24 août, 2022
Numéro 2022-24F
Le 9 août 2022, le ministère des Finances a publié des propositions législatives visant à mettre en œuvre de nombreuses mesures du budget fédéral 2022 et d’autres mesures, notamment la très attendue législation (et les notes explicatives) qui fournit une orientation stratégique plus complète sur la façon dont les compagnies d’assurance seront imposées en vertu de la Norme internationale d’information financière (IFRS) 17. Dans son budget du 7 avril 2022, le gouvernement fédéral a fourni au secteur de l’assurance des indications sur la façon dont certains aspects de l’IFRS 17 seraient traités à des fins fiscales lors de sa mise en œuvre le 1er janvier 2023, mais il n’a pas publié de projet de loi à ce moment-là.
Le présent numéro de Point de vue fiscal traite des principaux aspects du cadre législatif proposé pour l’IFRS 17 à des fins fiscales. Il traite également des deux nouveaux régimes fiscaux annoncés dans le budget fédéral 2022 qui s’appliqueront aux membres d’un groupe de banques ou d’assureurs-vie : le dividende pour la relance au Canada et l’impôt supplémentaire pour les banques et les assureurs-vie.
En mai 2017, l’International Accounting Standards Board a publié l’IFRS 17, qui remplacera l’IFRS 4 pour la comptabilisation des contrats d’assurance et entrera en vigueur le 1er janvier 2023. L’IFRS 17 introduira de nouveaux concepts fondamentaux pour le nouveau régime comptable utilisé pour les assurances, qui modifient considérablement la communication de l’information financière pour les compagnies d’assurance et de réassurance, notamment :
L’IFRS 17 modifiera considérablement la mesure des revenus provenant des contrats d’assurance, surtout les contrats d’assurance-vie et autres contrats d’assurance à long terme.
La nature unique de l’assurance, où les primes sont mises en commun, puis investies pour payer les sinistres, souvent des années après la vente des contrats, a donné lieu à des règles spécifiques concernant le calcul du revenu à des fins fiscales. Ces règles fiscales spéciales permettent aux assureurs de déduire les réserves actuariellement calculées avant les sorties de fonds réelles, en reconnaissance des sinistres futurs qui seront payés. Les réserves en vertu de l’IFRS 17 continueront d’être déterminées actuariellement lors de la vente des contrats d’assurance; toutefois, l’IFRS 17 établira une nouvelle réserve, la marge de service contractuelle (MSC), qui représentera une partie des bénéfices réalisés sur les contrats d’assurance souscrits qui est différée et progressivement reportée au revenu sur la durée de vie estimée du groupe sous-jacent de contrats d’assurance.
Le budget fédéral 2022 fournissait quelques indications relatives à l’orientation de la politique du gouvernement fédéral qui serait prise pour le passage à l’IFRS 17 à des fins fiscales, mais il ne fournissait pas d’orientation complète ou de projet de loi. Les propositions législatives du 9 août 2022 fournissent donc une orientation attendue au secteur de l’assurance quant à la façon dont il sera imposé en vertu de l’IFRS 17.
Le budget fédéral 2022 proposait les changements spécifiques suivants relatifs à l’IFRS 17 :
Le budget fédéral 2022 faisait état de quelques concessions par rapport à la position initialement annoncée dans le document d’information du ministère des Finances publié en mai 2021. La déductibilité de la MSC à des fins fiscales dépendra du type de contrat d’assurance, l’intention étant d’aligner la comptabilisation des revenus avec le moment où on perçoit que les activités économiques pertinentes ont lieu. Pour :
Le budget fédéral 2022 a établi que tout mouvement des réserves résultant de l’adoption de l’IFRS 17 à des fins fiscales sera atténué sur une période de transition de cinq ans, en tenant compte des limites potentielles de la MSC mentionnées ci-dessus. Il a également indiqué que les gains ou les pertes de valeur marchande découlant de la transition à l’IFRS 9, « Instruments financiers » (que les assureurs doivent adopter le 1er janvier 2023) seront soumis à une période de transition de cinq ans.
Le budget fédéral 2022 annonçait que le ministère des Finances avait l’intention d’ajuster l’assiette fiscale de la partie VI en raison de la transition à l’IFRS 17 :
Ces changements, en particulier la fin de l’ajustement pour tout actif d’impôt différé dans l’assiette fiscale de la partie VI d’un assureur-vie, devraient entraîner une augmentation significative de l’assiette fiscale de la partie VI pour de nombreux assureurs-vie.
Les propositions législatives fournissent un cadre législatif pour l’IFRS 17, qui est généralement cohérent avec les propositions du budget fédéral 2022 décrites ci‑dessus. En outre, elles fournissent des indications spécifiques sur les domaines clés suivants :
Bien que le budget fédéral 2022 ait prévu une distinction quant à la manière dont la MSC serait traitée pour les assureurs-vie et les assureurs autres que la vie, les commentaires initiaux du ministère des Finances dans son document d’information de mai 2021, selon lesquels la MSC ne serait déductible pour aucun assureur, suggéraient que la dichotomie qui existe actuellement pour les assureurs-vie et les assureurs autres que la vie pourrait ne pas se poursuivre en vertu de l’IFRS 17. Les propositions législatives maintiennent une distinction claire entre l’imposition des entreprises d’assurance-vie et des entreprises d’assurance autres que la vie – notamment en ce qui concerne la déductibilité des réserves.
