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(en anglais seulement)
Dans cet épisode, David Bryan, associé chez PwC Canada, s’entretient avec Curtis Stange, président et chef de la direction d’ATB Financial. Curtis présente son point de vue sur l’enquête auprès des chefs de direction qui, cette année, s’est concentrée sur les mégatendances mondiales qui bouleversent le monde des affaires et la société. Ensemble, ils discutent des thèmes et perspectives clés qui se dégagent de l’enquête, dont le besoin pressant, pour les chefs de direction, de s’adapter aux percées technologiques rapides et à l’évolution du paysage économique. Curtis explique également, selon lui, ce que les chefs de direction peuvent faire pour diriger avec résilience et adaptabilité dans un paysage économique en pleine mutation.
David Bryan : Bonjour et bienvenue à « CEO Viewpoints », un balado de PwC Canada consacré aux thèmes clés et à la perspective canadienne de l’Enquête annuelle mondiale de PwC auprès des chefs de direction. Je suis David Bryan, associé chez PwC et j’animerai cet épisode. Cette année, l’enquête auprès des chefs de direction s’est concentrée sur les mégatendances mondiales qui bouleversent le monde des affaires et la société. Mon invité nous donnera son point de vue sur les révélations de l’enquête. Il parlera notamment du besoin pressant, pour les chefs de direction, de s’adapter aux percées technologiques rapides et à l’évolution du paysage économique. Il s’agit de Curtis Stange, président et chef de la direction d’ATB Financial. Sous la direction de Curtis depuis 2018, ATB a traversé une période de transformation profonde et de forte croissance. Curtis nous expliquera, selon lui, ce que les chefs de direction peuvent faire pour diriger avec résilience et adaptabilité dans un paysage économique en pleine mutation. Curtis, merci d’avoir accepté l’invitation.
Curtis Stange : Je suis ravi d’être ici, Dave. Merci beaucoup. J’adore ce type d’entrevue. C’est donc un plaisir d’être avec vous.
David Bryan : Commençons par le début. Comment êtes-vous arrivé à devenir le chef de la direction d’ATB, la plus grande institution financière dont le siège social se trouve dans l’Ouest canadien?
Curtis Stange : Merci pour cette bonne question. J’en étais à ma 38e année dans le secteur bancaire. J’ai passé 23 ans dans l’une des 5 grandes banques canadiennes, ce qui m’a a mené à travailler dans 4 provinces différentes. C’était une expérience à la fois gratifiante et passionnante que de travailler dans différentes régions du pays. C’est alors qu’ATB Financial m’a appelé en 2009 pour m’offrir une belle occasion. À l’époque, j’habitais à Calgary et j’avais envie de faire quelque chose d’unique dans ma carrière; je savais que je pouvais rester dans une grande banque, mais j’étais ouvert à d’autres possibilités. Au terme d’une période de familiarisation d’environ dix semaines, je suis entré à ATB en septembre 2009, et ma mission était de mettre en place un nouveau secteur d’activité. ATB battait de l’aile auprès des petites et moyennes entreprises, ainsi que dans le secteur agricole et pourtant, l’institution avait été créée en 1938 pour aider les entreprises rurales, et plus particulièrement les agriculteurs. J’ai donc étoffé le secteur d’activité en question et à mon 14e mois en poste, on m’a demandé de me pencher sur la mise en œuvre d’un système bancaire SAP complexe. Le but était de délaisser un vieil ordinateur central pour passer à un système bancaire SAP à application distribuée. Le projet était en cours depuis environ deux ans, non sans quelques difficultés, comme c’est le cas pour bien des projets technologiques d’envergure. Je me suis donc penché sur la question et, au cours des six mois qui ont suivi, j’ai contribué à la mise en œuvre réussie de ce système bancaire SAP. On m’a demandé, comme c’est souvent le cas lorsqu’on met en œuvre un grand système bancaire, de rester dans les parages et de diriger le groupe technologique afin de surmonter tous les obstacles habituels d’un grand projet de systèmes bancaires de base. J’ai donc passé cinq ans après la mise en œuvre à diriger l’équipe technologique – l’équipe administrative des paiements. En fait, l’équipe des paiements comprenait également l’équipe Mastercard. C’était une période très intéressante. C’était l’occasion pour nous d’innover. Au cours de cette période, nous avons participé au lancement d’Apple Pay, à côté d’autres grandes institutions, ce qui était pas mal intéressant. En 2015, lors du sommet annuel de Paiements Canada, nous avons été la première banque au Canada à transférer des fonds sur la chaîne de blocs. À l’autre bout de l’opération se trouvait une banque allemande et si je me souviens bien, nous avons transféré une vingtaine de dollars canadiens sur la chaîne de blocs en 2015. C’était génial. Nous avons mis en place un agent conversationnel sur Facebook, ainsi que d’autres beaux projets qui nous ont permis de renforcer le bon fonctionnement de nos systèmes bancaires de base. C’était une période riche en innovations. En 2016, on m’a demandé de quitter ce poste pour devenir le chef de l’exploitation. Tous les centres de profit de tous les secteurs d’activité relevaient de moi. J’étais en quelque sorte le « chef des services à la clientèle ». Le poste était animé par notre attention et notre passion pour la clientèle, mais au bout du compte, j’étais bel et bien le chef de l’exploitation. C’est un poste que j’ai occupé pendant deux ans, jusqu’à ce qu’on me demande de devenir le chef de la direction, en juin 2018. Je ne l’ai jamais regretté.
David Bryan : C’est une belle histoire, dont j’ai retenu deux ou trois choses. J’avais oublié à quel point ATB était à la pointe de la technologie. Lorsque vous avez évoqué l’opération sur la chaîne de blocs en 2015, ça m’a rappelé que les gens ne comprenaient pas encore ce qu’était la chaîne de blocs, alors qu’ATB était une des premières à explorer l’usage de cette technologie pour faire progresser les services bancaires à l’échelle mondiale. Merci pour ce rappel. Et l’autre chose qui m’a vraiment marqué, Curtis, c’est que vous êtes dans le domaine depuis 38 ans et à la lecture de certains documents et puisque je connais bien ATB, j’ai pensé à 2019. Votre équipe de direction avait alors établi un plan stratégique décennal que votre conseil d’administration a approuvé et qui est vraiment passionnant. Pouvez-vous nous dire où vous en êtes dans ce parcours bien rodé depuis votre arrivée en 2019?
Curtis Stange : Oui, bien sûr. La direction, puis le conseil d’administration, ont eu un peu de mal à se faire à l’idée d’un plan stratégique sur dix ans. Comme beaucoup d’organisations, nous avions suivi des plans stratégiques triennaux qui, à mon avis, ne sont rien d’autre que des plans d’exploitation triennaux. Je pense que c’est ce qui nous a le plus marqués, après avoir fait beaucoup de lectures et de recherches sur les différents aspects de la planification stratégique. Nous avons constaté que la projection dans l’avenir était vraiment importante. C’est particulièrement le cas au Canada, dans l’Ouest canadien et en Alberta, où beaucoup d’industries travaillent à long terme et qu’on doit prendre le temps de se familiariser avec leurs cycles. C’est sans compter les vastes tendances macroéconomiques qui ont pris forme à l’échelle mondiale en étant pratiquement omniprésentes et en transcendant une multitude d’industries. Je parle notamment des rapides progrès technologiques et de la loi de Moore, à laquelle je crois fermement. Je parle aussi des progrès rapides de l’intelligence artificielle, des ensembles de données massives et de l’évolution des attentes des consommateurs au Canada, ainsi que des organismes de réglementation. Toutes ces tendances macroéconomiques nous obligent à avoir un horizon au-delà de trois ans. C’est ainsi qu’au départ, nous avons envisagé un horizon de 20 ans. C’était un peu trop difficile pour nous. Alors, nous avons privilégié un horizon de 10 ans. Pour répondre à votre question, nous avons élaboré ce projet en 2019 et l’avons mis en œuvre en 2020. C’est alors que la pandémie a commencé, bien sûr. Aujourd’hui, nous sommes à la cinquième année de ce plan décennal, et nous sommes là où nous voulions être. Tout au long de la pandémie, nous avons dû changer de cap en nous concentrant sur le soutien à notre équipe et le service à la clientèle, mais aussi sur notre survie pendant la pandémie, qui a eu raison de nombreuses organisations. Nous étions donc nerveux au début de 2020 et tout au long de l’année. De façon générale, les banques et le secteur des services financiers en général sont sortis très forts de la pandémie. Mais revenons à la stratégie. Fondamentalement parlant, nous tenions à nous distinguer de nos concurrents en offrant une expérience client uniforme et irréprochable. C’est ce qu’affirment certains de nos concurrents dans leurs rapports annuels. Pour notre part, nous nous y prenons d’une manière tout à fait différente. Comme ATB est un acteur régional, nous sommes conscients qu’il est impossible de différencier les produits sur une longue période. Ce n’est pas durable. Notre rayonnement n’est que régional, d’où l’importance de nous distinguer par notre expérience client. Nous mettons donc l’accent sur deux grands parcours clients. Le premier repose sur notre offre de conseils et le second, sur notre expérience numérique. Bien souvent, il existe des chevauchements entre les deux, car les clients reçoivent des conseils à la fois par voie numérique et en personne. Ce qui définit réellement notre succès, c’est la mise en œuvre de ces deux grands parcours clients auprès de quatre groupes de parties prenantes. En tant que banque régionale, nous sommes un peu uniques. Les autres vous diront que leur organisation s’engage activement envers un objectif, mais pour notre part, nous faisons les choses à notre façon. Notre tableau de bord général est axé sur le succès des membres de notre équipe, et nous sommes fiers de figurer au quatrième rang des meilleurs lieux de travail au Canada et au premier rang parmi toutes les banques canadiennes. C’est ce qui nous distingue des autres joueurs. Nous nous engageons à offrir de bons rendements à notre actionnaire et, bien entendu, nous nous appuyons sur les collectivités où nous sommes présents et sur tout ce qui sert notre objectif et notre raison d’être : rendre les choses possibles. Dans l’ensemble, la mise en œuvre de ces parcours se déroule bien. Je le répète : nous sommes dans ce que nous appelons la phase intermédiaire, c’est-à-dire les quatrième, cinquième et sixième années. Les trois premières années consistent à jeter les bases, tandis que les dernières années visent à accélérer la croissance pour arriver là où nous voulons être avec quelques changements en cours de route.
