15 février, 2022
Numéro 2022-06F
Le 4 février 2022, le ministère des Finances a publié des propositions législatives (les propositions), qui comprennent des notes explicatives détaillées (les notes), visant à mettre en œuvre de nombreuses mesures du budget fédéral 2021 et d’autres mesures. Les propositions comprennent notamment la proposition du budget fédéral 2021 qui vise à limiter le montant de dépenses nettes d’intérêts et de financement que certains contribuables peuvent déduire dans le calcul de leur revenu imposable, en fonction d’un pourcentage fixe de bénéfice avant intérêts, impôts et dotations aux amortissements (BAIIDA). Les propositions limiteraient les déductions nettes d’intérêts et de financement à :
Les nouvelles règles proposées sont connues sous le nom de régime de restriction des dépenses excessives d’intérêts et de financement (RDEIF) et devraient entrer en vigueur pour les années d’imposition commençant après le 31 décembre 2022. Avec l’introduction du régime de RDEIF, le Canada emboîte le pas à d’autres juridictions dans la mise en œuvre d’un régime conforme aux recommandations du rapport BEPS, Action 4 de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).
Le présent bulletin Point de vue fiscal traite du nouveau régime de RDEIF, pour lequel le gouvernement fédéral a lancé des consultations publiques, les commentaires devant être soumis au ministère des Finances au plus tard le 5 mai 2022.
Le régime de RDEIF s’appliquera à tout contribuable, défini comme une société ou une fiducie, qui n’est pas considéré comme une « entité exclue ». Les entités exclues sont généralement :
De la même façon que les règles de capitalisation restreinte s’appliquent aux dettes des sociétés de personnes, les règles de RDEIF (dans leur version actuelle) s’appliquent indirectement aux sociétés de personnes, étant donné que les dépenses et les revenus d’intérêts et de financement d’une société de personnes sont attribués aux membres de la société de personnes (y compris les associés « ultimes » dans une structure à paliers multiples) qui sont des sociétés ou des fiducies, dans la mesure de leur part. Lorsqu’il est établi qu’un contribuable, membre d’une société de personnes, a des dépenses excessives d’intérêts et de financement selon les règles de RDEIF, le contribuable inclura un montant dans son revenu relatif à sa part des dépenses d’intérêts et de financement de la société de personnes (plutôt que la société de personnes se voie refuser une déduction pour ces dépenses d’intérêts et de financement).
Le ministère des Finances semble avoir adopté intentionnellement un seuil minimum plus bas afin de déterminer quelles entités seront touchées par la restriction. Dans d’autres pays, qui ont adopté des règles de limitation des intérêts fondées sur le BAIIDA, le seuil auquel les règles s’appliquent est généralement plus élevé (par exemple, le Royaume-Uni a adopté un seuil minimum de 2 millions de livres sterling de dépenses nettes d’intérêts et l’Allemagne a adopté un seuil encore plus élevé de 3 millions d’euros de dépenses nettes d’intérêts). Par conséquent, les groupes pourraient devoir porter une plus grande attention à leurs dépenses nettes d’intérêts canadiennes par rapport à d’autres juridictions, qui ont déjà mis en œuvre des mesures de limitation des intérêts influencées par le rapport BEPS, Action 4.
Les propositions et les notes n’indiquent pas clairement si les règles de RDEIF doivent être appliquées lors du calcul du revenu d’une société étrangère affiliée. Une société étrangère affiliée est généralement réputée être un résident canadien aux fins du calcul de son revenu étranger accumulé, tiré de biens (REATB), sauf indication contraire du contexte. Dans ce cas, le contexte peut indiquer que la société étrangère affiliée n’est pas considérée comme un résident canadien aux fins des règles de RDEIF (et ne serait donc pas assujettie à ces règles). D’autre part, certaines règles fiscales canadiennes (c’est-à-dire les règles de capitalisation restreinte) sont expressément exclues du calcul du revenu d’une société étrangère affiliée; dans leur forme actuelle, il ne semble pas y avoir une telle exclusion pour les règles de RDEIF. Il est possible que des versions ultérieures des propositions clarifient cette question. Si une société étrangère affiliée était assujettie aux règles de RDEIF, cela pourrait entraîner des difficultés pratiques importantes, telles que des conflits entre les règles de RDEIF et les règles de limitation des intérêts des juridictions étrangères.
Les propositions prévoient un « ratio de dépenses admissibles » fixe, qui limiterait la déduction des dépenses nettes d’intérêts et de financement à un taux de 30 % du « revenu imposable rajusté ».