Actuellement, les assureurs peuvent déduire tout montant relatif aux réserves des polices d’assurance-vie et autres que la vie, jusqu’à concurrence du montant maximum prescrit par la réglementation. Toutes les réserves relatives aux polices d’assurance-vie et autres que la vie sont également déterminées après déduction des montants de réassurance à recouvrer. Les propositions législatives modifient la formule prescrite pour intégrer l’IFRS 17, d’une manière alignée sur l’orientation de la politique prévue dans le budget fédéral 2022. Les positions clés relatives aux réserves sont les suivantes :
Les propositions législatives prévoient des ajustements afin que ces montants ne soient pas inclus dans le calcul d’une réserve particulière à des fins fiscales.
comme composantes d’une méthode alternative de calcul des réserves « supérieure à ». Le ministère des Finances n’a pas indiqué l’intention derrière ces changements dans ses notes explicatives.
Les propositions législatives clarifient la façon dont les contrats de réassurance seront traités à des fins fiscales en vertu de l’IFRS 17, surtout compte tenu des changements apportés à la présentation des contrats de réassurance par rapport à l’IFRS 4, et de son interaction avec la détermination des réserves techniques à des fins fiscales en vertu de la réglementation actuelle.
Les différences de présentation des contrats de réassurance détenus en vertu de l’IFRS 17 signifient que l’approche actuelle de calcul des réserves à des fins fiscales, déduction faite des montants à recouvrer au titre de la réassurance, pourrait être problématique dans la mesure où un assureur particulier a déclaré un passif à l’égard d’un groupe particulier de contrats de réassurance détenus. Les propositions législatives répondent à cette préoccupation en incluant un mécanisme de calcul des réserves d’assurance qui tient compte des montants positifs et négatifs. Autrement, le calcul de la réserve d’assurance appropriée à des fins fiscales pour les contrats de réassurance est à l’image de celle des autres réserves – y compris l’application de la limite appropriée à la MSC et l’ajustement des impôts, des montants à recevoir, des montants à payer et des fonds retenus.
Les propositions législatives n’envisagent pas séparément les contrats de réassurance souscrits, car leur traitement à des fins fiscales sera déterminé par les composantes appropriées de la MSC, du PCR et de l’ENR. Bien qu’il puisse y avoir des différences entre le modèle comptable utilisé pour les contrats de souscription directe relatifs au passif et la réassurance ultérieure du même groupe de contrats d’assurance, tout décalage dans le traitement comptable sera apparemment respecté et suivi à des fins fiscales.
Les assureurs autres que la vie sont actuellement tenus d’amortir, à des fins fiscales, les dépenses engagées lors de l’acquisition d’une police d’assurance dont la période de couverture dépasse 12 mois, sur la période de couverture de la police. L’absence d’une méthodologie claire pour appliquer cette disposition a entraîné de l’incertitude, des incohérences et un fardeau administratif pour le suivi de ces dépenses pour de nombreux assureurs de dommages.
Les propositions législatives comprennent une disposition selon laquelle les dépenses engagées pour l’acquisition d’une police d’assurance à tout moment avant l’émission de la police seront réputées avoir été engagées à titre de services rendus dans l’année d’émission de la police. Cette disposition s’appliquera à tous les assureurs pour les années d’imposition commençant après 2022. Alors que l’industrie des assurances de dommages avait fait pression pour que la disposition existante soit abrogée ou ajustée afin d’aligner la fiscalité sur la comptabilité, la législation proposée prévoit une limite de la capacité à demander une déduction à des fins fiscales jusqu’à l’année où la police sous-jacente est constatée. En outre, les règles relatives à la rectification des ajustements lors de la transition vers l’IFRS 17 comprennent un ajustement spécifique pour les coûts d’acquisition engagés avant 2023, qui continueront d’être déduits avec constance sur la période de couverture de la police existante.
La politique fiscale de longue date selon laquelle les assureurs-vie multinationaux résidents du Canada et les assureurs non résidents exerçant leurs activités au Canada ne sont pas assujettis à l’impôt sur le revenu provenant d’une entreprise d’assurance étrangère sera maintenue en vertu de l’IFRS 17.
Les règles actuelles, qui sont complexes et comprennent de nombreuses formules à composantes multiples et des définitions détaillées, attribuent le revenu de placement à une entreprise d’assurance exploitée au Canada. Ces règles impliquent le calcul du montant pertinent du passif de réserve canadienne (PRC) et des FPC pour l’année, qui seront manifestement touchés quantitativement par la mise en œuvre de l’IFRS 17.
Les propositions législatives comprennent des modifications qui conservent la politique fiscale existante, tout en incorporant des changements pour refléter le concept de la MSC. Plus précisément, les règles sont modifiées afin d’exclure 90 % de la MSC pour certaines polices, à savoir les polices d’assurance-vie (autres que les polices à fonds réservé) et les polices d’assurance accident et maladie non résiliables ou à renouvellement garanti, conformément au traitement général de la MSC dans d’autres domaines.
