Le secteur du cannabis a connu une croissance rapide à ses débuts, alors que les capitaux affluaient. Les acteurs de ce marché ont eu recours aux fusions et aux acquisitions pour faire croître la valeur des entreprises tout en s’efforçant de rester fidèles à leur culture entrepreneuriale de startup.
L’an dernier, entre mars et décembre, la perception sur le marché a changé, de sorte que les titres des entreprises du secteur du cannabis ont chuté d’environ 60 %. Les capitaux se sont taris, et les entreprises de cannabis sont désormais scrutées de plus près. Tandis que le secteur s’adapte aux conditions d’achat des distributeurs à grande échelle, l’arrivée de produits de deuxième génération et les marges réduites pèsent sur les acteurs de ce secteur, qui voient leurs capitaux fondre à vue d’œil. En l’absence de flux de trésorerie durables ou de réserves suffisantes, de nombreuses entreprises pourraient éprouver des difficultés à financer leurs activités au-delà des 6 à 12 prochains mois. Le manque de fonds se fait déjà sentir dans les états financiers de ces entreprises de même que dans les annonces de mises à pied et de réduction des effectifs.
Par ailleurs, la légalisation à l’échelle mondiale s’accélère, malgré l’incertitude qui subsiste au sud de nos frontières. Alors que les entreprises de cannabis canadiennes explorent un nombre croissant de marchés, elles réalisent qu’en dépit de la qualité des produits canadiens, elles ne sont plus les seules sur ce marché et font face à la concurrence de plusieurs territoires. Bien que de nombreuses entreprises considèrent avec raison que l’expansion de la légalisation représente une occasion à saisir, cette situation vient toutefois accentuer la pression qu’elles subissent déjà en devant répondre à des exigences de performance accrues.
Dans ce marché où la pression est élevée, les entreprises qui visent la durabilité à long terme et la création de valeur pour les actionnaires doivent adopter un modèle opérationnel et une structure organisationnelle plus complexes et plus raffinés s’alignant sur leur stratégie et leur culture fondamentales et permettant de les rehausser.
Dans le chapitre 2 de notre série sur le cannabis, nous avons parlé de l’importance de la stratégie au sein d’un secteur du cannabis en pleine croissance pour définir les domaines de concurrence d’une entreprise et l’ensemble des capacités nécessaires pour tirer son épingle du jeu. Ce secteur devenant de plus en plus complexe, il est plus important que jamais pour les entreprises qui en font partie d’établir un plan stratégique rigoureux permettant de déterminer le créneau dans lequel elles évolueront de même que la façon dont elles feront concurrence à leurs adversaires. Cela dit, le plan stratégique à lui seul ne peut venir à bout de leurs problèmes.
Pour mettre en œuvre efficacement une stratégie d’entreprise et assurer la responsabilisation à l’échelle de l’entreprise, le modèle opérationnel et la structure organisationnelle doivent tous deux consolider et renforcer la stratégie et faire en sorte que les activités soient alignées sur les objectifs de l’entreprise. De telles structures de renforcement permettront à l’entreprise de garder le cap en vue d’atteindre l’excellence et l’efficacité opérationnelles et de jeter les bases d’une croissance durable.
Le modèle opérationnel et la structure organisationnelle sont deux éléments clés qui transforment la stratégie en action. Ensemble, ces deux éléments déterminent comment l’entreprise mettra en œuvre sa stratégie et qui en sera responsable.
