22 septembre, 2023
Numéro 2023-31F
Le budget fédéral 2023 a annoncé d’importantes modifications au régime d’impôt minimum de remplacement (IMR) afin qu’il soit mieux ciblé aux particuliers à revenu élevé. Le 4 août 2023, le ministère des Finances a publié des propositions législatives pour modifier le régime de l’IMR1, qui s’appliqueront aux années d’imposition commençant après 2023. Les modifications proposées constitueraient la plus importante réforme du régime depuis son instauration en 1986. Les principales modifications proposées :
Ce Point de vue fiscal donne une vue d'ensemble des modifications proposées à l’IMR et quelques exemples des conséquences fiscales que les propositions auront sur les particuliers et certaines fiducies2.
L’IMR implique un calcul complexe qui modifie le revenu imposable ordinaire d’un particulier en limitant l’accès à certaines exonérations et déductions auxquelles il aurait autrement droit. Une fois que le revenu imposable modifié (RIM) est calculé, le RIM est réduit de l’exonération de base (40 000 $ actuellement), est multiplié par le taux d’imposition de l’IMR (15 % actuellement) et le montant ainsi calculé est finalement réduit de certains crédits d’impôt. L’IMR est donc égal à :
15 % * (RIM – 40 000 $) – crédits d’impôt non remboursables admissibles
Si l’IMR calculé est supérieur à l’impôt fédéral autrement exigible, le particulier devra payer l’IMR au lieu de l’impôt fédéral. La différence entre l’IMR et l’impôt fédéral est considérée comme un impôt remboursable « temporaire » qui, une fois payé, peut être appliqué aux sept années suivantes pour réduire le montant de l’impôt fédéral que le particulier devrait autrement payer, jusqu’à concurrence du montant de l’excédent de cet impôt ordinaire sur l’IMR calculé pour l’année en question.
Certaines fiducies sont également assujetties à l’IMR, mais seules les successions assujetties à l’imposition à taux progressifs (soit une succession qui est une fiducie testamentaire pendant les 36 premiers mois suivant la date du décès) bénéficient de l’exonération de base.
Les modifications proposées vont :
Si les modifications législatives proposées sont adoptées, le nouveau calcul de l’impôt minimum pour 2024 sera le suivant :
20,5 % * (RIM – 173 000 $) – (50 % * crédits d’impôt non remboursables admissibles, avec certaines exceptions)
Les modifications proposées changeront le calcul du RIM en réajustant le taux d’inclusion pour certains types de revenus et en limitant ou en restreignant l’accès à certaines déductions et dépenses. Les principaux changements sont les suivants :
Les propositions législatives:
D’autres fiducies entre vifs demeurent assujetties à l’IMR sans bénéficier de l’exonération de base.
Beaucoup de caractéristiques de l’IMR actuel demeurent inchangées, notamment les suivantes :
Voici trois exemples de la manière dont les modifications proposées à l’IMR toucheront certains particuliers et certaines fiducies; par souci de simplicité, seuls les crédits d’impôt mentionnés dans les exemples sont pris en compte.
Cet exemple considère un particulier qui, à la fois :
|
Impôt fédéral régulier |
IMR actuel |
IMR proposé |
Revenu ordinaire |
250 000 $ |
250 000 $ |
250 000 $ |
Gain en capital |
1 500 000 $ |
1 500 000 $ |
1 500 000 $ |
Gain en capital imposable |
750 000 $ |
1 200 000 $ |
1 500 000 $ |
RIM |
s. o. |
1 450 000 |
1 750 000 |
Exonération de base de l’IMR |
s. o. |
(40 000 $) |
(173 000 $)* |
Revenu imposable |
1 000 000 $ |
1 410 000 $ |
1 577 000 $ |
Taux d’imposition fédéral/ taux de l’IMR |
Variable |
15 % |
20,5 % |
Crédit d’impôt personnel de base** |
(2 028 $) |
(2 028 $) |
(1 014 $) |
Impôt fédéral **/IMR |
304 778 $ |
209 472 $ |
322 271 $ |
* L’exonération de base, dans le cadre du régime proposé de l’IMR, correspond au début de la deuxième tranche d’imposition fédérale la plus élevée (qui devrait s’élever à environ 173 000 $ en 2024). ** Selon le montant personnel de base et les tranches d’imposition de 2023 (à indexer pour 2024). |
En vertu des règles actuelles, aucun IMR ne serait exigible dans cet exemple, car l’impôt fédéral est plus élevé que l’IMR. Cependant, avec les modifications proposées, l’impôt fédéral total à payer par le particulier augmentera à 322 271 $. Cet exemple montre comment les particuliers qui réalisent d‘importants gains en capital peuvent être pénalisés par les nouvelles mesures, car il augmente le taux d’inclusion des gains en capital.