Pendant une période de transition, le ratio serait fixé à 40 % pour les années d’imposition commençant après le 31 décembre 2022 et avant le 1er janvier 2024; il serait ensuite réduit à 30 %. Les règles de transition comprennent des mesures anti-évitement qui refuseraient l’avantage du ratio plus élevé de 40 % si le contribuable entreprenait une opération visant à prolonger la période pour laquelle le ratio de 40 % s’appliquerait autrement.
Les règles prévoient un taux de transition utile de 40 % pour les années d’imposition commençant après le 31 décembre 2022 et avant le 1er janvier 2024. Toutefois, les règles anti-évitement associées à la possibilité de refuser le ratio plus élevé de 40 % doivent être prises en compte lorsqu’on envisage tout changement de fin d’année, notamment un changement qui survient en raison d’une réorganisation de société.
Un ratio fixe de 30 % est généralement conforme aux mesures similaires adoptées par d’autres juridictions; il se situe à l’extrémité supérieure de la fourchette recommandée par le BEPS de l’OCDE, qui est de 10 % à 30 %.1
Le ratio fixe est appliqué au « revenu imposable rajusté » (RIR) du contribuable afin de déterminer quelle partie des dépenses nettes d’intérêts et de financement du contribuable est déductible en vertu des règles de RDEIF. Le RIR d’un contribuable est déterminé en fonction du revenu imposable (ou, pour les contribuables non résidents, du revenu imposable gagné au Canada) tel que calculé en vertu de la partie I de la Loi, sous réserve de certains rajustements. Plus précisément, le RIR est déterminé par la formule suivante :
A + B – C
L’élément A de la formule est le nombre positif ou négatif déterminé comme :
L’élément B de la formule est le total de divers montants, notamment :
L’élément C de la formule est le total de divers montants, notamment :
Puisque le point de départ du RIR est le revenu imposable, le RIR comprendrait automatiquement des déductions pour les dividendes reçus d’autres sociétés canadiennes (article 112 de la Loi) et de sociétés étrangères affiliées (article 113 de la Loi).
Dans sa version actuelle, l’élément A de la formule du RIR part du revenu imposable du contribuable et déduit ensuite la perte autre qu’en capital et la perte en capital nette de l’année en cours. Si ces pertes de l’année en cours sont appliquées au cours d’une année d’imposition future pour réduire le revenu imposable du contribuable pour cette année-là, les propositions ne prévoient pas de rajustement ultérieur du calcul du RIR au cours de la période subséquente pour l’utilisation de ces pertes (sauf pour le rajout partiel de la partie d’une perte autre qu’en capital qui se rapporte raisonnablement aux dépenses nettes d’intérêts et de financement du contribuable). Il en résulte que ces pertes réduisent deux fois le RIR (une fois dans l’année où elles sont subies et une fois dans l’année où elles sont appliquées). Nous espérons qu’il s’agit d’une erreur de rédaction, que le ministère des Finances corrigera dans les versions ultérieures des propositions.
La législation sur le régime de RDEIF définit en détail ce que l’on entend par dépenses d’intérêts et de financement et par revenus d’intérêts et de financement.
La définition de dépenses d’intérêts et de financement est large et, parmi les montants expressément définis inclus dans la définition, elle comprend une disposition fourre-tout pour une somme « payée ou payable au cours d’une année, à titre ou en paiement intégral ou partiel d’intérêts (sauf les intérêts exclus) », qui est par ailleurs déductible en vertu de la Loi.
En outre, les dépenses d’intérêts et de financement comprennent :
De même, la définition de revenus d’intérêts et de financement est rédigée de manière large afin d’englober toute une série de sources de revenus d’intérêts et de revenus liés au financement. En particulier, elle comprend :
à la suite de tels arrangements;
En outre, les propositions comprennent des règles anti-évitement spécifiques qui empêchent que certains éléments soient inclus dans les revenus d’intérêts et de financement (ou exclus des dépenses d’intérêts et de financement).
Les définitions de dépenses et de revenus d’intérêts et de financement sont rédigées de manière large afin d’inclure un large éventail d’éléments. Certains éléments inclus sont relativement subjectifs – par exemple, les éléments qu’il est « raisonnable de considérer » comme une partie du « coût de financement ». Les notes approfondissent ce point en indiquant que cela peut inclure « tout montant qui peut raisonnablement être considéré comme une compensation de la valeur temporelle de l’argent » et fournissent un exemple concernant les contrats dérivés. Les notes font également référence au traitement comptable en vertu des principes comptables généralement reconnus (PCGR) pour déterminer si les montants doivent être inclus dans les « dépenses d’intérêts et de financement », bien qu’elles indiquent que les PCGR ne fournissent pas de conclusion définitive. Pour les contribuables ayant des ententes de couverture et des contrats dérivés, un examen plus approfondi peut donc être nécessaire pour déterminer quels montants doivent être inclus dans la définition.