Les entreprises reconnaissent souvent les symptômes d’un modèle opérationnel et d’une structure organisationnelle inadéquats, mais elles estiment à tort qu’il s’agit d’un problème de stratégie ou de personnel. Voici quelques-uns de ces symptômes :
Retard de croissance de l’entreprise |
Redondances opérationnelles et structures de coûts élevées |
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Intégration sous-optimale d’actifs après une transaction |
Déséconomies d’échelle |
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Mauvaise communication constante et rôles et responsabilités ambigus |
Déséquilibre de l’étendue des pouvoirs des membres de la haute direction |
Tous seront d’accord pour dire que de tels problèmes nuisent à une entreprise. Toutefois, nombreuses sont les entreprises qui hésitent à mettre en place un processus de conception rigoureux. Les raisons les plus courantes pour lesquelles elles refusent de revoir la conception de leur modèle opérationnel et de leur structure organisationnelle sont généralement liées au désir d’éviter les perturbations et à la crainte de perdre des éléments culturels clés ayant contribué à la réussite de l’entreprise en premier lieu. Bien que ces préoccupations soient compréhensibles, corriger les causes des problèmes permettra ultimement de créer une entreprise plus durable et de rehausser la culture organisationnelle faisant de chaque entreprise une entreprise unique.
Aligner le modèle opérationnel et la structure organisationnelle sur la stratégie d’entreprise permettra aux entreprises de bien se positionner pour une réussite à long terme.
Après avoir passé en revue le modèle opérationnel et la structure organisationnelle de nombreuses entreprises de secteurs connexes tels que les secteurs pharmaceutique, des boissons alcoolisées, du tabac et des produits emballés, il est évident qu’il existe plus d’une façon pour une entreprise de cannabis de concevoir son modèle. Toutefois, deux décisions importantes s’imposent pour la haute direction :
La conception de la structure hiérarchique au sein de l’entreprise ne dépend pas seulement de la principale stratégie et de l’étendue des activités, mais également de la genèse, de l’histoire et de la culture de l’entreprise. Il existe deux modèles habituellement envisagés, soit la hiérarchie unidimensionnelle et la matrice multidimensionnelle.
Chacune de ces options comporte des avantages et des inconvénients (illustrés ci-dessous) que les membres de la haute direction doivent prendre en considération.
Hiérarchie unidimensionnelle | Matrice multidimensionnelle | |
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Advantages |
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Inconvénients
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Pour déterminer la structure convenant le mieux à l’entreprise, il est nécessaire de comprendre les éléments suivants :
La plupart des entreprises se tournent vers un modèle hybride qui combine des éléments de la hiérarchie unidimensionnelle (figure 1) et de la matrice multidimensionnelle (figure 2). Toutefois, concevoir en vue de l’avenir nécessite un examen approfondi de la situation actuelle et l’anticipation de la façon dont l’entreprise évoluera.
En plus de déterminer la structure de gestion, les membres de la haute direction doivent déterminer les principaux domaines d’activité en fonction desquels l’entreprise devra être structurée. Les dimensions les plus courantes observées au sein d’entreprises matures sont les suivantes :
Le choix de la dimension ou des dimensions qui deviendront le squelette de la conception en vue de l’avenir dépendra de la stratégie de l’entreprise ainsi que de ses domaines de concurrence et de son approche globale du marché.
À titre d’exemple :
Une conception réfléchie et proactive du modèle opérationnel et de la structure organisationnelle est essentielle, en particulier au sein du secteur du cannabis. Bien que les structures d’entreprises en démarrage aient été adéquates dans les débuts, les entreprises de cannabis subissent dorénavant une pression de plus en plus forte en ce qui a trait à leurs activités, depuis leurs stratégies de croissance du départ au manque de capitaux se faisant actuellement sentir dans ce secteur. Les marchés financiers ont chuté, et les investisseurs hésitent à continuer d’investir en l’absence de performances financières mesurables. Pour réaliser la transition, les entreprises doivent comprendre la façon dont les caractéristiques uniques de leur milieu se répercutent sur la conception opérationnelle et organisationnelle.
Nous recommandons aux entreprises de cannabis d’examiner l’incidence que peut avoir le contexte particulier de ce secteur sur la conception du modèle opérationnel et de la structure organisationnelle. Bien que les particularités du marché puissent varier d’une entreprise à l’autre, il est de mise de tenir compte de certains éléments principaux :
La diversité et la complexité des activités et des segments et marchés finaux peuvent obliger les entreprises de cannabis à se structurer de manière à tirer parti de certaines synergies potentielles tout en maintenant une séparation entre les secteurs antagonistes. Une telle approche favorise la réduction de la redondance tout en permettant à l’entreprise de générer de la valeur (c.-à-d. dans les segments et les marchés) grâce à un ensemble de capacités fondamentales uniques.