David Bryan : C’est très intéressant. J’aimerais revenir sur deux choses que vous avez mentionnées, si vous le voulez bien. Premièrement, à sa culture d’entreprise, son service à la clientèle et sa relation de confiance avec sa clientèle. Que faites-vous pour concilier le maintien de cette réputation et l’adoption de nouvelles technologies? Si vous le voulez bien, j’aimerais qu’on parle un peu de l’IA générative et de son incidence sur votre façon de faire des affaires.
Curtis Stange : D’accord. En fait, notre organisation n’est pas si différente des autres, comme PwC, et nous essayons de concilier l’obtention de résultats à court terme et les investissements pour l’avenir. Il s’agit d’un exercice permanent d’équilibriste pour les équipes de haute direction et les conseils d’administration. Comment obtenir des résultats à court terme tout en respectant l’engagement envers les clients, les actionnaires et les collectivités et en investissant de manière appropriée dans l’avenir? Comme nous l’avons vu chez nous, il arrive que la stratégie ne donne aucun résultat visible au cours d’un exercice donné. Parfois, il faut un peu plus de temps. Notre équilibre consiste donc à assurer la croissance interne de nos segments et secteurs d’activité et à continuer de miser sur le leadership et le perfectionnement des compétences de base et des aptitudes dont les membres de l’équipe ont besoin pour réussir aujourd’hui. Parallèlement, nous devons investir dans de grands projets technologiques comme Salesforce, qui a été mis en œuvre, et grâce à l’excellent partenariat avec PwC dans notre segment d’activité, nous avons mis en œuvre notre segment de gestion de patrimoine. Notre prochaine étape vise les marchés des capitaux et les services aux particuliers. Nous envisageons une révision complète du processus d’octroi de prêts de bout en bout – un projet massif de plusieurs centaines de millions de dollars sur plusieurs années. C’est sans compter notre vaste virage numérique. Bref, nous travaillons sur de nombreux projets importants qui exigent beaucoup de capital discrétionnaire, d’attention et d’énergie, mais aussi beaucoup de mesures qui nous permettent d’obtenir des gains rapides. Nous avons lancé le programme « W by ATB » pour favoriser la croissance des entreprises détenues et dirigées par des femmes, ainsi que le compte d’épargne pour l’achat d’une première propriété, ce qui est formidable. Nous avons également adopté des tactiques uniques, qui nous ont permis de remporter des victoires rapides sur le marché. Parallèlement, nous poursuivons notre stratégie à long terme. Aujourd’hui, je suis fier d’affirmer que nous avons le bilan le plus solide parmi toutes les banques régionales – et je dirais même à l’échelle du Canada. Notre chef des finances dirait plutôt à l’échelle de l’Amérique du Nord, c’est-à-dire par rapport à notre groupe de pairs sur le continent. Et c’est sans doute en renforçant nos fondations au cours des premières années et en consolidant notre bilan que nous avons été en mesure de verser pour la première fois de notre histoire un dividende de 100 millions de dollars à notre actionnaire. C’est une étape importante pour nous. C’est formidable. Pour revenir à votre question sur l’IA générative, j’ai parlé des grandes tendances macroéconomiques lorsqu’il était question de créer notre stratégie. L’IA générative en faisait partie, et ce, il y a quatre ans et demi ou cinq ans à peine. Il s’agit d’une évolution massive par rapport à l’IA. Heureusement, nous sommes en excellente posture. Premièrement, notre culture d’entreprise est très adaptable, comme vous l’avez souligné. Deuxièmement, le renforcement de nos fondations au cours des premières années de la stratégie était axé sur les données et l’IA, ainsi que sur l’intégration et la mise en œuvre des outils qui nous permettraient d’exploiter notre plus grand atout, à savoir les données dont nous disposons, afin de générer de la valeur. Nous réalisons donc plusieurs démonstrations de bien-fondé qui permettent, selon le cas, de réaliser des gains d’efficacité ou d’améliorer l’expérience des clients, et nous veillons à le faire en tout respect de l’éthique. Depuis plusieurs années, nous avons un comité d’éthique qui couvre l’ensemble des activités de l’entreprise, mais tout particulièrement les données et l’IA, et la personne responsable de nos données et de l’IA participe très souvent au comité d’éthique pour parler des différents modèles et des tests que nous effectuons pour faire les choses correctement. Pour notre part, nous voyons l’IA générative comme un véritable facteur de nivellement, où les petites banques et les banques régionales, si elles font bien les choses, peuvent vraiment s’accélérer et combler l’écart entre leur offre et celle des grandes banques. C’est très intéressant.
David Bryan : Oui, tout à fait, parce que je sais que lorsque les entités ont commencé à parler de l’IA et de l’IA générative, elles voyaient un concept réservé aux experts technologiques. L’IA est devenue un outil avec lequel on peut expérimenter par l’entremise de ChatGPT. Je sais que chez nous, et probablement chez ATB aussi, on tient compte de l’IA dans les grandes décisions portant sur la mise en place de systèmes ou la façon de faire des affaires à l’avenir. Je suis surpris de la rapidité avec laquelle le paysage a évolué.
Curtis Stange : C’est vrai. Notre stratégie consiste à aller vite et à aller lentement. Si nous allons vite, c’est parce que le tiers de nos employés, soit quelque 1 500 membres d’équipe, ont téléchargé l’un des outils ChatGPT et en tout respect des conditions limites que nous avons fixées, ils ont intégré cet outil dans leur travail quotidien. C’est ce qui nous permet d’aller vite. Notre culture d’entreprise adaptable est propice à l’innovation et donne de l’autonomie aux membres de l’équipe. En même temps, nous allons lentement lorsque, dans le cadre de notre stratégie, nous nous arrêtons sur un outil en particulier. D’ici la fin du deuxième trimestre de cette année, nous aurons intégré l’IA générative à l’échelle de l’entreprise. C’est une étape importante pour nous. Aussi, je crois en l’importance de s’assurer que tous les membres de notre équipe puissent accéder à ce type d’outil. Dans le cadre de la phase où nous allons lentement, nous devons déterminer la direction dans laquelle nous voulons développer l’IA générative au sein d’une activité donnée et consacrer nos efforts là-dessus, que ce soit du côté du service à la clientèle ou de la téléphonie, qui reçoit quelque 100 000 appels par mois, ou encore, de l’expérience client autre que dans les services bancaires par téléphone ou du côté des services administratifs ou intermédiaires. Je crois que nous prendrons la décision au cours des prochains trimestres, après quoi nous commencerons à la mettre en œuvre. C’est un projet des plus emballants, et nous espérons qu’il nous aidera à nous distinguer encore plus de nos concurrents.
