24 juillet, 2024
Numéro 2024-22F
Le 20 juin 2024, le projet de loi fédéral C-69, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 16 avril 2024, a reçu la sanction royale. Le projet de loi C-69 renferme des dispositions visant à mettre en œuvre une mesure du budget fédéral 2023 qui entraîne d’importantes modifications au régime de l’impôt minimum de remplacement (IMR) pour les particuliers. Ces modifications représentent la plus importante réforme du régime de l’IMR depuis son introduction en 1986 et sont destinées à mieux cibler l’IMR pour les particuliers à revenu élevé.
Les principales modifications au régime de l’IMR1, qui entrent en vigueur pour les années d’imposition commençant après 2023, sont les suivantes :
Ce Point de vue fiscal donne une vue d’ensemble des modifications à l’IMR et quelques exemples des conséquences fiscales qu’elles auront sur les particuliers et certaines fiducies.
L’IMR est conçu pour cibler les particuliers et les fiducies à revenu élevé de manière à ce que ceux-ci payent un montant minimal d’impôt même s’ils ont droit à certaines exemptions et déductions aux termes de la Loi de l’impôt sur le revenu (la Loi). L’IMR implique un calcul complexe qui modifie le revenu imposable ordinaire d’un particulier en limitant l’accès à certains crédits, exonérations et déductions auxquels il aurait autrement droit.
Le revenu imposable modifié (RIM) d’un particulier est calculé à partir du revenu imposable ordinaire du particulier, qui est ensuite ajusté de manière à refuser certains incitatifs fiscaux. Le RIM est réduit de l’exonération de base (40 000 $ avant 2024), puis multiplié par le taux d’imposition de l’IMR (15 % avant 2024). Le montant ainsi calculé est finalement réduit de certains crédits d’impôt. Pour les années d’imposition commençant avant 2024, l’IMR était donc égal à :
15 % x (RIM – 40 000 $) – crédits d’impôt non remboursables admissibles
Si l’IMR calculé est supérieur à l’impôt fédéral ordinaire autrement exigible, le particulier devra payer l’IMR au lieu de l’impôt fédéral. La différence entre l’IMR et l’impôt fédéral ordinaire est considérée comme un impôt remboursable qui, une fois payé, peut être appliqué aux sept années suivantes pour réduire le montant de l’impôt fédéral que le particulier devrait autrement payer, pourvu que ce montant excède l’IMR calculé pour l’année en question.
Certaines fiducies étaient également assujetties à l’IMR, mais seules les successions assujetties à l’imposition à taux progressifs (soit une succession qui est une fiducie testamentaire pendant les 36 premiers mois suivant la date du décès) bénéficiaient de l’exonération de base.
Les changements entraînent :
Maintenant que le projet de loi C-69 a été adopté, le nouveau calcul de l’IMR est le suivant :
20,5 % x (RIM – 173 205 $) – (50 % x crédits d’impôt non remboursables admissibles, avec certaines exceptions)
Les modifications changent le calcul du RIM en réajustant le taux d’inclusion pour certains types de revenus et en limitant ou en restreignant l’accès à certaines déductions et dépenses. Les principaux changements sont les suivants :
Les dispositions du projet de loi C‑69 :
D’autres fiducies non testamentaires demeurent assujetties à l’IMR sans bénéficier de l’exonération de base.
Les dispositions du projet de loi C‑69 n’entraînent aucune modification à bon nombre de caractéristiques du régime de l’IMR antérieur à 2024, notamment les suivantes :
Voici trois exemples de la manière dont les modifications à l’IMR toucheront certains particuliers et certaines fiducies; par souci de simplicité, seuls les crédits d’impôt mentionnés dans les exemples sont pris en compte.
Cet exemple considère un particulier qui, à la fois :
Impôt fédéral ordinaire |
Régime de l’IMR antérieur à 2024 |
Nouveau régime de l’IMR à compter de 2024 |
||
avant le 25 juin 2024 |
après le 24 juin 2024 |
|||
Revenu ordinaire |
250 000 $ |
250 000 $ |
||
Gain en capital |
1 500 000 $ |
1 500 000 $ |
||
Gain en capital imposable |
750 000 $ |
958 333 $* |
1 200 000 $ |
1 500 000 $ |
RIM |
s. o. |
1 450 000 $ |
1 750 000 $ |
|
Exonération de base de l’IMR |
s. o. |
(40 000) $ |
(173 205) $** |
|
Revenu imposable |
1 000 000 $ |
1 208 333 $ |
1 410 000 $ |
1 576 795 $ |
Taux d’imposition fédéral/taux de l’IMR |
Variable |
15 % |
20,5 % |
|
Crédit d’impôt personnel de base*** |
(2 123) $ |
(2 123) $ |
(1 062) $ |
|
Impôt fédéral ordinaire***/IMR |
303 592 $ |
372 342 $ |
209 377 $ |
322 181 $ |
* 958 333 $ = 1 000 000 $ (gain en capital imposable compte tenu du taux d’inclusion proposé des gains en capital de deux tiers en vigueur après le 24 juin 2024), moins 41 667 $ (déduction proposée de manière que le taux d’inclusion des gains en capital effectif sur la première tranche de 250 000 $ de gains en capital réalisés durant l’année par un particulier soit d’une demie). ** L’exonération de base, dans le cadre du nouveau régime de l’IMR en vigueur à compter de 2024, correspond au début de la deuxième tranche d’imposition fédérale la plus élevée (soit 173 205 $ en 2024). *** Selon le montant personnel de base et les tranches d’imposition de 2024. |
Dans le cadre des règles antérieures à 2024, aucun IMR ne serait exigible dans cet exemple, car l’impôt fédéral ordinaire est plus élevé que l’IMR, tant pour le scénario où le gain est réalisé avant le 25 juin 2024 que dans celui où il est réalisé après le 24 juin 2024. Cependant, en vertu des nouvelles règles de l’IMR en vigueur à compter de 2024, l’impôt fédéral total à payer par le particulier :
Cet exemple montre que, compte tenu de l’augmentation proposée du taux d’inclusion des gains en capital pour le faire passer d’une demie à deux tiers pour les gains réalisés après le 24 juin 2024, les particuliers qui réalisent d’importants gains en capital ne seront généralement pas visés par l’IMR dans le cadre du nouveau régime en vigueur à compter de 2024.