Selon le paragraphe 18.2(3) proposé de la Loi, les montants d’intérêts capitalisés antérieurement qui sont par ailleurs déductibles à titre de DPA ou de comptes de ressources, mais dont la déduction a été refusée en vertu du paragraphe 18.2(2), sont réputés avoir été déduits dans le calcul de l’amortissement total autorisé d’un contribuable ou du solde de ses frais relatifs à des ressources non déduits. Les notes expliquent qu’il s’agit d’empêcher les contribuables d’obtenir un « double avantage », comme d’avoir une fraction non amortie du coût en capital ou un solde non déduit plus élevé des frais cumulatifs relatifs aux ressources, qui pourrait être déductible au cours d’une année ultérieure, tout en ayant un report prospectif des dépenses d’intérêts restreintes pour une déduction future. Cependant, cette déduction présumée a également pour effet d’augmenter la récupération pour le contribuable lors d’une disposition future de l’actif, tandis que les dépenses d’intérêts restreintes pourraient demeurer non déductibles en raison de la RDEIF. Cette observation est particulièrement pertinente pour les contribuables des secteurs où les intérêts capitalisés sont importants.
Le paragraphe 18.2(12) proposé applique une exclusion des revenus d’intérêts et de financement pour les montants reçus d’une personne ou d’une société de personnes avec laquelle le contribuable a un lien de dépendance, sauf dans la mesure où ils sont inclus dans le calcul des dépenses d’intérêts et de financement d’une société canadienne imposable ou d’une fiducie qui réside au Canada et qui est assujettie à l’impôt de la partie I de la Loi. Dans sa version actuelle, cette règle semble être trop restrictive en ce qui concerne les prêts accordés par des contribuables canadiens à des sociétés étrangères affiliées ou à d’autres non-résidents ayant un lien de dépendance, en particulier lorsque ces prêts sont financés par des emprunts du contribuable canadien. Dans ce cas, les prêts à des non-résidents ayant un lien de dépendance pourraient donner lieu à un refus de déduire les intérêts en vertu du régime de RDEIF, même si le contribuable est économiquement en position de revenu net d’intérêts.
Lorsque certaines conditions sont réunies, les entités peuvent choisir d’exclure certains paiements d’intérêts des dépenses d’intérêts et de financement de la société payante (et des revenus d’intérêts et de financement de la société bénéficiaire).
Les conditions à remplir sont les suivantes :
Pour exclure les intérêts, le choix doit être produit conjointement par la société payante et la société bénéficiaire, et doit préciser le montant des intérêts et de la dette auquel il s’applique. Le choix doit être fait au plus tard à la première des deux échéances de production pour l’année d’imposition au cours de laquelle le montant des intérêts a été payé ou est devenu payable, soit :
Selon les notes, cette exclusion a pour but d’éviter que les règles de RDEIF n’aient une incidence négative sur les opérations qui sont couramment effectuées dans les groupes de sociétés canadiennes pour permettre aux pertes d’un membre du groupe d’être compensées par le revenu d’un autre membre du groupe.
L’application du choix des « intérêts exclus » est large et ne requiert que deux sociétés admissibles du groupe, qui sont des sociétés canadiennes imposables, pour faire le choix. L’exclusion ne semble pas appliquer une restriction propre à un secteur d’activités, comme c’est le cas dans d’autres domaines des propositions (par exemple, lorsque certaines restrictions sont imposées aux institutions financières pertinentes), et devrait donc être accessible à tous les contribuables canadiens qui remplissent les conditions. Cependant, l’exigence de produire un choix pour l’exemption des « intérêts exclus » est différente des propositions du budget fédéral 2021 (qui stipulaient que les revenus et dépenses d’intérêts entre les membres canadiens d’un groupe de sociétés seraient généralement exclus) et ajoute une complexité administrative supplémentaire au régime de RDEIF. En outre, le choix de l’exemption des « intérêts exclus » n’est pas disponible pour les fiducies ou les sociétés de personnes.