Cet exemple considère un particulier qui, à la fois :
|
Impôt fédéral régulier |
IMR actuel |
IMR proposé |
Revenu ordinaire |
450 000 $ |
450 000 $ |
$450 000 |
Gain en capital réalisé sur des dons |
900 000 $ |
900 000 $ |
900 000 $ |
Gain en capital imposable |
450 000 $ |
450 000 $ |
900 000 $ |
RIM |
s. o. |
900 000 $ |
1 350 000 $ |
Exonération de base de l’IMR |
s. o. |
(40 000 $) |
(173 000 $)* |
Revenu imposable |
900 000 $ |
860 000 $ |
1 177 000 $ |
Taux d’imposition fédéral/ taux de l’IMR |
Variable |
15 % |
20,5 % |
Crédit d’impôt personnel de base** |
(2 028 $) |
(2 028 $) |
(1 014 $) |
Crédit d’impôt pour don*** |
(222 295 $) |
(222 295 $) |
(111 148 $) |
Impôt fédéral **/IMR |
49 483 $ |
0 $ |
129 123 $ |
* L’exonération de base, dans le cadre du régime proposé de l’IMR, correspond au début de la deuxième tranche d’imposition fédérale la plus élevée (qui devrait s’élever à environ 173 000 $ en 2024). ** Selon le montant personnel de base et les tranches d’imposition de 2023 (à indexer pour 2024). *** En présumant que le particulier est admissible au taux de crédit d’impôt pour don de bienfaisance de 33 % pour les dons qui dépassent la tranche supérieure de l’impôt fédéral sur le revenu de 2023. |
En vertu du régime proposé de l’IMR, qui augmente le taux d’inclusion des gains en capital réalisés lors d’un don d’un bien en immobilisation et qui limite le crédit d’impôt pour don à 50 %, le particulier devra payer un impôt fédéral total de 129 123 $. Cela augmente l’impôt à payer du particulier de 79 640 $ (c.-à-d. 129 123 $ moins 49 483 $), que le particulier devra financer lui-même parce qu’il n’a pas reçu de contrepartie pour le bien faisant l’objet du don. Par conséquent, les particuliers pourraient être moins enclins à faire des dons de bienfaisance importants (en particulier si le bien faisant l’objet du don a un gain en capital latent important). Le temps nous permettra de mieux connaître les effets négatifs sur le secteur des organismes de bienfaisance qui seront engendrés par le traitement des dons dans le cadre de l'IMR proposé.
Cet exemple considère une fiducie non testamentaire (qui n'est pas exclue de l’IMR ni admissible au montant d’exonération de base) qui, à la fois :
Les fiduciaires de la fiducie répartiront et verseront le revenu net de la fiducie (20 000 $) aux bénéficiaires de la fiducie.
