Point de vue fiscal : Est-ce que les options d’achat d’actions demeureront une forme efficace de rémunération des employés?

13 mai, 2024

Numéro 2024-17F

En bref

Le budget fédéral 2024 a proposé de modifier le taux d’inclusion des gains en capital, notamment en le faisant passer de la moitié aux deux tiers, pour la portion des gains en capital réalisés par des particuliers après le 24 juin 2024 qui dépasse 250 000 $ par an. Une réduction correspondante de la déduction pour options d’achat d’actions accordées à des employés (de la moitié à un tiers de l’avantage lié aux options d’achat d’actions, avec un seuil partagé similaire) pourrait réduire l’avantage lié à l’octroi d’options d’achat d’actions à des employés. Ce numéro de Point de vue fiscal traite de l’efficacité relative des options d’achat d’actions comme moyen de rémunération des employés, à la lumière des modifications proposées.

En détail

Pour les ventes d’actions effectuées après le 24 juin 2024, les deux tiers de la portion des gains en capital réalisés qui dépasse un seuil annuel de 250 000 $ seront inclus dans le calcul du revenu imposable du particulier pour l’année (les gains en capital jusqu’au seuil continueront d’être inclus au taux d’inclusion actuel de la moitié). Cela signifie que la portion des gains en capital excédant 250 000 $ au cours d’une année donnée sera assujettie à l’impôt à un taux correspondant aux deux tiers – et non à la moitié – du taux marginal d’imposition applicable à un particulier. Pour un particulier résidant en Ontario et payant l’impôt au taux marginal le plus élevé, cela se traduira par un taux d’imposition de 26,76 % sur les gains en capital jusqu’à 250 000 $ et de 35,69 % pour la portion des gains en capital excédant 250 000 $. Pour une comparaison des taux d’imposition dans d’autres provinces et territoires, voir notre Point de vue fiscal, « Budget fédéral 2024 : soutien au logement, hausse des impôts ».

Pour tenir compte du taux d’inclusion plus élevé des gains en capital, la déduction pour options d’achat d’actions accordées à des employés sera réduite à un tiers (au lieu de la moitié actuelle) de l’avantage imposable réalisé après le 24 juin 2024. La déduction restera égale à la moitié de l’avantage imposable jusqu’à une limite annuelle combinée de 250 000 $ pour les options d’achat d’actions accordées à des employés et les gains en capital.

Les modifications proposées à la déduction pour options d’achat d’actions n’ont pas d’incidence sur les règles relatives à la limite annuelle d’acquisition (LAA) introduites en 2021. Les règles sur la LAA s’appliquent au moment où les options sont attribuées et limitent le nombre d’options qui donneront droit à la déduction pour options d’achat d’actions. Le pourcentage réel de la déduction pour options d’achat d’actions ne sera déterminé qu’au moment de l’exercice des options et dépendra à la fois du montant de l’avantage réalisé et de la situation personnelle de l’employé (c’est-à-dire des gains en capital réalisés au cours de l’année de l’exercice des options).

Incidence globale

Le tableau ci-dessous illustre l’incidence des modifications proposées sur l’avantage lié aux options d’achat d’actions d’un employé. Il suppose que l’employé :

  • réside en Ontario et est assujetti au taux d’imposition marginal le plus élevé de 53,53 % ;
  • a exercé ses options d’achat d’actions, donnant lieu à un avantage imposable de 1 000 000 $.

 

Avant le 25 juin 2024

Après le 24 juin 2024

Déduction pour options d’achat d’actions de l’employé

≤ 250 000 $

1/2

> 250 000 $

1/2

1/3

Comparaison des conséquences fiscales1

Avantage imposable de l’employé

1 000 000 $

Déduction pour options d’achat d’actions de l’employé

≤ 250 000 $

(500 000 $)

(125 000 $)

> 250 000 $

(250 000 $)

Revenu net imposable de l’employé

500 000 $

625 000 $

Impôt à payer de l’employé

267 650 $

334 563 $

Avantage après impôt de l’employé

732 350 $

665 437 $

Taux d’imposition effectif de l’avantage imposable de l’employé

26,77 %

33,46 %

Variation de l’avantage après impôt de l’employé

(9,14 %)

Variation du taux d’imposition effectif de l’avantage imposable de l’employé

6,69 %

  1. Les chiffres supposent que l’employé n’a pas d’autres options d’achat d’actions ni de gains en capital pour l’année et que toutes les options d’achat d’actions donnent droit à la déduction pour options d’achat d’actions.
Observations de PwC