Le mécanisme de rejet des dépenses d’intérêts et de financement dans le cadre des règles de RDEIF fonctionne de la manière suivante :
La proportion du total des dépenses d’intérêts et de financement qui est jugée excessive est calculée comme suit en vertu du paragraphe 18.2(2) :
La fraction ci-dessus détermine donc la partie des dépenses d’intérêts et de financement qui ne serait pas déductible au cours d’une année d’imposition, le reste étant déductible en vertu des règles existantes énoncées dans la Loi.
Comme mentionné ci-dessus, les membres canadiens d’un groupe de sociétés et/ou de fiducies peuvent choisir conjointement d’appliquer les règles du ratio de groupe (certaines entités autonomes qui ne font pas partie d’un groupe peuvent également choisir d’appliquer ces règles), ce qui permettrait à un contribuable de déduire les dépenses d’intérêts et de financement qui dépassent le montant autrement déductible en appliquant le ratio fixe. L’objectif des règles du ratio de groupe est d’avantager les contribuables dont les dépenses nettes d’intérêts payés à des tiers par rapport au BAIIDA comptable sont supérieures au ratio fixe autorisé (30 %) – c’est-à-dire de permettre aux contribuables d’accéder à un pourcentage fixe plus élevé lorsque le groupe dans son ensemble supporte des dépenses d’intérêts et de financement plus élevées en raison de sa dette extérieure.
Pour appliquer les règles du ratio de groupe, les membres du groupe devront choisir conjointement d’adhérer au régime pour l’année d’imposition concernée. Le choix doit être produit au plus tard à la première échéance de production d’un membre canadien du groupe pour l’année et doit inclure une attribution du montant du ratio de groupe à chaque membre canadien du groupe (voir ci-dessous pour plus de détails sur cette attribution).
Les règles de RDEIF s’appuient sur des définitions comptables pour déterminer un « groupe consolidé » aux fins des règles du ratio de groupe. En conséquence, un « groupe consolidé » est constitué de l’entité mère ultime et de toutes les entités qui sont entièrement consolidées dans les états financiers consolidés de l’entité mère, ou qui le seraient si le groupe était tenu de préparer de tels états financiers selon les Normes internationales d’information financière (IFRS).
L’entité mère ultime est définie comme l’entité supérieure dans la structure organisationnelle du groupe à l’égard de laquelle les états financiers consolidés du groupe sont préparés, de telle sorte qu’aucune autre entité ne détient (directement ou indirectement) une participation dans l’entité qui impose à cette entité de consolider ses résultats.
Les règles de RDEIF prennent ensuite en compte ces états financiers consolidés vérifiés pour déterminer les dépenses nettes d’intérêts du groupe et le bénéfice net comptable rajusté du groupe, qui sont utilisés pour calculer le ratio de groupe.
Le ratio de groupe est généralement calculé comme suit :
Les rajustements permettant d’obtenir les dépenses nettes d’intérêts du groupe et le bénéfice net comptable rajusté du groupe sont similaires en principe à ceux appliqués pour obtenir les dépenses nettes d’intérêts et de financement et le revenu imposable rajusté; cependant, les rajustements sont basés sur des montants figurant dans les états financiers consolidés vérifiés du groupe.
L’utilisation des états financiers consolidés pour déterminer les mesures ci-dessus repose sur le fait que les états financiers consolidés sont préparés selon des « principes comptables acceptables ». Cela a été défini afin d’inclure les IFRS, mais aussi les PCGR du Canada, de l’Australie, de la République populaire de Chine, de Hong Kong, de la République de l’Inde, du Japon, de la République de Corée, de la Nouvelle-Zélande, de Singapour et des États-Unis.
Les dépenses nettes d’intérêts du groupe sont déterminées à partir des dépenses nettes d’intérêts payés à des tiers du groupe consolidé. Ce montant est calculé comme étant les dépenses d’intérêts déterminées du groupe moins les revenus d’intérêts déterminés pour la période (ces termes incluent certains autres paiements de financement, tels que les frais de garantie) et se rajuste pour les montants payés à des non-membres déterminés (de manière générale, il s’agit d’entités qui ne sont pas membres du groupe consolidé, mais qui ont un lien de dépendance avec un membre du groupe, détiennent une participation importante dans un membre du groupe, ou dans lesquelles un membre du groupe détient une participation importante) ou reçus de ceux-ci.