David Bryan : Nous sommes tous les deux en Alberta, et parmi les sujets qui reviennent régulièrement, il y a le développement durable et les facteurs ESG. ATB a publié un rapport consacré au développement durable, et j’aimerais savoir comment l’entreprise voit le secteur de l’énergie, qui est d’une importance capitale en Alberta. Comment conciliez-vous le développement durable et le soutien aux entreprises albertaines et, de façon générale, comment gérez-vous les enjeux que soulèvent les autres parties prenantes, par exemple l’énergie non renouvelable et les facteurs ESG? Bref, j’aimerais connaître votre point de vue à ce sujet.
Curtis Stange : Oui, nous venons d’achever ce qui s’est avéré être un processus d’établissement de stratégie énergétique sur un peu moins d’un an. Nous devions nous pencher sur cette question. Chose certaine, il s’agit d’un secteur qui est important pour l’Alberta et qui le restera pour les prochaines décennies. Aujourd’hui, je qualifierais l’économie albertaine de bien diversifiée, compte tenu des investissements des différents paliers de gouvernement au cours de la dernière décennie ou, plus exactement, depuis l’effondrement des prix de l’énergie en 2014. Ainsi, je crois que nous sommes bien diversifiés et que l’énergie continuera à jouer un rôle. Nous voyons la situation de manière très pragmatique, puisque nous avons assisté à la transition de divers secteurs et avons dû adapter notre proposition de valeur, nos services, notre profil de crédit et notre profil de conseil et nous continuerons à le faire, cette fois pour le secteur de l’énergie. Mais à notre avis, le secteur de l’énergie doit impérativement avoir accès à du capital et à des liquidités, et ATB Financial continuera à défendre les intérêts de ce secteur en Alberta – point final. De plus, nous sommes le plus grand prêteur du secteur de l’énergie renouvelable de la province. C’est presque un milliard de dollars de notre bilan et de nos engagements financiers qui sont dans des projets d’énergie renouvelable, qu’elle soit éolienne, solaire ou hydroélectrique, et ce, uniquement en Alberta et, dans certains cas, en Colombie-Britannique. Je ne sais pas si les auditeurs le savent, mais les investissements de l’Alberta dans des projets d’énergie renouvelable sont supérieurs, et de loin, à ceux des autres provinces canadiennes. L’Alberta est à des années-lumière des investissements en énergie renouvelable des autres provinces. Je crois que c’est important de le souligner. Et nous serons là pour ces entreprises. Nous sommes conscients du virage qui va s’opérer au cours des prochaines décennies. Dans le cadre de notre travail avec des organisations du secteur de l’énergie traditionnelle, nous assistons déjà à ce virage. Les entreprises sont conscientes de la nécessité de s’engager en faveur des facteurs ESG. Dans le cadre de l’élaboration d’un indice ESG, nous aidons certaines organisations à petite et moyenne capitalisation des secteurs des services et de l’exploration en leur fournissant des conseils et un tableau de bord sur leur performance ESG. Elles sont conscientes qu’elles ont moins de liquidité que les autres sur les marchés financiers et qu’elles devront peut-être payer un peu plus cher pour leurs capitaux à moins d’être présentes dans ce secteur. Le secteur est grandement conscient de l’importance des facteurs ESG, et nous voulons conseiller les entreprises énergétiques sur la façon de financer leurs stratégies ESG. Nous sommes donc très engagés dans cette voie. Nous avons récemment lancé le programme de formation au certificat carbone, qui permet à nos clients d’ATB Capital Markets d’avoir accès aux crédits carbone. Pour l’instant, comme je l’ai dit, nous pensons pouvoir travailler à la fois avec l’énergie traditionnelle et l’énergie renouvelable, mais bien entendu, nous continuons à surveiller les signes qui nous encouragent à faire la transition en tandem avec le secteur. Mais je le répète, c’est à très long terme.
David Bryan : Oui, mais cela reste une belle histoire, et je suis ravi que vous ayez souligné le rôle d’ATB, qui est d’accompagner les clients tout au long de leur transition. Un autre aspect qui m’a vraiment marqué, et que nous avons tendance à oublier, c’est l’ampleur des investissements de l’Alberta dans le secteur de l’énergie renouvelable. Pourriez-vous nous parler un peu de vos profits et de votre croissance? Vous l’avez mentionné plus tôt, mais il y a eu beaucoup de volatilité économique en 2023. Pourtant, ATB a atteint le chiffre d’affaires total le plus élevé de son histoire. Comme vous l’avez mentionné, vous avez même annoncé le versement d’un premier dividende à votre actionnaire. Pouvez-vous expliquer à nos auditeurs ce qui vous a permis d’atteindre cette rentabilité? Est-ce que ce sont des gains d’efficacité? Est-ce la croissance? Un mélange des deux, tout particulièrement dans ces conditions difficiles? Je suis sûr que les auditeurs aimeraient connaître votre recette secrète.
Curtis Stange : D’accord. Je ne crois pas que ce soit une recette secrète. Je crois que c’est une question de stratégie et de culture, c’est certain. Nous avons franchi le cap des 2 milliards de dollars à la fin de notre dernier exercice, qui vient de clore le 31 mars, et c’est un excellent jalon pour nous. Et pour répondre à votre question, les six ou sept derniers trimestres n’ont pas été faciles pour le secteur bancaire. Cela dit, les banques génèrent habituellement une petite marge lorsque les taux augmentent, puis en perdent un peu lorsque les taux baissent. Et le secteur n’a pas pu profiter de cette marge, principalement en raison de l’inversion de la courbe des taux, et en ce qui concerne les marges, les banques ont tendance à l’augmenter pour les prêts, et à la diminuer pour les investissements. C’est donc dire que du côté des prêts, nous n’avons pas profité des marges habituelles, ce qui a exercé une certaine pression. De plus, à l’instar des autres secteurs, nous avons lutté contre l’inflation et le ralentissement de l’économie. La vigueur des taux ralentit en partie l’activité des consommateurs et des entreprises. Chose certaine, 2023 a été une année difficile pour nous. Pour sa part, l’Alberta a connu une croissance démographique sans précédent. Son secteur de l’énergie a de nouveau le vent dans les voiles, et son économie a démontré sa résilience par rapport aux autres régions du pays. Grâce à tous ces facteurs, ainsi qu’à l’exécution de notre stratégie et à nos victoires à court terme que j’ai évoquées plus tôt et à nos investissements à long terme, nous avons connu une année plutôt positive. Encore une fois, je ne saurais trop insister sur le fait que notre succès repose sur nos quatre groupes de parties prenantes. En repensant à l’année qui s’est terminée, la question que je pose à ma patronne, c’est-à-dire à la présidente du conseil d’administration, repose avant tout sur l’équilibre. Avons-nous progressé sur le plan de la culture et des transformations majeures qu’elle a subies au cours des dernières années? Qu’en est-il? Avons-nous progressé sur le plan de l’expérience client et, par conséquent, avons-nous atteint les résultats qu’on attendrait d’une organisation sur le plan de l’économie et du rendement pour l’actionnaire? Enfin, quels sont nos résultats en matière de stratégie d’intérêt général, c’est-à-dire notre contribution aux collectivités où nous sommes présents? C’est très important. Même si chaque trimestre peut sembler un peu différent en ce qui concerne nos priorités et leur exécution, force est de constater qu’à la fin de l’exercice en cours ou de l’exercice suivant, nous faisons l’état des lieux. Cela dit, sur le plan des finances, le versement d’un dividende a constitué une étape importante. Avoir le bilan le plus solide du Canada, c’est-à-dire de notre groupe de référence en Amérique du Nord, c’est une belle réussite. Hier, j’ai eu l’occasion de parler à environ 200 membres de l’équipe de notre secteur des petites entreprises. Je dois les ennuyer avec mes propos sur la solidité de notre bilan, mais cette fois, nous avons plutôt parlé de notre ratio des fonds propres de catégorie 1 sous forme d’actions ordinaires. Pour le calculer, nous divisons les bénéfices non répartis ou fonds propres de catégorie 1 sous forme d’actions ordinaires par nos actifs pondérés en fonction du risque, c’est-à-dire notre portefeuille de prêts. Le résultat est un pourcentage qui, conformément à la réglementation applicable, doit être d’au moins 7 %. Dans notre cas, il est de 12 %. Si ce ratio est important, c’est parce qu’il nous donne des munitions pour augmenter la flexibilité stratégique de notre organisation. Nous sommes à la recherche d’une possibilité d’acquisition complémentaire au sein de notre secteur d’activité consacré à la gestion de patrimoine, d’où l’utilité de conserver des capitaux élevés. En fait, s’il y a une croissance accélérée telle que nous la prévoyons en Alberta et dans notre secteur, et que la demande pour des avances de prêts augmente, nous avons besoin du capital disponible ou excédentaire dans notre bilan pour permettre une croissance rapide. L’année 2023 en est un bon exemple. Nos marges étaient légèrement plus faibles, et nous avions prévu une croissance d’environ 2 milliards de dollars de prêts. Au final, la croissance nette s’est élevée à 4,1 milliards de dollars pour les particuliers et les entreprises. La volatilité économique et d’autres vents contraires importants se sont manifestés, mais dans le cadre de notre stratégie, nous avons pris des décisions parfois difficiles, mais bénéfiques pour notre chiffre d’affaires. Beaucoup d’entreprises ont dû en faire autant pour maîtriser leurs coûts.