Cet exemple considère un particulier qui, à la fois :
Avant le crédit pour dons |
Après le crédit pour dons |
|||
Impôt fédéral ordinaire |
Nouveau régime de l’IMR à compter de 2024 |
Impôt fédéral ordinaire |
Nouveau régime de l’IMR à compter de 2024 |
|
Revenu ordinaire |
160 000 $ |
160 000 $ |
||
Gain en capital réalisé à la disposition d’AAPE |
1 000 000 $ |
1 000 000 $ |
||
Gain en capital imposable |
500 000 $ |
1 000 000 $ |
500 000 $ |
1 000 000 $ |
Déduction pour gains en capital |
(500 000) $ |
(700 000) $ |
(500 000) $ |
(700 000) $ |
RIM |
s. o. |
460 000 $ |
s. o. |
460 000 $ |
Exonération de base de l’IMR |
s. o. |
(173 205) $* |
s. o. |
(173 205) $* |
Revenu imposable |
160 000 $ |
286 795 $ |
160 000 $ |
286 795 $ |
Taux d’imposition fédéral/taux de l’IMR |
Variable |
20,5 % |
Variable |
20,5 % |
Crédit d’impôt personnel de base** |
(2 356) $ |
(1 178) $ |
(2 356) $ |
(1 178) $ |
Crédit d’impôt pour dons de bienfaisance |
s. o. |
(28 972) $ |
(23 178) $ |
|
Impôt fédéral ordinaire**/IMR |
30 026 $ |
57 615 $ |
1 054 $ |
34 438 $ |
* L’exonération de base, dans le cadre du nouveau régime de l’IMR en vigueur à compter de 2024, correspond au début de la deuxième tranche d’imposition fédérale la plus élevée (soit 173 205 $ en 2024). ** Selon le montant personnel de base amélioré et les tranches d’imposition de 2024. |
Le nouveau régime de l’IMR en vigueur à compter de 2024 peut réduire les économies d’impôt des particuliers qui demandent le crédit d’impôt pour dons de bienfaisance, selon leurs autres sources de revenu, déductions et crédits pour l’année. Le particulier de cet exemple est assujetti à l’IMR avant de demander le crédit d’impôt pour dons de bienfaisance, ce qui signifie que s’il fait un don de bienfaisance, les économies d’impôt seront déterminées selon le crédit pour dons aux fins de l’IMR. En conséquence, il ne recevra que 80 % des économies d’impôt auxquelles le crédit pour dons de bienfaisance lui aurait normalement donné droit pour l’année d’imposition (c.-à-d. qu’il recevra un crédit d’impôt pour dons de bienfaisance de 23 178 $ aux fins de l’IMR au lieu de 28 972 $). Précisons que le nouveau régime de l’IMR en vigueur à compter de 2024 ne signifie pas qu’un particulier a un impôt additionnel à payer à la suite d’un don, mais plutôt que son économie d’impôt est réduite.
Dans son budget 2024, le gouvernement fédéral a cherché à répondre aux préoccupations du secteur des organismes de bienfaisance en annonçant que les particuliers pourraient réclamer 80 % (au lieu de 50 % tel que proposé dans l’avant-projet de loi du 4 août 2023) du crédit d’impôt pour dons de bienfaisance dans le calcul de l’IMR. Le secteur des organismes de bienfaisance s’inquiétait de l’incidence qu’aurait la limite de 50 % sur les dons des particuliers et des fiducies.
Cet exemple considère une fiducie non testamentaire (qui n’est pas exclue de l’IMR ni admissible au montant d’exonération de base) qui, à la fois :
Les fiduciaires de la fiducie attribueront et verseront le revenu net de la fiducie (20 000 $) aux bénéficiaires de la fiducie. Les incidences fiscales sont décrites ci‑dessous.
