoteur ou un conseiller qui offre un tel stratagème sera tenu de le déclarer dans les mêmes délais. Une exception à l’obligation déclarative pourrait être prévue pour les conseillers dans la mesure où le privilège des communications entre client et avocat s’applique. 

Pénalités

Il est proposé que des pénalités importantes soient imposées pour les contribuables, les conseillers et les promoteurs pour chaque omission de déclaration.  

Opérations à signaler

Les propositions introduisent une exigence de déclarer en temps utile à l’ARC des renseignements pertinents sur une nouvelle catégorie d’opérations déterminées (appelées « opérations à signaler »). Le ministre du Revenu national aurait le pouvoir de désigner, avec l’accord du ministre des Finances, une opération ou une série d’opérations. Une opération à signaler est une opération ou une série d’opérations qui est identique ou sensiblement semblable à une opération désignée ou à une série d’opérations désignées. Les opérations seront considérées comme étant essentiellement similaires si elles devaient se solder par l’obtention d’un attribut fiscal identique ou semblable et étaient soit apparentées sur le plan des faits, soit fondées sur la même stratégie fiscale ou une stratégie fiscale semblable.

Les opérations à signaler comprendraient les opérations que l’ARC a considérées comme abusives ainsi que celles déterminées comme des opérations dignes d’intérêt. La description d’une opération à signaler devrait établir la série de faits ou les conséquences qui composent cette opération de façon suffisamment détaillée pour que les contribuables puissent se conformer à la règle de divulgation. 

Exemples d’opérations à signaler 

Dans le cadre de ces propositions, le ministère des Finances a publié un document d’information1 qui contient une liste d’exemples d’opérations (ou de séries d’opérations) qui ont été désignées comme des « opérations à signaler » par le ministre du Revenu national. Les exemples d’opérations à signaler sont regroupés comme suit :

  • manipulation du statut de société privée sous contrôle canadien pour éviter les règles anti-évitement applicables au revenu de placement;

  • création de pertes sur opérations de chevauchement au moyen d’une société de personnes;

  • évitement de la disposition réputée après 21 ans des biens en fiducie;

  • manipulation du statut de faillite pour réduire un montant remis à l’égard d’une dette commerciale;

  • recours aux critères d’objet de l’article 256.1 de la LIR (restrictions au commerce d’attributs fiscaux) pour éviter une acquisition de contrôle réputée;

  • utilisation de prêts adossés pour contourner les règles de capitalisation restreinte et la retenue d’impôt de la partie XIII.

Obligation de déclaration

Chaque contribuable (ou personne qui conclut une opération au profit d’un contribuable) à l’égard duquel un avantage fiscal découle (ou est censé découler) d’une opération ou d’une série d’opérations à signaler serait tenu de déclarer l’opération (ou la série d’opérations) dans le formulaire prescrit à l’ARC dans les 45 jours suivant le premier jour où le contribuable (ou une autre personne qui a conclu l’opération au profit du contribuable) :

  • a l’obligation contractuelle de conclure l’opération; ou

  • conclut l’opération.

Un promoteur ou un conseiller qui offre un tel stratagème sera tenu de le déclarer dans les mêmes délais. Une exception à l’obligation déclarative pourrait être prévue pour les conseillers dans la mesure où le privilège des communications entre client et avocat s’applique. 

Cette divulgation ne modifierait pas le traitement fiscal d’une opération. La déclaration de renseignements à produire pour une opération à signaler doit notamment : 

  • décrire le traitement fiscal attendu (y compris la ou les dispositions législatives pertinentes sur lesquelles il faut s’appuyer) et les avantages de l’opération, ainsi que toute protection contractuelle et tous les honoraires conditionnels liés à l’opération;

  • identifier et décrire suffisamment l’opération pour que l’ARC puisse comprendre sa structure fiscale;

  • identifier toute personne tenue de produire une déclaration de renseignements relative à l’opération. 

Pénalités

Il est proposé que des pénalités importantes soient imposées pour les contribuables, les conseillers et les promoteurs d’opérations pour chaque omission de déclaration.  