David Bryan : Vous l’avez souvent dit, mais pas encore ici, que l’un de vos quatre piliers est la culture d’entreprise. Vous avez beaucoup parlé d’esprit d’équipe, de culture de haute performance, de sentiment de travailler ensemble pour atteindre les objectifs de l’organisation. Que faites-vous pour encourager cette mentalité?
Curtis Stange : J’adore cela, car à mesure que j’avançais ma carrière, je me suis rendu compte que j’étais vraiment axé sur la stratégie et que je l’appréciais encore plus, à mesure que mes responsabilités devenaient importantes et que je traitais avec des gens et des équipes d’échelons et de degrés de complexité différents. Je me suis aperçu que dans les faits, tout était une question de culture. En tant que leader, j’ai toujours cru en l’importance de cultiver des relations étroites et de favoriser la réussite des gens. C’est ce que j’ai vraiment commencé à comprendre : l’intersection de la culture et de la stratégie. Selon le cas, l’un de ces facteurs peut être un facteur de facilitation ou, au contraire, un obstacle majeur à long terme. Lorsque j’ai pris les rênes, nous avions une culture d’entreprise axée sur le bon service et sur le soutien. Tout ce qu’il manquait, c’était cette petite poudre magique, qui est composée du rendement et de la responsabilité. À cet égard-là, l’importance des quatre groupes de parties prenantes aurait été déséquilibrée. Notre culture d’entreprise aurait été très forte et très positive, mais en revanche, nous n’aurions pas reçu de bons commentaires de nos clients à chaque occasion. Notre rentabilité, la vigueur de notre bilan, notre flexibilité stratégique n’auraient pas été au rendez-vous. Cela dit, l’engagement envers la collectivité est un concept que nous adoptons, si je me souviens bien, depuis le début de nos activités, il y a environ 80 ans. Pour réussir, nous avons redéfini le « pourquoi », le « quoi », le « comment » et le « qui ». Tout d’abord, le « pourquoi » est notre raison d’être. Nous sommes là pour concrétiser les projets. Dans un monde en pleine mutation, une chose reste constante : notre détermination à adopter ce que nous appelons « l’art du possible » pour les Albertains et leurs entreprises. Pour enchaîner, j’aimerais revenir sur notre stratégie. C’est le « quoi » et, comme je le disais plus tôt, nous avons rassemblé une équipe d’experts dans le cadre de notre stratégie de 2019 et aujourd’hui, nous sommes en très bonne position. Encore une fois, c’est la première fois qu’ATB adoptait une stratégie sur dix ans. À l’aube de la cinquième année, nous avons grandement confiance en l’avenir. C’était le « quoi ». Cela dit, le « comment » est extrêmement important pour nous. Nous avons fait un véritable travail d’équilibre ascendant et descendant pour réinventer la culture et les valeurs dont l’organisation a besoin. À quoi ressemblera l’évolution de ces valeurs culturelles? Allons-nous miser sur les bonnes valeurs? Quelles récompenses devons-nous donner pour adopter la culture qu’il nous faut pour atteindre la stratégie et nos objectifs pour 2030? Pour toutes ces raisons, le « comment » est d’une importance capitale pour nous. Et pour vous donner une idée de la force de cette démarche, sachez que nous l’avons incorporée dans notre système d’amélioration du rendement. Nous nous sommes arrêtés sur quatre traits culturels. Le premier est « une ATB », c’est-à-dire garder le cap sur nos objectifs en tant que banque régionale, ce qui est exceptionnellement important. Viennent ensuite la « volonté de performance », l’« obsession pour le client » et enfin les « champions de l’appartenance ». Ces quatre traits culturels constituent donc le « comment » dans la suite de questions « pourquoi », « quoi », « comment » et « qui ». Et enfin, le « qui » pour nous, c’est la proposition de valeur externe que nous avons reconstituée pour nos clients il y a presque deux ans maintenant. Notre nouvelle proposition de valeur de marque a pour titre « Powering Possibility » ou « le pouvoir du possible ». Aujourd’hui, nous constatons que ces valeurs forment un tout complet et d’après les sondages, 96 % des membres de notre équipe comprennent le « pourquoi », le « quoi », le « comment » et le « qui ». Ils comprennent ce qu’ils doivent faire pour concrétiser notre vision, ainsi que la façon dont leur rôle individuel au sein de l’entreprise peut nous aider à mettre en lumière notre objectif, qui est de mettre à profit le pouvoir du possible auprès de nos clients et de nos trois autres groupes de parties prenantes. C’était un résumé de notre ensemble complet de nos valeurs, qui nous ont permis d’obtenir une forte reconnaissance culturelle et externe tout en tenant compte des besoins des trois autres groupes de parties prenantes.
David Bryan : Cet épisode tire à sa fin, Curtis. J’aimerais vous demander de dépoussiérer un instant votre boule de cristal et d’imaginer la trajectoire d’ATB pour les 5 ou 10 prochaines années. À quoi ressemble-t-elle? Aussi, quels défis entrevoyez-vous pour ATB par rapport aux fournisseurs de services bancaires traditionnels, à l’heure du système bancaire ouvert et d’autres concepts du genre. Si vous pouviez regarder dans votre boule de cristal et me dire ce qu’elle dit, les auditeurs et moi-même serions ravis de l’entendre.
Curtis Stange : Oh, là, là, cette boule de cristal est parfois un peu trouble, n’est-ce pas? L’horizon 2030 n’est plus qu’à cinq ou six ans. Je dirais que c’est notre plus grande priorité actuellement. Nous devrons tenir compte de nouveaux facteurs. Vous avez parlé du système bancaire ouvert, qui va de pair avec une accélération des paiements. Je crois que les investissements de Paiements Canada et du secteur bancaire dans l’accélération des paiements, qui se feraient alors en temps réel, comptent beaucoup pour nous. Vous avez parlé d’héritage. L’héritage que nous allons laisser est axé sur nos démarches de mobilisation auprès de nos quatre groupes de parties prenantes dont j’ai parlé plus tôt. C’est très important pour nous. Je reviendrai sur les collectivités dans une minute. Entre-temps, j’aimerais parler des défis auxquels se heurte le modèle bancaire traditionnel, tout particulièrement de notre point de vue de banque régionale. En tant que banque régionale, nous n’avons pas d’envergure, et nos coûts sont donc élevés. Nous avons également un engagement envers la clientèle rurale de l’Alberta, où nous pouvons tirer des avantages économiques concrets. L’un d’entre eux est la mise à profit des marges, dont je parlais plus tôt. Nous pouvons grandement élargir nos affaires au chapitre des produits de dépôt grâce à nos succursales et à nos agences ou mini-succursales de la province. C’est très avantageux pour nous, mais aussi très coûteux. Chose certaine, parmi toutes les choses qui peuvent m’empêcher de dormir sur mes deux oreilles, il y a notre modèle à coûts élevés. Nous devons exécuter nos stratégies avec beaucoup d’efficacité, parce que les gros joueurs ont de l’envergure, et les entreprises de technologie financière disposent de beaucoup de capital-risque et des sommes importantes en arrière-plan, ce qui remet en question les centres de profit et les bassins de profit du modèle que nous déployons actuellement. C’est ça qui m’empêche de dormir sur mes deux oreilles, et non les menaces informatiques ou tout autre problème majeur auquel nous nous heurtons tous et contre lequel nous nous protégeons tous. Pour en revenir à l’héritage, la stratégie communautaire est ancrée dans nos démarches visant à travailler pour le bien commun. Je défends ardemment cette stratégie, non pas en raison de mon poste de chef de la direction, mais bien en raison de ma passion pour bien de choses, tout particulièrement la santé mentale. Par conséquent, l’amélioration de l’accès aux services de santé mentale fait partie intégrante, entre autres choses, de notre stratégie pour le bien commun. Je suis ravi d’affirmer que notre organisation est reconnue à l’externe comme étant l’un des meilleurs milieux de travail au pays, notamment parce que nous soutenons les besoins en matière de santé mentale. Nous sommes fermement convaincus que les particuliers, c’est-à-dire les consommateurs, ainsi que les entreprises, comme on commence à le voir aujourd’hui, commenceront à traiter avec une entreprise tout d’abord pour sa proposition de valeur de base. Mais est-ce possible de se distinguer par ses activités qui vont au-delà de la proposition de valeur de base? C’est ce que nous appelons le « Beyond Banking », c’est-à-dire notre offre qui va au-delà des services bancaires. C’est là qu’intervient notre stratégie du bien commun, parce que redonner au suivant est la bonne chose à faire dans les collectivités où nous sommes présents. Je crois que cette façon de faire peut nous distinguer de la concurrence – j’en suis convaincu.