La réduction de la déduction pour options d’achat d’actions vise à s’harmoniser avec le nouveau taux d’inclusion des gains en capital. Même si cela peut sembler défavorable, les options d’achat d’actions d’un employé sont toujours assujetties à un taux d’imposition préférentiel et l’employé est plus avantagé que s’il était simplement payé en espèces. La conséquence nette pour un employé est qu’il paiera, pour le montant de l’avantage lié aux options d’achat d’actions dépassant le seuil de 250 000 $, environ 8 à 9 % d’impôt de plus qu’avant les modifications proposées (l’augmentation exacte dépend de la province ou du territoire de résidence de l’employé et suppose que l’employé est imposé au taux marginal d’imposition le plus élevé de sa province ou de son territoire). Le Canada s’aligne ainsi sur les autres pays qui accordent une certaine forme d’avantage fiscal pour les options d’achat d’actions – dans de nombreuses autres juridictions, tout taux préférentiel sur les options d’achat d’actions est généralement limité à un certain montant.

En ce qui concerne les options d’achat d’actions qui ne donnent pas droit à la déduction pour options d’achat d’actions, les nouvelles règles proposées n’ont pas d’incidence sur l’imposition de ces options.

Les options d’achat d’actions sont-elles désormais inefficaces en tant que rémunération?

Payer les employés avec des options d’achat d’actions constitue une stratégie de rémunération efficace (c.-à-d. que l’employé sera imposé à un taux d’imposition plus bas) dans ces deux situations :

  • si l’employé peut demander la déduction de la moitié de l’option d’achat d’actions et que l’entreprise renonce à la déduction de l’impôt sur les sociétés correspondant à la valeur de l’avantage octroyé,
  • quand le taux d’imposition de l’avantage lié aux options d’achat d’actions de l’employé et le taux d’imposition des sociétés sont presque identiques.

Cependant, avec la diminution proposée de la déduction pour options d’achat d’actions, le taux d’imposition de l’employé sur un avantage lié aux options d’achat d’actions supérieur à 250 000 $ sera plus élevé que le taux d’imposition des sociétés ; par conséquent, bien que les options d’achat d’actions puissent encore constituer une stratégie de rémunération efficace, elles seront moins rentables sur le plan fiscal. Dans certaines circonstances, il peut être judicieux pour un employeur d’offrir une prime en espèces déductible au lieu d’octroyer des options d’achat d’actions – avec une « majoration » pour compenser l’impôt supplémentaire à payer dans le cas d’une prime en espèces (comparativement aux options d’achat d’actions) – pour une dépense nette à peu près identique pour l’employeur. Le coût additionnel pour l’employeur sera relativement faible tandis qu’une prime en espèces plus élevée procurera à l’employé le même avantage net sans que l’employeur ait à émettre des actions.

Les modifications proposées peuvent limiter, dans certaines circonstances, l’efficacité des options d’achat d’actions comme moyen de rémunération des employés. Prenons l’exemple d’une société dont les cadres supérieurs ont reçu des options admissibles assorties de paiements anticipés de plusieurs millions de dollars. Si la société est plus vulnérable à la perte d’une déduction d’entreprise qu’à la dépense de liquidités et à la volatilité des bénéfices, les options d’achat d’actions constitueront une forme de rémunération moins efficace. Cela est particulièrement vrai si l’employeur est une société privée qui peut également avoir des réserves concernant les participations minoritaires. Toutefois, si le profil démographique des employés est diversifié et que les versements annuels sont généralement inférieurs ou légèrement supérieurs au seuil de 250 000 $, les options d’achat d’actions demeureront efficaces sur le plan fiscal.

Il est également important de tenir compte des raisons non fiscales d’utiliser des options d’achat d’actions (par exemple, la flexibilité du régime, les effets sur l’état des résultats et les flux de trésorerie) lorsqu’un régime basé sur la trésorerie offre désormais un avantage net comparable sans nécessiter l’émission d’actions.

Ce que nous ne savons pas

Les documents budgétaires fédéraux fournissent peu de détails sur les modifications proposées relativement aux options d’achat d’actions, de sorte que des éclaircissements sont nécessaires dans un certain nombre de domaines, notamment sur les questions de savoir si :