Le bénéfice net comptable rajusté du groupe est déterminé à partir du BAIIDA comptable du groupe consolidé, déterminé en combinant les éléments suivants des états financiers consolidés :
Ajouter |
Déduire |
Revenu net |
Perte nette |
Charge d’impôts du groupe |
Impôt recouvrable |
Dépenses d’intérêts déterminées (à l’exclusion des montants d’intérêts capitalisés) |
Revenus d’intérêts déterminés |
Dépréciation/amortissement/pertes de valeur/radiations/pertes sur dispositions et autres dépenses relatives aux actifs |
Gains sur dispositions d’actifs qui ont été amortis (seulement dans la mesure où le produit est inférieur ou égal au coût d’origine) |
Part du groupe consolidé dans la charge d’impôts, la dépréciation/l’amortissement/les pertes de valeur/les radiations/les pertes sur dispositions et autres dépenses relatives aux actifs, pour une entité comptabilisée à la valeur de consolidation |
Part du groupe consolidé dans l’impôt sur le revenu recouvrable, ou dans les gains sur la disposition d’actifs, pour une entité comptabilisée à la valeur de consolidation |
Somme du bénéfice net comptable rajusté du groupe |
Si la formule du ratio de groupe devait autrement dépasser 40 %, des règles de rajustement s’appliqueraient pour restreindre le ratio de groupe, de manière à ce que le plein avantage ne soit pas nécessairement obtenu du ratio. Plus précisément, le ratio de groupe est rajusté comme suit :
Ratio de groupe calculé à l’aide de la formule ci‑dessus | Formule du ratio de groupe autorisé |
Ratio de groupe effectif qui peut s’appliquer |
< 40 % |
RG |
0 % à 40 %* |
40 % à 60 % |
40 % + 50 % x (RG - 40 %) |
40 % à 50 % |
> 60 % |
Le moindre de :
|
50 % à 100 % |
* Il est peu probable qu’il y ait un avantage au ratio de groupe dans les situations où il est inférieur à 30 % (c’est-à-dire en dessous du ratio fixe ordinaire). |
En plus de limiter le ratio de groupe à 100 %, ces formules de rajustement visent à tenir compte des situations où certains membres du groupe peuvent avoir un BAIIDA comptable négatif, ce qui peut entraîner des résultats déraisonnablement élevés pour le calcul du ratio de groupe initial. Lorsque le groupe dans son ensemble a un BAIIDA comptable nul ou négatif, le ratio de groupe est réputé être nul.
En vertu des règles du ratio de groupe, le montant maximum des dépenses d’intérêts et de financement que les membres canadiens d’un groupe consolidé sont collectivement autorisés à déduire est égal au total du revenu imposable rajusté de chaque membre du groupe multiplié par le ratio de groupe. Lorsqu’un choix du ratio de groupe est effectué pour une année d’imposition, il doit préciser comment ce montant déductible est attribué à chaque membre canadien du groupe. Ce « montant attribué du ratio de groupe » (MARG) remplace le montant du ratio fixe dans le calcul de la limitation des intérêts, de sorte que l’attribution du ratio de groupe prévaut sur la déduction admissible calculée selon le ratio fixe. Cette attribution manuelle du montant du ratio de groupe à chaque contribuable du groupe, qui est requise dans le choix, permet intrinsèquement les transferts de la capacité excédentaire de l’année en cours au sein du groupe de sociétés (la capacité excédentaire des membres du groupe est examinée plus en détail ci-dessous).
Le montant total attribué à tous les membres du groupe en vertu de ce choix ne peut généralement dépasser le moins élevé des montants suivants :
Le calcul du ratio de groupe est conçu pour utiliser les montants inclus dans les états financiers consolidés, mais le calcul n’est toujours pas simple et nécessite de combiner de nombreux éléments différents des comptes consolidés d’un groupe. Les rajustements notables apportés aux montants figurant dans les états financiers consolidés sont les suivants :
Le calcul de ces rajustements peut nécessiter des données plus détaillées que les montants inclus dans les états financiers consolidés.
Pour les groupes qui ne présentent pas habituellement leurs états financiers consolidés selon les IFRS (ou l’un des autres principes comptables reconnus), les règles du ratio de groupe exigeraient que des états financiers consolidés vérifiés distincts soient préparés pour permettre l’application du ratio de groupe. La liste des PCGR acceptables a été déterminée par le ministère des Finances en fonction de ceux qui ne devraient pas générer d’avantages ou de désavantages concurrentiels importants en raison de l’utilisation de ces normes comptables par rapport aux IFRS. Cependant, la liste exclut notamment les PCGR européens locaux et, par conséquent, les calculs du ratio de groupe pourraient ne pas être disponibles pour les groupes dont le siège social est en Europe et qui ne consolident pas leurs états financiers en vertu des IFRS.