David Bryan : C’est très intéressant. J’ai bien aimé vos explications concernant votre offre au-delà de la stratégie de base ou au-delà des services bancaires. En terminant, j’allais vous demander de dire honnêtement si vous étiez un partisan des Oilers ou des Flames. Mais je me suis rendu compte que c’était une question tout à fait injuste. Au lieu de vous mettre sur la sellette, je vais vous lancer une petite question plus innocente, mais pour laquelle il n’y a qu’une bonne réponse. Alors voici : quelles sont vos prédictions pour les Oilers dans les séries éliminatoires de la Coupe Stanley 2024, qui se déroulent en ce moment?
Curtis Stange : Alors oui, je suis un fan du hockey. J’aimerais dire à vos auditeurs que je passe la moitié de mon temps à Calgary et l’autre moitié à Edmonton, j’adore les deux villes et j’adore le hockey. Je pense que les Oilers ont de bonnes chances d’aller loin dans les séries éliminatoires. Ils ont connu des hauts et des bas cette année, mais compte tenu du talent et de la composition de leur équipe, ils ont les moyens de poursuivre sur leur belle lancée. Je serai en déplacement à l’extérieur et je ne pourrai donc assister à aucune des parties à Edmonton pour la deuxième ronde. J’espère que l’équipe se rendra jusqu’à la troisième ronde, ce qui me permettrait de la voir jouer. Ce serait super.
David Bryan : Parfait. Vous l’avez bien dit. Ce sera génial de regarder la prochaine série contre Vancouver. Voilà qui met fin à cet épisode du balado « CEO Viewpoints ». J’aimerais prendre quelques instants pour vous remercier, Curtis, du temps que vous nous avez consacré aujourd’hui. Nous en sommes très reconnaissants. Merci infiniment pour votre ouverture et votre transparence en ce qui concerne ATB et votre parcours incroyable.
Curtis Stange : Merci beaucoup, Dave. J’ai apprécié l’invitation.
David Bryan : Ne manquez pas nos prochains balados sur le point de vue des chefs de direction au Canada. Si vous avez aimé cet épisode, n’hésitez pas à vous abonner à la série sur les plateformes de baladodiffusion Spotify ou Apple et à nous laisser une note ou un commentaire sur Apple Podcasts. Ce balado a été réalisé par PricewaterhouseCoopers s.r.l./s.e.n.c.r.l., société à responsabilité limitée de l’Ontario, est conçu exclusivement à des fins d’information générale et ne constitue nullement un conseil professionnel. Merci d’avoir été des nôtres.
Dans ce premier épisode de la troisième saison de la série « CEO Viewpoints », Tracy Robinson s’entretient avec Sébastien Doyon, de PwC Canada, au sujet des moteurs de croissance de l’industrie ferroviaire et de la façon dont la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada exploite les nouvelles opportunités. Ils explorent la nécessité croissante pour les transporteurs ferroviaires de s’associer entre eux et avec d’autres modes de transport, comme les entreprises de camionnage, pour répondre aux besoins découlant de l’évolution des chaînes d’approvisionnement. Ils discutent également des principaux défis du secteur, comme les changements climatiques, ainsi que des qualités de leadership requises pour diriger une entreprise lors de périodes complexes et incertaines.
Sébastien Doyon : Bonjour, bienvenue à « CEO Viewpoints », un balado de PwC Canada, dans lequel nous décortiquons les thèmes clés et les conclusions canadiennes de notre Enquête mondiale annuelle auprès des chefs de direction. Je m’appelle Sébastien Doyon. Je suis associé chez PwC et j’animerai cet épisode. Cette année, l’Enquête auprès des chefs de direction s’est concentrée sur les mégatendances mondiales qui transforment les entreprises et la société. Tracy Robinson, présidente-directrice générale du CN, se joint à moi pour discuter de son point de vue sur l’économie et les enjeux qui touchent l’un des secteurs les plus importants des chaînes d’approvisionnement mondial. Tracy a pris les commandes du CN en 2022 et depuis, elle dirige l’entreprise dans une période de changements intenses. Nous discuterons de ce qu’elle entrevoit sur le plan économique, des opportunités d’expansion pour le transport ferroviaire et de la nécessité croissante, pour les différents intervenants de la chaîne d’approvisionnement, de travailler ensemble pour accroître la part de marché du secteur. Tracy, merci de vous joindre à moi aujourd’hui.
Tracy Robinson : C’est un plaisir !
Sébastien Doyon : Avant d’aborder les tendances du secteur ferroviaire, parlons un peu de ce qui se passe actuellement dans l’économie. PwC réalise chaque année une étude appelée Enquête auprès des chefs de direction, et les résultats récents montrent que 25 % des chefs de direction canadiens s’attendent à ce que la croissance s’améliore. Cependant, nombre d’entre eux sont plus pessimistes que leurs homologues à l’échelle mondiale ayant participé à notre étude. Le CN est très bien intégré à l’économie nord-américaine et grandement lié à l’économie mondiale. Alors, Tracy, vous avez certainement un point de vue sur l’économie et sur ce qui se passe.
Tracy Robinson : Nous avons effectivement un point de vue. Comme plusieurs autres répondants à votre enquête, nous sommes plus optimistes cette année, sans aucun doute. Comme vous le savez, les voies du CN s’étendent de la côte Ouest à la côte Est du Canada, puis traversent les États-Unis jusqu’au Golfe du Mexique. Nous desservons pratiquement tous les secteurs d’activité sur le continent. Nous vivons une situation mitigée dans laquelle les véritables faiblesses, de notre point de vue, se situent dans deux domaines. Le premier est celui des produits forestiers, en particulier le bois d’œuvre. Nous avons constaté une baisse de la demande, et je crois qu’elle est liée en grande partie à l’évolution des taux d’intérêt. Nous savons qu’il existe toujours une pénurie fondamentale de logements en Amérique du Nord. Cette demande existe donc et se manifestera.
Le deuxième domaine affichant une faiblesse particulière concerne les biens de consommation, surtout ceux qui arrivent sur le continent par conteneurs. L’an dernier, les détaillants avaient accumulé un excédent de stocks, qu’ils ont maintenant écoulé. La situation est maintenant revenue à la normale. Nous sommes donc optimistes, sans aucun doute. Nous surveillons encore les répercussions de ce qui se passe dans le monde, davantage d’un point de vue géopolitique. Car de plus en plus, ce genre de choses se répercute sur le commerce et la façon dont les marchandises et les produits circulent dans le monde. Ce qui se passe dans la mer Rouge, par exemple, a modifié la façon dont les navires et les conteneurs se déplacent dans le monde, ce qui demande des ajustements pour les chaînes d’approvisionnement et les infrastructures nord-américaines. Les problèmes au chapitre du volume d’eau dans le canal de Panama affectent aussi le transport maritime mondial. L’environnement est donc très dynamique. Il est positif, mais avec quelques mises en garde sur le plan géopolitique.
Sébastien Doyon : Regardons maintenant l’avenir du secteur ferroviaire. Avec un peu de recul, force est d’admettre que certaines tendances doivent jouer en votre faveur. Par exemple, la nécessité de réduire les émissions de carbone devrait vous aider sur le long terme. Pour tirer parti de ces tendances, il est inévitable que votre secteur améliore l’interconnectivité et la fluidité de vos réseaux afin de gérer le mouvement des marchandises tout au long de leur trajet, d’un bout à l’autre. Comment envisagez-vous ces tendances qui se dessinent?
Tracy Robinson : Je dois dire que j’aime notre position relative au dossier très important du climat et des émissions. En Amérique du Nord, le secteur du transport est responsable de 25 à 27 % des émissions, ce qui comprend notamment les compagnies aériennes, les camions, les trains, les bateaux et les voitures. Le transport ferroviaire représente environ 2 à 3 % de cela. Le transport par camion, lui, compte pour 25 %. À l’heure actuelle, nous transportons la plupart des marchandises qui transitent sur de longues distances. Le défi se situe au chapitre du transport sur de courtes distances, actuellement dominé par le camionnage. Dans l’ensemble, notre part de marché pour le transport de marchandises se situe autour de 25 %, alors que celle du camionnage atteint environ 45 %. Considérant les faibles émissions que nous produisons, il serait possible de réduire celles-ci d’environ 75 % en passant du camionnage au transport ferroviaire. L’opportunité, mais aussi la responsabilité, consiste donc à trouver la façon de réduire le nombre de camions sur les routes.