Impôt fédéral ordinaire |
Régime d’IMR antérieur à 2024 |
Nouveau régime |
|
Revenu ordinaire |
30 000 $ |
30 000 $ |
30 000 $ |
Frais d’intérêts |
(10 000) $ |
(10 000) $ |
(5 000) $ |
Revenu net attribué aux bénéficiaires |
(20 000) $ |
(20 000) $ |
(20 000) $ |
RIM |
s. o. |
0 $ |
5 000 $ |
Exonération de base de l’IMR |
s. o. |
s. o. |
s. o. |
Revenu imposable |
0 $ |
0 $ |
5 000 $ |
Taux d’imposition fédéral/taux de l’IMR |
33 % |
15 % |
20,5 % |
Impôt fédéral ordinaire/IMR |
0 $ |
0 $ |
1 025 $ |
En vertu du nouveau régime de l’IMR en vigueur à compter de 2024, si une fiducie déduit des frais d’intérêts engagés dans le but de gagner un revenu de biens, la fiducie peut être assujettie à l’IMR quel que soit le montant du revenu net gagné par la fiducie. Cette situation pourrait se produire pour les raisons suivantes :
Comme l’illustre cet exemple, l’IMR pourrait donc, en vertu du nouveau régime en vigueur à compter de 2024, être applicable aux fiducies qui ont fait un emprunt au taux prescrit, selon la gestion que fait la fiducie du revenu généré en interne. Une fiducie qui a reçu un emprunt au taux prescrit devrait donc prévoir cette exposition potentielle à l’IMR, car la situation pourrait être plus complexe qu’elle ne paraît à première vue. Les fiduciaires de la fiducie pertinente pourraient envisager :
La complexité accrue du nouveau régime de l’IMR en vigueur à compter de 2024 posera certains défis aux contribuables. En raison de la complexité de la formule de calcul de l’IMR, il sera difficile pour un particulier et une fiducie de déterminer si le régime de l’IMR s’applique dans sa situation sans demander conseil à un fiscaliste. Il sera également ardu pour un conseiller de fournir des conseils simples, parce qu’il devra calculer séparément l’impôt en fonction du revenu, des déductions et des crédits du contribuable (en utilisant des règles différentes) pour déterminer l’IMR. En outre, cette réforme pourrait faire en sorte que l’IMR s’applique aux contribuables dans beaucoup plus de situations, de sorte que les contribuables pourraient ne pas se rendre compte qu’ils sont exposés à l’IMR jusqu’à ce qu’il soit trop tard pour l’éviter. De plus, les fiduciaires d’une fiducie qui est assujettie à l’IMR parce qu’elle a engagé des frais financiers devraient évaluer l’incidence de l’IMR sur le processus d’attribution du revenu de la fiducie en fin d’année et s’assurer que la fiducie dispose de fonds suffisants pour payer l’IMR.
1. Les modifications au régime de l’IMR auront une incidence sur l’IMR payable dans tous les territoires et les provinces, sauf le Québec, qui a son propre régime de l’IMR. Le Québec a l’intention d’incorporer une grande partie des modifications de l’IMR fédéral à son régime de l’IMR, sauf que les ajustements au régime de l’IMR du Québec permettront d’assurer le respect des principes généraux du régime. La position du Québec a été annoncée dans les bulletins d’information 2023-4 (27 juin 2023), 2023-7 (19 décembre 2023) et 2024-6 (31 mai 2024).
2. Une perte déductible au titre d’un placement d’entreprise peut survenir lorsqu’un contribuable dispose de certaines actions ou dettes et réalise une perte en capital. Sous réserve du respect de certaines conditions, la perte en capital sera déductible de tout type de revenu pendant une période de 10 ans (alors que les pertes en capital ne sont déductibles que des gains en capital). Si cette perte n’est pas utilisée dans le délai de 10 ans, elle sera convertie en une perte en capital qui peut être reportée prospectivement indéfiniment.
3. Cette nouvelle règle ne modifiera pas les autres limites qui s’appliquent à certaines dépenses dans le cadre du régime de l’IMR antérieur à 2024. En outre, cette limite ne s’appliquera pas aux fiducies collectives des employés.
4. Une « fiducie admissible pour personne handicapée » est une fiducie testamentaire établie pour un bénéficiaire qui a droit au crédit d’impôt pour personnes handicapées si certaines conditions sont remplies.
5. Certaines fiducies, y compris les fiducies au profit du conjoint, les fiducies mixtes au profit du conjoint et les fiducies en faveur de soi-même, restent exonérées de l’IMR dans l’année au cours de laquelle une disposition réputée a lieu au décès d’un particulier.
6. Dans le cadre du nouveau régime de l’IMR en vigueur à compter de 2024, certains crédits sont maintenant admissibles au report prospectif de l’IMR alors qu’ils ne l’étaient pas auparavant (à savoir le crédit d’impôt pour contributions politiques fédérales, les crédits d’impôt à l’investissement et le crédit d’impôt relatif à un fonds de travailleurs).
7. Voir notre Point de vue fiscal intitulé « Le ministère des Finances publie des propositions législatives pour hausser le taux d’inclusion des gains en capital ».