Les règles de rajustement du ratio de groupe font en sorte qu’un ratio de groupe initial de 260 % ou plus produirait un ratio de groupe applicable de 100 %, et aucun autre avantage ne pourrait être obtenu lorsque le calcul du ratio de groupe initial serait supérieur à 260 %. Le plafonnement du ratio de groupe à 100 % est conforme aux recommandations du rapport BEPS, Action 4 de l’OCDE en ce qui concerne les règles du ratio de groupe.
Le régime de ratio de groupe exige un choix et les entreprises devront donc l’examiner à chaque année d’imposition pour déterminer si leur profil d’emprunt et de BAIIDA actuel signifie qu’un choix du ratio de groupe pourrait être avantageux. La question de savoir si le régime du ratio de groupe est avantageux pour un groupe particulier peut changer au fil du temps et peut devoir être examinée à la suite de changements commerciaux ou économiques importants. En outre, le régime du ratio de groupe nécessite des renseignements qui peuvent ne pas être facilement accessibles aux membres canadiens d’un groupe, en particulier dans le cas de grands conglomérats ou de structures de capital-investissement.
Les règles de RDEIF permettent aux contribuables de reporter prospectivement certains montants d’une année d’imposition à des années d’imposition ultérieures. Plus précisément, les contribuables peuvent reporter prospectivement :
En outre, les règles offrent la possibilité à une société admissible du groupe de transférer la capacité excédentaire à d’autres sociétés du groupe. Les dispositions relatives au report prospectif et au transfert au sein d’un groupe sont soumises à certaines restrictions, qui sont résumées ci-dessous.
La « capacité excédentaire » d’un contribuable pour une année d’imposition correspond généralement à l’excédent du montant maximum qu’il est autorisé à déduire au titre des dépenses d’intérêts et de financement pour cette année d’imposition (selon la formule proposée au paragraphe 18.2(2)) sur les dépenses d’intérêts et de financement réelles pour l’année. La « capacité excédentaire cumulative inutilisée » d’un contribuable pour une année donnée est sa capacité excédentaire inutilisée pour l’année plus les trois années précédentes, moins :
Dans une année où le contribuable utilise le ratio de groupe, tous les contribuables du groupe seront traités comme ayant une capacité excédentaire nulle aux fins de la détermination de leur capacité excédentaire cumulative inutilisée (c’est-à-dire que les règles du ratio de groupe ne peuvent être utilisées pour créer une capacité excédentaire, bien qu’elles offrent une certaine souplesse lors de l’attribution du montant du ratio de groupe au sein du groupe, comme décrit ci-dessus).
La capacité excédentaire inutilisée pour une année donnée peut être reportée prospectivement pendant trois ans. Un contribuable doit utiliser sa capacité excédentaire cumulative inutilisée pour réduire le montant de ses propres dépenses d’intérêts et de financement qui seraient autrement refusées par les règles de RDEIF au cours d’une année d’imposition. Ce montant qui est utilisé au cours d’une année d’imposition ultérieure est appelé « capacité absorbée ». La capacité absorbée réduit la capacité excédentaire cumulative inutilisée du contribuable dans l’année où elle est utilisée.
Si un contribuable dispose d’une capacité excédentaire cumulative inutilisée pour une année (après toute réduction au titre de la capacité absorbée), il peut choisir de transférer cette capacité excédentaire à d’autres membres canadiens du groupe. Le transfert de la capacité exige un choix conjoint de l’entité cessionnaire et de l’entité cédante et ne peut être effectué qu’entre des sociétés admissibles du groupe. Le montant transféré est appelé « capacité transférée » du cédant et « capacité reçue » du cessionnaire. La capacité reçue est d’abord utilisée pour permettre au cessionnaire de déduire, dans le calcul de son revenu imposable, les dépenses d’intérêts et de financement restreintes des années antérieures (voir ci-dessous). Toute capacité reçue restante réduit le montant de déduction des dépenses d’intérêts et de financement restreintes que le cessionnaire aurait autrement pour l’année selon la formule du paragraphe 18.2(2).
Il convient de noter qu’une restriction empêche les « institutions financières pertinentes » de transférer leur capacité excédentaire cumulative inutilisée à d’autres membres du groupe. Selon les notes, cette restriction est incluse parce qu’on s’attendrait souvent à ce que ces institutions aient une capacité excédentaire en raison de la nature de leurs activités (c’est-à-dire de recevoir des revenus d’intérêts qui dépassent leurs dépenses d’intérêts). En outre, un groupe qui comprend une institution financière pertinente ne peut choisir d’appliquer les règles du ratio de groupe décrites ci-dessus.