Pour ce faire, nous devons envisager nos activités de façon très différente. Nous devons concurrencer le camionnage. Les gens y ont recours pour une raison. Ils veulent de la rapidité et de la régularité. Nous devons donc arriver à créer des services qui répondent à ces critères. Si vous utilisez le système ferroviaire pour aller d’Edmonton vers le sud-est des États-Unis, vous devrez sans doute utiliser plusieurs chemins de fer différents. Nous devons adopter une approche qui ressemble davantage à celle du camionnage. À l’heure actuelle, nous nous réunissons en tant que chaîne d’approvisionnement complète, ce qui peut comprendre des ports, des terminaux, des entrepôts, de multiples chemins de fer ainsi que des camions. Nous devons arriver à concevoir un ensemble de services qui soit non seulement facile à utiliser, à aborder et à comprendre, mais aussi rapide et constant. On sait que c’est une chose sur laquelle toutes les entreprises ferroviaires d’Amérique du Nord se sont penchées. Et ce qui compte vraiment, c’est de s’y pencher ensemble, car c’est là que la magie opère. Nous avons d’excellents exemples à cet égard, et nous devons maintenant augmenter le volume de ce type de services. Si nous arrivons à le faire de façon efficace, les retombées seront très positives.
Sébastien Doyon : Il y a la notion de coopération, même avec certaines personnes qui sont en fait vos concurrents. Je sais que vous avez fait quelques annonces, comme l’entente Falcon Premium avec Union Pacific et Grupo Mexico. Qu’est-ce que cela nous apprend sur l’avenir du CN?
Tracy Robinson : Les entreprises ferroviaires ont une longue histoire de concurrence féroce, comme vous le dites, et nous savons nous y prendre. Mais lorsqu’on observe ce qui s’est passé pendant la pandémie de COVID, on constate que la chaîne d’approvisionnement a subi de nombreux chocs. Je crois que nous avons tous compris soudainement à quel point le fonctionnement efficace des chaînes d’approvisionnement est essentiel. Il importera de démontrer que nous pouvons travailler ensemble là où c’est nécessaire. Cela ne signifie pas que nous ne sommes pas en concurrence. Mais nous pouvons unir nos efforts et créer des chaînes d’approvisionnement qui sont performantes, fiables et résilientes aux chocs, et qui peuvent se développer parce que notre économie ne pourra pas croître autrement. La capacité de la chaîne d’approvisionnement doit augmenter au gré de l’évolution de l’économie. Elle doit s’adapter aux flux commerciaux, qu’ils soient internationaux ou nationaux. En y réfléchissant, il y a un bel exemple dans toutes les délocalisations à proximité du Mexique.
Pour déplacer ces flux, nous devons envisager les choses très différemment. Comme vous l’avez dit, le service Falcon Premium en est le premier exemple. Nous faisons maintenant circuler des trains depuis Monterrey jusqu’à Toronto, en passant sur le système ferroviaire de Grupo Mexico au Mexique, puis sur ceux d’UP et du CN aux États-Unis jusqu’au Canada. Nous y arrivons en cinq jours, ce qui est aussi bien, voire mieux qu’un transport par camion. Et nous le faisons systématiquement en cinq jours. C’est le genre de réalisation qui peut découler de la décision de s’unir. C’est ce que nous avons fait avec UP et Grupo Mexico, en agissant comme une entreprise unique. Nous nous sommes mis au défi. Nous nous sommes rencontrés cette semaine pour discuter de la question suivante : si nous étions vraiment une seule et même entreprise, comment envisagerions-nous la situation? C’est à ce moment que l’esprit de compétition s’estompe et laisse la place à l’esprit de collaboration. Et on peut faire des choses incroyables lorsqu’on se met dans cet état d’esprit. Il s’agit maintenant de prouver que c’est possible et que nous pouvons le faire de manière constante, et de le démontrer au point de commencer à attirer le trafic routier vers les trains. Ce système soutiendra ces corridors commerciaux de la même façon, mais de façon beaucoup plus économique et avec beaucoup moins d’émissions.
Sébastien Doyon : Falcon Premium est un bon exemple de collaboration et de coopération. Dans l’ensemble du secteur, jusqu’où pensez-vous que les entreprises sont prêtes à aller pour travailler ensemble?
Tracy Robinson : C’est un monde très complexe, mais je dirais qu’il est impératif que nous nous y mettions tous. Parce que sans cela, l’économie ne pourra pas croître. Il ne s’agit donc pas uniquement de relier les chemins de fer et de trouver de nouvelles façons de travailler ensemble. C’est un élément important de l’équation, mais il faut revoir l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement. Lorsqu’un conteneur quitte la Chine pour Chicago, par exemple, il arrive dans un terminal de port. Nous pouvons éliminer les barrières et partager les données entre les clients, entre les entreprises de navires océaniques, entre les ports et les terminaux, entre les entreprises ferroviaires, d’entreposage et de camionnage.
Si nous appliquions ce que nous faisons actuellement avec UP, et que nous imaginions que nous formons une seule et même entreprise, comment cela fonctionnerait-il? Comment les données et les informations circuleraient-elles? Comment pourrions-nous optimiser le tout? La performance serait meilleure. La résilience aux chocs serait améliorée parce que nous pourrions nous rétablir plus rapidement. Et il serait plus évident de savoir où investir pour accroître la capacité, là où se trouvent les goulots d’étranglement. Pour l’instant, nous optimisons nos propres opérations, par opposition au débit total de la chaîne d’approvisionnement. C’est un grand acte de foi. Mais si nous n’y parvenons pas, nous allons limiter la croissance de l’économie. Aucun d’entre nous ne veut cela. Nous sommes tous là pour aider l’économie à croître.
Sébastien Doyon : Tracy, j’aimerais m’attarder un peu plus sur le camionnage. Le fait de retirer les camions de la route pour transporter les marchandises sur des trains représente une menace pour les entreprises de camionnage. Mais vous devez tout de même collaborer. Et je sais que différentes entreprises ferroviaires ont abordé cette question de diverses façons récemment. Dans le cas du CN, il y a quelques années, vous avez acquis TransX dans le cadre de votre stratégie intermodale, et nous avons bien vu d’autres entreprises récemment annoncer des partenariats. Comment voyez-vous la collaboration réussie avec les transporteurs routiers dans ce type d’environnement concurrentiel?
Tracy Robinson : Il y a moyen d’être partenaire d’une entreprise de camionnage. Dans le cas de TransX, nous avons fait une acquisition et nous utilisons ses services comme une extension de notre système pour servir nos clients. Nos clients peuvent nous demander de livrer directement à leur porte plutôt que de conclure eux-mêmes un contrat pour la livraison sur le dernier kilomètre. Il y a d’autres modèles. Nous faisons les choses différemment aux États-Unis, où nous utilisons des IMC (Intermodal Marketing Company) et établissons des partenariats avec des entreprises de camionnage de différentes façons. La question est la suivante : comment les utiliser de la bonne manière et mettre les avantages du transport ferroviaire à profit en tant que partenaire, afin de s’assurer d’avoir la bonne offre de services au bon coût, le tout avec le bon profil d’émissions? Il n’y a pas qu’une seule solution. Nous pensons qu’il ne fait aucun doute que le transport ferroviaire est la solution à long terme, et que le camionnage sera la solution dans une certaine mesure pour le transport sur le dernier kilomètre en ce qui concerne les conteneurs. Il s’agit de la façon dont nous travaillons ensemble et de la voie à suivre pour continuer d’améliorer l’efficacité, et certaines des annonces que vous avez vues en sont des exemples.
Sébastien Doyon : Une grande partie de ce dont vous parlez m’amène à la question de la transformation d’entreprise, ainsi que de la libération et de l’affectation des ressources. Quelle est votre approche pour réfléchir à la manière de respecter ses engagements d’affaires actuels tout en bâtissant l’avenir? Avez-vous des exemples à nous donner?