Il convient de noter que les modifications proposées introduisent également une règle de transition afin que le FPC moyen pour la première année d’imposition qui commence après 2022 soit calculé comme si l’IFRS 17 avait été en vigueur l’année précédente. Par conséquent, elle exige que les assureurs recalculent le FPC et les autres composantes connexes pour une année d’imposition qui se termine avant le 1er janvier 2023 (c.-à-d. en 2022).
Comme prévu, l’année de transition sera la première année d’imposition qui commence après 2022, ou 2023 pour toutes les compagnies d’assurance réglementées au Canada, et la date à laquelle les montants transitoires doivent être calculés pour ces compagnies est la fin de l’année précédente (c.-à-d. le 31 décembre 2022). Les montants transitoires, qu’ils soient positifs ou négatifs, seront ensuite progressivement intégrés au revenu imposable sur cinq ans.
Dans le cadre de la législation proposée, les règles fiscales transitoires qui ont été adoptées pour les changements comptables de 2011 ont été en grande partie conservées intactes, mais modifiées pour tenir compte des aspects spécifiques pertinents de l’IFRS 17. Outre l’inclusion de termes définis supplémentaires pour tenir compte des soldes de l’IFRS 17, les propositions législatives modifient la législation existante pour qu’elle s’applique à tous les assureurs (et pas seulement aux compagnies d’assurance-vie); elles font également référence aux règles et règlements pertinents en vertu desquels les déductions pour réserve autorisées sont effectuées, en les ajustant pour refléter la modification des coûts d’acquisition de police différés pour les assureurs autres que la vie mentionnée ci-dessus et en excluant 90 % de la MSC du calcul du montant transitoire, le cas échéant. Cela clarifie un point de confusion qui est apparu dans le budget fédéral 2022, qui laissait entendre qu’il n’y aurait pas de transition de la composante initiale non déductible de la MSC.
Les propositions législatives comprennent également des règles transitoires pour traiter les changements apportés à la qualification des actifs financiers ou à la mesure du revenu, des gains ou des pertes à la suite de la mise en œuvre de l’IFRS 9; la législation proposée est généralement similaire à la législation pour le changement relatif au régime de l’évaluation à la valeur du marché de 2006.
Conformément au budget fédéral 2022, les propositions législatives comprennent des mesures qui exigeront que les autres éléments du résultat global et le passif des titulaires de polices soient inclus dans le calcul du capital imposable, tout en abrogeant l’exclusion du capital imposable des soldes débiteurs d’impôts différés. Les propositions législatives comprennent également des changements accessoires pour ajuster les éléments mentionnés ci-dessus, par exemple, la manière dont les réserves d’assurance doivent être calculées à des fins fiscales.
Les propositions législatives du 9 août 2022 comprennent une législation visant à mettre en œuvre les mesures du budget fédéral 2022 qui assujettiront les banques, les assureurs-vie et les institutions financières qui leur sont liées aux nouveaux impôts suivants :
Les propositions législatives précisent que les assureurs qui sont actuellement assujettis à l’impôt sur le capital de la partie VI (même si aucun impôt de la partie VI n’est payable au cours d’une année) seront assujettis à ces impôts supplémentaires. Les propositions législatives apportent également des changements correspondants à l’interaction entre l’impôt sur le revenu de la partie I et l’impôt sur le capital de la partie VI afin de refléter l’impôt sur le revenu de la partie I potentiellement plus élevé qui découlera des nouveaux régimes.
Cette vue d’ensemble de l’orientation stratégique du ministère des Finances en ce qui concerne l’imposition des contrats d’assurance en vertu de l’IFRS 17 est une bonne nouvelle pour le secteur de l’assurance, compte tenu surtout de la date d’entrée en vigueur imminente. Bien qu’un examen plus approfondi des propositions législatives soit nécessaire pour déterminer si certaines questions ou certains détails de la législation doivent être clarifiés ou éventuellement ajustés, les principaux domaines décrits dans le présent numéro de Point de vue fiscal offrent aux assureurs un cadre fiscal qui maintient en grande partie le régime actuel de la Loi de l’impôt sur le revenu. Ce cadre, pour l’essentiel, repose également sur l’utilisation du revenu comptable en vertu de l’IFRS 17 comme base appropriée pour déterminer le revenu à des fins fiscales – une position que le ministère des Finances a annoncée dans son document d’information de mai 2021.
Les assureurs ont encore beaucoup de travail à faire pour adapter les changements à leurs systèmes et processus de conformité fiscale, notamment la mise en œuvre de nombreux changements aux principaux formulaires et déclarations de conformité fiscale, ainsi que les défis importants en matière d’information financière associés à la mise en œuvre d’une nouvelle norme comptable et de nouvelles règles fiscales. Les parties intéressées sont invitées à faire part de leurs commentaires sur la législation proposée au ministère des Finances d’ici le 30 septembre 2022.