Les règles de transition du nouveau régime de RDEIF permettent également aux contribuables de choisir conjointement avec chaque autre société admissible du groupe de déterminer leur capacité excédentaire pour chacune des trois années d’imposition (appelées les « années antérieures au régime ») précédant immédiatement la première année d’imposition à laquelle les règles de RDEIF s’appliquent. Sans ces règles, les contribuables n’auraient pas de capacité excédentaire pour les années antérieures au régime auxquelles les règles de RDEIF ne s’appliquent pas historiquement.
La possibilité de transférer la capacité excédentaire inutilisée exige un choix conjoint et n’est donc pas automatique. En outre, le paragraphe 18.2(4)e) proposé considère que tous les transferts sont invalides si le montant total transféré selon les choix produits est supérieur à la capacité excédentaire inutilisée disponible pour le transfert, avec la possibilité de modifier un choix uniquement lorsqu’il y a une réduction dans la détermination de la capacité excédentaire cumulative inutilisée à la suite d’une nouvelle cotisation. Il existe également d’autres conditions liées à la possibilité de transférer une capacité excédentaire, l’une d’entre elles étant que les entités doivent avoir la même monnaie de déclaration.
Les règles régissant l’ordre d’application prévoient qu’un membre du groupe doit d’abord appliquer ses reports prospectifs de la capacité excédentaire à ses propres dépenses d’intérêts et de financement refusées, avant de pouvoir transférer toute capacité restante à d’autres membres du groupe. Les règles régissant l’ordre d’application peuvent également empêcher un contribuable d’utiliser des pertes autres qu’en capital, qui peuvent expirer au cours des prochaines années d’imposition, dans la mesure où il dispose d’une capacité excédentaire pour l’année en cours qui donne lieu à une déduction des dépenses d’intérêts et de financement restreintes de l’année précédente, qui peuvent elles-mêmes ne pas expirer.
En outre, aux fins du calcul de la capacité excédentaire cumulative inutilisée d’un contribuable disponible pour l’année d’imposition commençant après le 31 décembre 2022 et avant le 1er janvier 2024, le ratio fixe de 40 % doit être appliqué aux trois années d’imposition précédentes. Pour toutes les autres années d’imposition, le ratio fixe de 30 % doit être appliqué. Par conséquent, les contribuables qui choisissent d’appliquer les règles de transition relatives à la capacité excédentaire pour les années antérieures au régime devront effectuer deux calculs de leur capacité excédentaire cumulative inutilisée en raison de l’année de transition.
Les restrictions empêchant les institutions financières pertinentes de transférer la capacité excédentaire et de faire le choix du ratio de groupe vont au-delà de ce qui a été traité dans le budget fédéral 2021 (qui ne faisait référence qu’aux banques et aux compagnies d’assurance-vie transférant la capacité aux membres du groupe qui n’étaient pas des banques ou des compagnies d’assurance-vie réglementées). Ces restrictions pourraient causer des difficultés importantes pour les groupes de services financiers canadiens, qui sont souvent tenus d’exercer certaines fonctions dans différentes entités. Par exemple, les restrictions réglementaires limitent souvent la capacité d’une institution financière réglementée à faire des emprunts auprès de tiers, ce qui amène les autres membres du groupe à effectuer de tels emprunts. Empêcher les groupes de services financiers de partager leur capacité excédentaire pourrait nuire à leur capacité de mener efficacement leurs activités commerciales.
Le montant des dépenses d’intérêts et de financement refusé en vertu des nouvelles règles de RDEIF au cours d’une année d’imposition (les « dépenses d’intérêts et de financement restreintes ») peut être reporté prospectivement et déduit dans le calcul du revenu imposable pour n’importe laquelle des 20 années d’imposition suivantes (un délai qui s’inspire des règles fiscales canadiennes existantes pour le report prospectif des pertes autres qu’en capital), à condition que le contribuable dispose d’une capacité excédentaire, ou ait reçu une capacité d’autres membres du groupe, au cours de l’année d’imposition suivante.