Tracy Robinson : Dans votre enquête, vous avez parlé du grand pourcentage d’entreprises qui se concentrent sur la nécessité de se réinventer pour bâtir un modèle durable. Je pense qu’il n’y a personne qui ne soit pas dans cette situation. Il y a deux ans, nous avons mis en œuvre un modèle d’exploitation ferroviaire à horaires fixes, et nous l’avons fait parce qu’il s’agissait d’un impératif pour nous. Ce que nous devons faire avant toute chose, c’est de nous assurer de livrer à nos clients. Grâce à l’exploitation à horaires fixes, nous sommes plus rapides et beaucoup plus constants. Mais on se demande ensuite quelle sera la prochaine façon de faire les choses. Nous appuyons nos clients et gérons leurs activités de base, mais ils veulent pénétrer de nouveaux marchés ou doivent envisager des solutions de rechange ou des débouchés différents compte tenu de l’évolution actuelle des flux mondiaux.
De nos jours, il faut faire preuve d’une certaine souplesse dans la conception de nos activités. C’est pourquoi nous nous occupons de nos activités de base. Une bonne partie de notre organisation s’y consacre chaque jour. Mais nous comprenons très bien où nous avons la capacité d’encaisser des chocs ou de répondre aux opportunités qui se présentent. Nous devenons vraiment bons pour reconnaître ces éléments, pour nous asseoir avec nos clients afin de leur transmettre ces informations, pour traduire le tout par une nouvelle façon d’offrir nos services dans notre plan d’exploitation à horaires fixes. Ce nouveau modèle a fait ses preuves au cours d’une saison assez difficile, marquée par des feux de forêt dans le nord du pays et des vents violents dans le sud. Mais au cours de la dernière année, il s’est avéré très résistant. Il peut encaisser un choc et se rétablir très, très rapidement. Il peut subir un changement dans les flux de trafic et s’adapter très, très rapidement. Un modèle d’exploitation vraiment structuré et discipliné nous permet de regarder au loin et de réfléchir à ce dont nous aurons besoin ensuite.
Sébastien Doyon : Une grande partie de ce qui se passe dans le monde, y compris en matière de collaboration, se résume en fait à l’idée fondamentale de la confiance. De nombreuses entreprises sont confrontées à un déclin de la confiance à un moment où elles doivent établir des relations plus solides avec les communautés au sein desquelles elles exercent leurs activités. Vous avez vous-même été confrontée à ces enjeux au CN. À titre d’exemple, nous avons assisté récemment à la démission des membres du Conseil consultatif autochtone du CN. Comment gérez-vous de telles situations?
Tracy Robinson : Merci pour cette question. La notion de confiance est importante, entre autres pour moi, personnellement. Je crois que ce qui compte vraiment chaque jour, c’est notre façon de nous comporter et de faire ce que nous avions dit que nous ferions. Il faut être prévisible. Nous traversons des centaines de collectivités à travers le continent, dont des centaines de communautés autochtones. Nos employés vivent et travaillent dans ces communautés. Leurs enfants vont à l’école dans ces communautés. Alors si elles se développent, nous devons le faire avec elles. Chaque jour, notre priorité consiste à ne pas nuire. La sécurité est notre objectif premier. Une fois cette priorité atteinte, nous nous efforçons d’assurer la réussite de nos clients dans les secteurs d’activité de ces communautés. Ensuite, nous regardons autour de nous pour voir comment nous pourrions faire prospérer ces communautés. Chaque communauté, qu’elle soit autochtone ou non, a des besoins différents et des idées différentes sur la forme que cela pourrait prendre.
Nous nous engageons donc individuellement auprès de chaque collectivité. Que cela se traduise par des initiatives comme un aréna à Prince George, un centre de Jeunesse au Soleil ici à Montréal ou une participation à America in Bloom aux États-Unis, nous essayons de personnaliser notre contribution dans les communautés. En ce qui concerne les communautés autochtones, le Conseil consultatif autochtone du CN a effectué un travail remarquable pour nous faire prendre conscience du rôle que les chemins de fer ont joué dans la mise en œuvre de certaines politiques coloniales et des répercussions que ces politiques ont eues sur la santé économique et sociale des communautés au fil des générations. Il s’agit là d’un aspect important. Je suis donc très reconnaissante envers les membres du Conseil consultatif autochtone de nous avoir aidés à établir cette fondation. Il n’a pas toujours été facile de l’entendre et d’en prendre conscience. Nous avons publié une reconnaissance du rôle que les chemins de fer ont joué dans le passé, particulièrement au Canada, et des répercussions que cela a entraînées dans les communautés autochtones. Sur cette base, nous nous sommes engagés à élaborer un plan d’action pour la réconciliation, et nous ne voulons pas qu’il soit superficiel. Nous avons donc entrepris des consultations avec les communautés autochtones, en particulier à travers le Canada, pour savoir à quoi ce plan doit ressembler.
Il s’agit d’un long processus, et nous voulons qu’il nous permette de reconnaître le passé tout en envisageant une façon très différente de travailler ensemble dans l’avenir. Ce plan se concentrera sur les domaines dans lesquels nous pensons pouvoir faire avancer les choses. Il s’articulera autour du principe de la sensibilisation. Nous voulons avoir une incidence sur les gens et les possibilités d’emploi pour les communautés autochtones. À l’heure actuelle, près de 6 % de notre effectif est autochtone, et nous en sommes très fiers. Mais nous voulons que cette proportion augmente et que l’impact de ces employés soit encore plus important. Nous croyons fermement à la réconciliation économique, et nous travaillons très fort sur nos pratiques d’approvisionnement. Il y aura également un cadre environnemental. C’est donc par ces éléments que nous commençons. Ce sera un long processus. Nous devons procéder étape par étape, avec le plus grand sérieux. Je suis reconnaissante envers les membres du Conseil consultatif autochtone de nous avoir aidés à nous rendre jusqu’ici. C’est maintenant à nous de passer à l’étape suivante.
Sébastien Doyon : Sous votre leadership, de nombreux changements ont été adoptés au CN. Nous constatons souvent qu’il est essentiel d’avoir la capacité de mobiliser les gens et de les aider à adopter le changement. Comme plusieurs d’entre nous le savent, on ne devient pas un leader du jour au lendemain. Il faut beaucoup d’expérience et de kilométrage. Comment votre cheminement de carrière vous a-t-il aidée à vous préparer? Qu’avez-vous appris qui vous aide à mieux communiquer, à mieux vous engager et à avoir de meilleures relations avec vos employés au CN?
Tracy Robinson : C’est une très grande question. Comme vous le savez, j’ai fait carrière au CP, où je suis entrée dès ma sortie de l’université. J’y ai appris le métier de A à Z. J’y ai passé 27 ans et j’ai touché à de nombreux domaines, dont les ventes, le marketing, la gestion des actifs, les opérations et finances et le service à la clientèle. Chacun de ces domaines m’a apporté une perspective nouvelle. Je me souviens m’être dit à plusieurs reprises que si j’avais su cela, j’aurais fait les choses différemment dans mon précédent poste. Je crois donc qu’il est très important d’avoir une vue d’ensemble de ce qui fait avancer toute l’organisation. J’ai également été amenée à diriger des fonctions ou des services liés à des expertises techniques que je n’avais pas. Cela m’a forcée à prendre du recul et à réfléchir à ce qui est important pour cette fonction ou ce service, afin d’aider l’entreprise à progresser. J’ai donc été obligée d’adopter une vision plus large. Lorsque nous n’avons pas les connaissances techniques, nous devons compter sur nos employés pour bien diriger.
De nombreuses entreprises, dont les entreprises ferroviaires, reposent sur des connaissances techniques fonctionnelles approfondies, ce qui mène à un cloisonnement. Les dirigeants sont choisis en fonction de leurs connaissances techniques. Mais ce que j’ai appris en cours de route, c’est une façon de diriger l’entreprise de façon plus globale, ce qui signifie qu’il ne s’agit pas d’être un expert dans quoi que ce soit, mais de comprendre comment les pièces et les éléments s’assemblent. Ce faisant, nous pouvons être plus agiles parce que nous pouvons anticiper l’impact des choses qui se produisent, les chocs sur le système. Nous devenons alors plus résilients et plus agiles. Dans le cadre de mon travail avec les personnes dans ces postes, j’ai toujours été impressionnée par ce que les équipes étaient capables de faire une fois que je les avais aidées à comprendre ce qu’il fallait faire et pourquoi c’était important. Dès qu’ils comprennent cela, ils découvrent ce dont ils sont capables et vous le font découvrir. Il y a de la magie dans cet élan, et il devient contagieux. Une fois qu’on y parvient, on constate à quoi ressemble l’efficacité organisationnelle. Selon moi, c’est ça le leadership.