La réglementation stricte et évolutive de ce secteur obligera les entreprises à structurer minutieusement leurs activités assujetties à un contrôle réglementaire (p. ex. la culture et les ventes) de façon à assurer une communication claire et la responsabilisation du personnel responsable de la conformité et de la supervision.
La structure des entreprises doit intégrer une certaine souplesse leur permettant de s’adapter à l’évolution rapide du secteur, sans toutefois sacrifier l’orientation stratégique, qui demeure essentielle à la réussite.
Les entreprises de cannabis doivent démontrer leur capacité de soutenir une structure et des activités complexes et durables afin de susciter l’intérêt de participants diligents de secteurs connexes à des fins d’investissement et de partenariat.
Alors que l’équipe de haute direction s’agrandit, les entreprises doivent déterminer le nombre de relations hiérarchiques échéant aux membres de la haute direction afin d’assurer une structure hiérarchique claire et des pouvoirs appropriés. Dans le cas contraire, certains membres de la haute direction pourraient se retrouver avec un nombre ingérable de personnes relevant d’eux directement ainsi qu’avec des pouvoirs décisionnels consolidés disproportionnés.
Pris collectivement, ces facteurs complexifient davantage la conception d’un modèle opérationnel et d’une structure organisationnelle adéquats au sein du secteur du cannabis. Pour maximiser les chances de réussite, nous encourageons les entreprises à adopter une approche de la conception qui soit structurée et impartiale.
D’après notre analyse d’un important groupe d’entreprises prospères de secteurs connexes, nous avons conclu qu’il n’existe pas de « taille unique » en matière de conception de modèle opérationnel et de structure organisationnelle. En dépit de cette diversité, il ressort un élément que les entreprises prospères ont en commun : la structure organisationnelle et le modèle opérationnel sont conçus de manière logique selon des principes directeurs clairs.
Selon nous, les entreprises doivent tenir compte des principes directeurs suivants lors de la conception de leur modèle opérationnel et de leur structure organisationnelle :
aborder le processus de conception en excluant les noms, les rôles et les titres afin de réduire au minimum l’incidence des politiques internes et des biais relatifs aux rôles;
s’assurer que la conception est fondée sur la stratégie et sur les objectifs de l’entreprise et qu’elle est alignée sur ces éléments;
viser d’élaborer une structure permettant de rehausser les forces de l’entreprise, de consolider sa culture et de diminuer ses faiblesses;
concevoir en ayant en tête la situation future de l’entreprise et appliquer une ingénierie inverse de manière à élaborer un modèle opérationnel et une structure organisationnelle pour la situation actuelle ainsi que tout modèle intermédiaire nécessaire;
dresser un plan prévoyant la réévaluation et l’itération occasionnelle de la conception initiale pour s’assurer d’aborder et d’intégrer l’évolution du secteur ainsi que les pivots stratégiques.
Le caractère unique de l’approche de conception doit s’arrimer sur celui de l’entreprise, car un processus normalisé ne peut convenir à tous. Suivre ces principes dans le cadre d’un processus structuré maximisera les chances de réussite.
La conception d’un modèle opérationnel doit se fonder sur une stratégie clairement définie. Avant d’entreprendre une telle conception, l’entreprise doit s’assurer que sa stratégie et ses objectifs sont définis par la haute direction et que tous les membres de la haute direction y adhèrent. Les principales valeurs de l’entreprise doivent également être déterminées et faire partie intégrante de la façon dont l’entreprise exercera ses activités.
La conception d’un modèle opérationnel et d’une structure organisationnelle n’est jamais facile. Les entreprises de cannabis doivent réfléchir à leur situation actuelle et déterminer ce dont elles ont besoin pour leur réussite future.