Traitements fiscaux incertains

À l’heure actuelle, il n’y a pas d’obligation de divulguer les traitements fiscaux incertains. Les propositions exigeraient qu’une société contribuable répondant aux conditions suivantes déclare à l’ARC des traitements fiscaux incertains particuliers :

  • la société est tenue de produire une déclaration de revenus canadienne et possède un actif d’au moins 50 millions de dollars à la fin de l’année d’imposition; 

  • la société, ou un groupe dont la société est membre, a des états financiers vérifiés préparés conformément aux Normes internationales d’information financière ou à d’autres principes comptables généralement reconnus propres à un pays et pertinents pour les sociétés cotées en bourse à l’extérieur du Canada; 

  • il y a un traitement fiscal incertain lié à l’impôt sur le revenu canadien de la société reflété dans les états financiers vérifiés.

Obligation de déclaration

Une société serait tenue de déclarer des renseignements sur les traitements fiscaux incertains au moment où elle produit sa déclaration de revenus canadienne. Il est prévu que la société soit tenue, pour chaque traitement fiscal incertain à déclarer (et pour l’opération à laquelle le traitement fiscal se rapporte) :

  • de décrire les faits pertinents et le traitement fiscal adopté (y compris la ou les dispositions législatives pertinentes sur lesquelles il s’appuie);
  • d’indiquer la valeur des impôts en cause et de préciser si l’incertitude (les écarts d’impôts) :
    • concerne un écart d’impôts permanent ou temporaire
    • porte sur la détermination de la valeur d’un bien ou sur le calcul de base

Pénalités

Il est proposé que la pénalité pour omission de déclarer en temps utile chaque traitement fiscal incertain donné soit de 2 000 $ par semaine, jusqu’à concurrence de 100 000 $. 

Période de nouvelle cotisation

Pour encourager les contribuables à se conformer aux nouvelles règles de divulgation obligatoire, les propositions prévoient que la période normale de nouvelle cotisation relative à une opération, y compris un traitement fiscal incertain, ne commencerait pas avant que le contribuable ne se soit conformé à l’obligation déclarative applicable. Par conséquent, si un contribuable ne se conforme pas à l’obligation déclarative, l’établissement d’une nouvelle cotisation relative à l’opération ne serait pas frappé de prescription.

À retenir

Ces propositions élargissent considérablement les types d’opérations qu’il faudrait déclarer à l’ARC. Les contribuables et les promoteurs ou conseillers auront le lourd fardeau de se conformer à ces nouvelles obligations de divulgation s’ils participent à des opérations désignées comme des « opérations à signaler » ou considérées comme ayant un traitement fiscal incertain. Bien qu’il soit prévu que la déclaration soit exigée pour les opérations conclues après 2021 qui sont identiques ou substantiellement similaires à des opérations désignées ultérieurement comme des opérations à signaler, l’échéance de déclaration de ces opérations n’est pas claire. Les pénalités pour déclaration tardive ne s’appliqueront pas aux opérations effectuées en 2022 avant la date de la sanction royale de la loi habilitante pour ces règles, mais le début de la période de nouvelle cotisation pour ces opérations pourrait encore être reporté jusqu’à ce que la déclaration ait lieu. 

Les règles de divulgation obligatoire relatives aux planifications fiscales abusives du Québec comprennent également l’obligation de divulguer les « opérations désignées ». La liste d’exemples d’opérations fédérales à signaler recoupe en partie la liste des opérations désignées du Québec (pour plus d’informations, consultez notre bulletin Point de vue fiscal, « Règles de divulgation obligatoire du Québec : la date limite pour divulguer les “opérations désignées” approche ».

 

1. Ministère des Finances, « Consultation sur les règles de divulgation obligatoire relatives à l’impôt sur le revenu : Exemples d’opérations à signaler » (4 février 2022), au www.canada.ca/fr/ministere-finances.html.

 

Contactez-nous

Jean-François Thuot

Jean-François Thuot

Associé, PwC Canada

Tél. : +1 514 205 5272

Simon Dutil

Simon Dutil

Associé, PwC Canada

Tél. : +1 418 691 2462

Suivre PwC Canada