Je sais de quoi cette entreprise est capable, car je lui ai fait concurrence pendant 27 ans lorsque j’étais au CP. Nous devions nous poser les questions suivantes : Qu’essayons-nous de faire? Pourquoi sommes-nous ici? Comment allons-nous nous y prendre? Qui joue quel rôle? Nous n’optimisons pas l’ingénierie. Nous ne sommes pas une société d’ingénierie ni un cabinet comptable. Nous sommes une entreprise ferroviaire, ce qui signifie que nous devons décider du rôle que nous jouerons dans l’ensemble du secteur, et nous avons besoin de leaders qui nous guideront dans ce processus. Ainsi, lorsque des responsables de service viennent dans mon bureau, il m’arrive de leur demander de laisser leur fonction à la porte et de se comporter comme un chef d’entreprise au sens plus large. Ils reprennent ensuite leur fonction lorsqu’ils repartent. Nous devons enseigner cette perspective et ce leadership plus larges en nous appuyant sur cette façon de penser. Je suis très fière de cette équipe pour la façon dont elle s’est approprié cela. Nous en observons certaines retombées, je crois, à mesure que nous progressons.
Sébastien Doyon : Alors, maintenant que vous avez créé l’élan, comment préparez-vous la relève?
Tracy Robinson : Notre activité est très complexe et comporte de nombreux éléments mobiles. Il s’agit d’un sport de plein air qui se déroule 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Tous nos clients, quel que soit leur secteur d’activité, comptent sur nous pour faire ce qu’il faut chaque jour. L’expérience technique est donc là pour une raison. Mais à mesure que nous renforçons notre leadership, nous cherchons à offrir une expérience plus large aux leaders qui montent dans l’organisation. Ainsi, si vous aspirez à diriger une portion plus vaste de notre activité, vous allez acquérir de l’expérience maintenant qui vous exposera à des choses qui vont au-delà de la fonction que vous occupez. Je pense qu’il s’agit d’un élément important du développement. Vous pourrez trouver cela difficile si, par le passé, vous vous êtes appuyés sur vos compétences techniques, mais vous apprendrez à déterminer où vous vous situez, comme je l’ai fait, ce que votre organisation doit faire et comment gérer le tout et y répondre par l’intermédiaire des employés.
Nous allons offrir de plus en plus d’expériences de ce type à cette partie de nos talents à mesure qu’ils progresseront dans l’entreprise. À l’heure actuelle, nous nous concentrons sur nos dirigeants de première ligne. Les gens ont besoin d’aide pour devenir des leaders, et nous devons apporter cet appui à nos employés. C’est pourquoi nous nous penchons également sur cette question. Je veux que la relève soit assurée par ce type d’activité de développement. Nous invitons également plus de personnes de l’extérieur de l’organisation, car ce regard neuf issu de perspectives et d’horizons différents nous aide vraiment. Nous devons être une entreprise qui s’intéresse à cela et qui l’accueille favorablement.
Sébastien Doyon : J’aimerais parler de la transition énergétique et des changements climatiques. Je sais qu’au CN, vous envisagez diverses solutions pour réduire les émissions. J’aimerais comprendre le rôle des partenariats dans votre approche.
Tracy Robinson : Nous avons parlé brièvement de l’importance des chemins de fer dans l’économie, car ils permettent de transporter des marchandises à un taux d’émissions moins élevé. En ce qui concerne nos propres émissions, elles proviennent à 85 % de nos locomotives. Nous travaillons sur les émissions provenant d’autres sources, mais l’accent est mis sur les locomotives. Nous avons pris des engagements à l’externe concernant la réduction de l’intensité de nos émissions. Et nous les suivons bien. Pour ce faire, nous avons mis en place deux mesures dès le départ. D’abord, nous utilisons les données et les renseignements que nous fournit la technologie sur les locomotives. Il s’agit donc de la façon dont nous gérons les locomotives. Ensuite, nous avons introduit des biocarburants ou des carburants renouvelables dans notre diesel, et nous travaillons à les augmenter. Nous sommes le chemin de fer le plus économe en carburant de l’Amérique du Nord, à hauteur d’environ 15 % en moyenne.
En fin de compte, il est question de propulsion, et l’industrie y travaille. Mais à l’heure actuelle, nous testons tous différentes solutions. En Pennsylvanie, nous travaillons avec Wabtec sur une locomotive entièrement électrique. En Colombie-Britannique, nous avons annoncé la semaine dernière, avec l’aide du gouvernement de la province, une collaboration avec Progress Rail pour la mise au point d’une locomotive hybride diesel-électrique. D’autres entreprises ferroviaires travaillent également sur d’autres options. En fait, le secteur ferroviaire ne produit pas de locomotives. Nous collaborons donc avec les fabricants d’équipement d’origine.
Sébastien Doyon : Dans le cadre de ces expériences, observez-vous des défis particuliers liés à l’adaptation de votre flotte?
Tracy Robinson : Il y en a deux. Le premier découle de la locomotive elle-même. En effet, la voie la plus efficace serait de pouvoir utiliser le même châssis pour modifier la locomotive et l’adapter au prochain mode de propulsion. L’autre défi, c’est de savoir quel sera ce carburant et comment nous pourrons le transporter jusqu’à la locomotive. Le système de distribution du diesel et le mode d’alimentation des locomotives sont très bien établis dans l’ensemble du secteur. Quel que soit le prochain carburant, nous devrons également réfléchir à la manière dont nous l’acheminerons jusqu’à la locomotive. Nous travaillons donc sur ces deux questions de façon simultanée.
Sébastien Doyon : Passons maintenant aux phénomènes météorologiques extrêmes. Nous en avons vu certains se produire sur votre réseau. Je sais que vous analysez les effets à long terme des changements climatiques et d’autres événements extrêmes. Compte tenu de votre expérience, que conseilleriez-vous aux dirigeants d’entreprises qui en sont à des stades moins avancés que vous? Comment doivent-ils aborder les risques physiques?
Tracy Robinson : Tout d’abord, ils doivent reconnaître que ces risques sont réels et qu’ils semblent augmenter. Nous accordons beaucoup d’attention aux données et aux renseignements disponibles, et je conseillerais aux autres de faire de même. De nombreuses innovations se profilent à l’horizon, notamment pour ce qui touche les infrastructures physiques et la façon de prévoir où les urgences climatiques se produiront. Il existe des innovations très intéressantes sur la manière de prévoir où se produiront les incendies, les inondations et d’autres phénomènes. Il existe des choses que l’on peut faire pour renforcer ses infrastructures à l’avance. De notre côté, nous misons sur de nouveaux types de matériaux plus résistants au feu et nous examinons l’emplacement des ponceaux pour la question de l’eau. Nous avons aussi mis en place de nouveaux systèmes de gicleurs sur certains de nos ponts et infrastructures.
Il y a donc des choses que l’on peut faire pour réduire la probabilité d’un impact, une fois que l’on a compris où ces événements sont les plus susceptibles de se produire. Et s’ils surviennent, il est bien sûr de notre devoir de nous assurer d’en atténuer les répercussions, et de les limiter le plus possible. Pour y arriver, nous travaillons très fort sur nos propres infrastructures, avec nos clients et les communautés. Pour renforcer la résilience de nos entreprises, il serait très judicieux que nous tirions tous profit des innovations qui s’en viennent et de la prévisibilité que nous offrent les données sur les événements pouvant survenir.
Sébastien Doyon : C’est un conseil très judicieux. Merci beaucoup de nous avoir fait part de vos réflexions.
Tracy Robinson : Merci à vous, et merci pour l’enquête. C’était une lecture passionnante.
Sébastien Doyon : Voilà qui conclut ce premier épisode de la troisième saison de la série « CEO Viewpoints ». Restez à l’affût pour découvrir d’autres points de vue de chefs de direction canadiens. Si vous avez apprécié cet épisode, abonnez-vous à notre série de balados sur les plateformes de Spotify et Apple. N’hésitez pas à nous laisser une évaluation ou un commentaire sur Apple Podcasts. Ce balado a été préparé par PricewaterhouseCoopers s.rl./s.e.n.c.r.l., une société à responsabilité limitée de l’Ontario, uniquement à titre d’orientation générale sur des sujets d’intérêt, et ne constitue pas un conseil professionnel. Merci de nous avoir écoutés.
La série « CEO Viewpoints » fait partie de notre Balado « Shift », et se concentre particulièrement sur les questions soulevées dans notre Enquête mondiale auprès des chefs de direction. Dans chaque épisode, nous explorons la façon dont les chefs de direction composent avec la nécessité croissante de réinvention révélée dans notre enquête. Nous discutons également de ce qu’ils font pour rester à l’avant-garde des grandes tendances clés, comme les changements climatiques et d’autres facteurs de perturbation importants. Écoutez leurs points de vue sur les enjeux qui transforment la société et découvrez leur façon de diriger leur entreprise au cœur des grandes forces de changement qui alimentent la réinvention des entreprises à l’échelle mondiale.
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