  • le taux réduit d’un tiers s’appliquera à la fois à la déduction générale pour les options d’achat d’actions prévue à l’alinéa 110(1)d) de la Loi de l’impôt sur le revenu et à la déduction pour société privée sous contrôle canadien (SPCC) prévue à l’alinéa 110(1)d.1) ;
  • un allègement sera accordé aux employés qui ont exercé une option de SPCC avant le 25 juin 2024 (ou peut-être avant la date du budget [c.-à-d. le 16 avril 2024]?) ; ces employés ont ou auront un avantage imposable différé avec le risque associé que la valeur de l’action diminue. Ces employés ont peut-être accepté ce risque parce qu’ils pouvaient bénéficier d’une déduction de la moitié des options d’achat d’actions ; cependant, le fait de modifier la déduction « à mi-parcours » pour la faire passer à un tiers semble très punitif ;
  • il y aura des règles régissant l’ordre d’application pour la répartition du seuil annuel de 250 000 $ entre les gains en capital et les avantages liés aux options d’achat d’actions qui donnent droit à la déduction pour options d’achat d’actions ;
  • le Québec suivra le gouvernement fédéral et réduira sa déduction de 50 % sur les options d’achat d’actions dont bénéficient les grands employeurs ayant leur siège social au Québec ou les petites et moyennes entreprises innovantes (la province a déjà annoncé qu’elle s’harmoniserait avec le taux d’inclusion des gains en capital proposé par le gouvernement fédéral).  

Il faudra également obtenir des réponses à d’autres questions concernant la déclaration ou la retenue, par exemple comment l’employeur saura-t-il si l’employé a atteint la limite combinée de 250 000 $ pour les options d’achat d’actions et les gains en capital? Cette question concerne à la fois les SPCC et les sociétés autres que des SPCC, puisqu’elles doivent toutes deux déclarer l’avantage pour l’année sur un feuillet T4, État de la rémunération payée (et Relevé 1 du Québec (RL-1), Revenus d’emploi et revenus divers). Pour résoudre cette question, les employeurs doivent être autorisés à, soit :

  • estimer le montant, sur la base des informations fournies par les employés (de façon semblable aux règles actuelles de retenue pour les cotisations aux régimes enregistrés d’épargne-retraite, où l’employeur est autorisé à renoncer à la retenue sur la base de « motifs raisonnables »),
  • retenir l’impôt sur l’intégralité de l’avantage imposable (c.-à-d. non déduction faite de la déduction), bien que cela nécessiterait de retenir l’impôt sur les montants excédant le revenu imposable.  

En outre, s’il n’existe pas de méthode claire pour établir ou supposer l’application de la limite de 250 000 $, comment un employeur déclarera-t-il la déduction pour options d’achat d’actions sur un feuillet T4/RL-1?

À quel moment un employé devrait-il exercer ses options?

Pour les détenteurs d’options d’achat d’actions, la question la plus importante est probablement celle de savoir s’ils doivent exercer leurs options avant le 25 juin 2024 pour conserver tous gains au taux effectif le plus bas s’appliquant aux options. Toutefois, s’ils exercent leurs options avant le 25 juin 2024, ils risquent de perdre tout gain susceptible de se réaliser pendant la durée de vie restante de l’option (en supposant qu’ils n’utilisent pas d’autres stratégies pour compenser le gain lié à l’option d’achat d’actions).

Quand on ne s’attend pas à réaliser un autre gain en capital dans les années précédant l’échéance d’une option et que la valeur de l’option dans le cours (le prix actuel de l’action moins le prix d’exercice) est :

  • ≤ 250 000 $ x le nombre d’années restant avant l’échéance de l’option, il n’est probablement pas avantageux d’exercer cette option avant le 25 juin 2024, si la seule raison de le faire est de profiter du taux d’imposition réduit actuel ;
  • > 250 000 $ x le nombre d’années restant avant l’échéance de l’option, la décision d’exercer l’option dépend des attentes concernant l’action ; un détenteur d’option peut avoir intérêt à exercer l’option plus tôt s’il s’attend à une croissance plus faible ou s’il reste peu de temps. Si l’option dispose toutefois encore d’une « marge de manœuvre » avant son échéance, il y a plus de chances qu’elle puisse encore croître, même avec une déduction pour options d’achat d’actions moins élevée.

Il convient également de tenir compte du prix d’exercice total du contribuable dans toute analyse ; de plus, toute économie d’impôt peut être réduite si le contribuable emprunte des fonds pour payer le prix d’exercice au moment de l’exercice de l’option. 

À retenir

Compte tenu de l’augmentation des taux d’inclusion des options d’achat d’actions des employés, les employeurs devraient examiner leurs régimes d’options d’achat d’actions afin de s’assurer qu’ils demeurent pertinents. Certaines entreprises ont encore du mal à gérer les modifications apportées en 2021, dont la LAA et la déductibilité des régimes d’unités d’actions, de sorte que ces nouvelles règles ne feront qu’accroître à l’avenir la complexité de l’administration quotidienne et de la conception des régimes d’options d’achat d’actions.

Les employés doivent être conscients des changements de taux imminents et envisager une planification personnelle pour minimiser leur taux d’imposition effectif (sous réserve des restrictions touchant les régimes d’options d’achat d’actions).

 

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Antigoni Michalopoulos

Antigoni Michalopoulos

Directrice principale, PwC Canada

Khadija Jaoui

Premier conseiller, PwC Canada

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