|
Impôt fédéral régulier |
IMR actuel |
IMR proposé |
Revenu ordinaire |
30 000 $ |
30 000 $ |
30 000 $ |
Frais d’intérêts |
(10 000 $) |
(10 000 $) |
(5 000 $) |
Revenu net versé aux bénéficiaires |
(20 000 $) |
(20 000 $) |
(20 000 $) |
RIM |
s. o. |
0 $ |
5 000 $ |
Exonération de base de l’IMR |
s. o. |
s. o. |
s. o. |
Revenu imposable |
0 $ |
0 $ |
5 000 $ |
Taux d’imposition fédéral/ taux de l’IMR |
33 % |
15 % |
20,5 % |
Impôt fédéral /IMR |
0 $ |
0 $ |
1 025 $ |
En vertu du régime proposé de l’IMR, si une fiducie déduit des frais d’intérêts engagés dans le but de tirer un revenu d’un bien, la fiducie peut être assujettie à l’IMR quel que soit le montant du revenu net gagné par la fiducie. Cette situation pourrait se produire pour les raisons suivantes :
Comme l’illustre cet exemple, l’IMR pourrait donc, en vertu du nouveau régime, être applicable aux fiducies familiales qui ont emprunté un montant d’argent au taux prescrit, selon que les fiduciaires décident de distribuer, ou non, aux bénéficiaires la totalité du revenu gagné par la fiducie. Une fiducie qui a reçu un prêt à taux prescrit devrait donc prévoir cette exposition potentielle à l’IMR. Afin d’éviter l’IMR, la fiducie pourrait envisager i) de ne pas verser une partie de son revenu net à ses bénéficiaires, de sorte que le montant conservé dans la fiducie génère un impôt fédéral égal à l’IMR et que l’impôt payé par les bénéficiaires soit réduit, ou ii) d’utiliser le capital de la fiducie pour payer l’IMR; toutefois, ces options peuvent ne pas être disponibles pour toutes les fiducies (en fonction des faits).
En raison de la complexité du régime d’IMR proposé, il est difficile de prédire si ce régime atteindra l’objectif du gouvernement fédéral de mieux cibler les contribuables à revenu élevé pour assurer qu’ils paient leur juste part d’impôt. Il semble en particulier que les propositions pourraient avoir un effet négatif sur de nombreuses fiducies familiales, quelle que soit la valeur de ces fiducies. Le changement apparent de politique fiscale en ce qui concerne les dons de bienfaisance pourrait également réduire les montants de dons effectués par les particuliers et les fiducies et avoir ainsi une incidence sur le financement des organismes de bienfaisance.
Le nouveau régime proposé posera un certain nombre de défis aux contribuables. En raison de la complexité de la formule de calcul de l’IMR, il sera difficile pour un particulier et une fiducie de déterminer si l’IMR s’applique dans sa situation sans demander conseil à un fiscaliste. Il sera également difficile pour un conseiller de fournir des conseils simples, parce qu’il devra calculer séparément l’impôt en fonction du revenu, des déductions et des crédits du contribuable (en utilisant des règles différentes) pour déterminer l’IMR. En outre, cette réforme pourrait faire en sorte que l’IMR s’applique aux contribuables dans beaucoup plus de situations, de sorte que les contribuables pourraient ne pas se rendre compte qu’ils sont exposés à l’IMR jusqu’à ce qu’il soit trop tard pour l’éviter.
1. Les modifications proposées au régime de l’IMR auront une incidence sur l’IMR payable dans tous les territoires et les provinces, sauf au Québec, qui a son propre régime de l’IMR. Le Québec a aussi l’intention d’apporter des modifications à son régime de l’IMR semblables à celles annoncées dans le budget fédéral 2023; la province n’a toutefois pas encore finalisé ces modifications.
2. L’IMR ne s’applique pas aux sociétés par actions.
3. Une perte déductible au titre d’un placement d’entreprise peut survenir lorsqu’un contribuable dispose de certaines actions ou dettes et réalise une perte en capital. Sous réserve du respect de certaines conditions, la perte en capital sera déductible de tout type de revenu pendant une période de 10 ans (alors que les pertes en capital ne sont déductibles que des gains en capital). Si cette perte n’est pas utilisée dans le délai de 10 ans, elle sera convertie en une perte en capital qui peut être reportée prospectivement indéfiniment.
4. Cette nouvelle règle proposée ne modifiera pas les autres limites qui s’appliquent à certaines dépenses dans le cadre du régime actuel de l’IMR. En outre, cette limite ne s’appliquera pas aux fiducies collectives des employés.
5. Une « fiducie admissible pour personne handicapée » est une fiducie testamentaire qui peut être établie pour un bénéficiaire qui a droit au crédit d’impôt pour personnes handicapées si certaines conditions sont remplies.
6. Certaines fiducies, y compris les fiducies au profit du conjoint, les fiducies mixtes au profit du conjoint et les fiducies en faveur de soi-même, restent exonérées de l’IMR dans l’année au cours de laquelle une disposition réputée a lieu au décès d’un particulier.