Le régime de RDEIF modifierait également les règles existantes relatives aux faits liés à la restriction de pertes en vertu de l’article 111 de la Loi afin de prévoir les restrictions suivantes pour les attributs fiscaux de la RDEIF à la suite d’un fait lié à la restriction de pertes :
Les faits liés à la restriction de pertes devront être soigneusement examinés pour toute opération future. En particulier, on ne voit pas pourquoi, d’après le libellé de la législation, les faits liés à la restriction de pertes devraient entraîner l’expiration de toute capacité excédentaire cumulative inutilisée, même si le profil d’endettement et les emprunts des sociétés canadiennes n’ont pas changé à la suite du fait. Si le fait que la capacité excédentaire cumulative inutilisée soit disponible après un fait lié à la restriction de pertes soulève des préoccupations particulières sur la politique, une règle plus ciblée visant à limiter l’utilisation de la capacité excédentaire cumulative inutilisée, peut-être modelée sur l’alinéa 111(5)b), semblerait plus appropriée.
Les attributs fiscaux associés au régime de RDEIF auront également une incidence sur le calcul des actifs d’impôt différé d’un groupe et les groupes devront prendre en compte ces nouveaux attributs fiscaux et déterminer si des provisions pour perte de valeur sont nécessaires conformément aux normes comptables pertinentes.
Le Canada dispose d’une législation existante visant à limiter la déductibilité des paiements d’intérêts pour les contribuables à faible capitalisation. Bien que les règles de RDEIF chevauchent ces règles sur le plan conceptuel, la législation sur la RDEIF proposée confirme que les règles de capitalisation restreinte resteront en place et s’appliqueront en priorité aux règles de RDEIF. Ainsi, les montants pour lesquels une déduction est refusée en raison des limitations de la capitalisation restreinte seront exclus des dépenses d’intérêts et de financement d’un contribuable aux fins de la prise en compte de la RDEIF.
Il sera important de considérer comment les règles de RDEIF interagiront avec les règles proposées qui devraient être publiées prochainement; par exemple, comment les règles de RDEIF interagiront-elles avec les règles anti-montages hybrides proposées, qui ont également été décrites dans le budget fédéral 2021? Il convient également de se demander si les règles de RDEIF élimineront la nécessité des dispositions relatives à la capitalisation restreinte prévues au paragraphe 18(4) ou entraîneront des modifications de ces dispositions.
La période de consultation du ministère des Finances pour les propositions relatives à la RDEIF est du 4 février au 5 mai 2022. Après la consultation, il y aura un processus pour finaliser le projet de loi afin de mettre en œuvre les règles de RDEIF. Toutefois, les règles devraient être en vigueur pour les années d’imposition commençant après le 31 décembre 2022.
Les entreprises devraient examiner quelle incidence auront les règles de RDEIF et commencer à modéliser l’impact sur leur revenu imposable pour les années d’imposition commençant à compter du 1er janvier 2023. Les mesures nécessaires pour minimiser l’incidence de ces règles devraient être mises en œuvre avant leurs années d’imposition commençant après le 31 décembre 2022. Les contribuables doivent également savoir qu’il existe une règle anti-évitement qui pourrait s’appliquer s’ils concluent des opérations en vue de retarder l’application du régime de RDEIF.
Les règles de RDEIF seront un ajout complexe à la Loi et nécessiteront des considérations supplémentaires en matière de conformité et de fiscalité pour un grand nombre de contribuables canadiens, compte tenu du faible seuil minimum pour que les contribuables soient exemptés de ces règles.
Comme on l’a vu, les règles sont assez mécaniques et fondées sur des formules; cependant, les groupes ont des choix importants à faire en connaissance de cause en raison des divers choix prévus, notamment :
Comme les règles entreront en vigueur pour les années d’imposition commençant après le 31 décembre 2022, les contribuables devraient commencer à envisager l’incidence des règles sur leurs déclarations de revenus et leur comptabilité fiscale pour les périodes à venir. Du point de vue de la comptabilité fiscale, les règles prévoient des attributs fiscaux supplémentaires en ce qui concerne les dépenses d’intérêts et de financement restreintes et la capacité excédentaire cumulative inutilisée, qui pourraient devoir être pris en compte pour les calculs d’impôts différés.
La période de consultation sur les règles se terminera le 5 mai 2022. Les contribuables qui ont des préoccupations particulières sur la version actuelle des règles devraient envisager d’en faire part au ministère des Finances dans le cadre de ce processus de consultation.
1. Projet OCDE/G20 sur l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices, Limiter l’érosion de la base d’imposition faisant intervenir les déductions d’intérêts et d’autres frais financiers, Action 4 - Version actualisée 2016 (22 décembre 2016), au www.oecd-ilibrary.org/books.