Comment les banques canadiennes peuvent affûter leurs outils de financement durable

Jonathan Laski
Directeur principal, Finance durable, PwC Canada

Alors qu’elles cherchent des moyens de respecter leurs engagements en matière de changements climatiques, les banques canadiennes envisagent d’augmenter substantiellement le financement durable qu’elles octroient pour des activités qui s’inscrivent dans la transition vers une économie à zéro émission nette de gaz à effet de serre. Elles accordent certes des prêts aux entreprises et aux technologies nécessaires pour un avenir carboneutre, mais il devient clair que le parcours vers la réalisation d’objectifs ambitieux en matière de changements climatiques est parsemé de défis à la fois nombreux et complexes.

Dans le présent article, nous explorons comment les banques canadiennes peuvent déjouer les complexités et transformer leurs initiatives de financement durable en mesures concrètes pour renforcer la confiance et se positionner de manière à exploiter les opportunités de croissance et à atténuer les risques liés à la transition vers la carboneutralité.


Le financement durable et le chemin sinueux vers la carboneutralité

Le financement durable est un outil clé dont les banques canadiennes peuvent se servir pour progresser vers leurs propres cibles net zéro et contribuer à l’atteinte des objectifs nationaux et internationaux en matière de changements climatiques. Pour atteindre leurs cibles, elles doivent augmenter considérablement les prêts octroyés aux entreprises et aux innovations nécessaires à la carboneutralité, mais leur action ne doit pas s’arrêter là. Les banques doivent également s’attaquer à deux autres domaines importants : premièrement, elles doivent examiner comment leurs programmes de financement durable se comparent au financement accordé aux entreprises et aux activités qui ne peuvent pas s’aligner sur un avenir net zéro; deuxièmement, elles doivent s’impliquer auprès des entreprises à forte intensité d’émissions qui, moyennant le leadership, les incitatifs, le financement et autres soutiens appropriés, peuvent atteindre la décarbonisation.

De plus en plus de pressions s’exercent sur les banques canadiennes pour qu’elles relèvent ces trois défis à la fois – et c’est là que les critiques crient à l’écoblanchiment. Certaines parties prenantes, par exemple, sont d’avis que les banques déploient trop d’efforts pour financer les activités les plus vertes, comme les énergies renouvelables et les bâtiments écologiques, au détriment de la transparence en ce qui concerne les prêts toujours consentis à des entreprises incapables de respecter des objectifs de net zéro ou qui tardent à entreprendre leur décarbonisation. D’où une perte de confiance à l’égard de l’information présentée par les banques sur la durabilité dans un contexte où cet aspect fait l’objet d’une surveillance accrue.

Les banques ne sauraient pas atteindre des cibles net zéro en matière de financement si elles se contentent d’accroître les prêts et les investissements consentis aux entreprises et aux projets les plus durables. Il faut qu’elles repensent entièrement leur façon de faire des affaires dans le cadre de la transformation axée sur la durabilité nécessaire pour limiter la hausse des températures mondiales.

Pour que compte l’action de votre banque en matière de financement durable

Que peuvent faire les banques canadiennes devant la complexité de la situation et l’évolution incessante des obligations d’information? Nous avons relevé trois moyens qui pourraient aider les banques canadiennes à tirer le meilleur parti possible du financement durable et à améliorer les informations qu’elles publient :

Le personnel des banques canadiennes comprend des professionnels du développement durable. Cependant, ceux-ci ne peuvent pas assister à toutes les rencontres avec des clients pour vérifier que les responsables de l’octroi de prêts intègrent la décarbonisation aux modalités. Or, les gestionnaires de comptes qui sont en contact direct avec les clients ne possèdent pas tous la même compréhension des questions de durabilité et des divers leviers à leur portée, comme la possibilité d’offrir de meilleures modalités aux emprunteurs qui prennent des mesures concrètes pour limiter les émissions de leur entreprise. Il se peut aussi qu’ils craignent de faire fuir les clients vers une autre banque ou un prêteur privé s’ils insistent trop pour intégrer des informations et des modalités liées à la durabilité dans les conventions de prêt.

Pour corriger le tir, les banques pourraient modifier la formation de leurs employés de première ligne et les régimes d’incitatifs qu’elles leur offrent. Elles pourraient commencer par encourager leurs employés à discuter du financement durable avec leurs clients, faire un suivi des indicateurs et, éventuellement, leur accorder des incitatifs liés au rendement afin qu’ils donnent la priorité aux questions de durabilité dans leurs entretiens avec les emprunteurs. C’est un domaine où la technologie peut également intervenir. Dans un avenir proche, une banque pourrait configurer son système de gestion des relations clients de façon qu’il rappelle aux employés de première ligne de soulever les facteurs liés au climat dès le premier rendez-vous avec le client et les invite de nouveau à le faire si le processus progresse vers la conclusion d’une convention de prêt.

Les grandes banques canadiennes ont fait d’importants progrès en matière d’évaluation de leurs émissions de portées  1 (directes) et  2 (achats d’énergie), mais il s’est avéré beaucoup plus difficile d’améliorer la précision des informations sur les émissions de portée  3 – en particulier celles qu’elles financent indirectement. Selon notre récente analyse des pratiques d’information environnementale, sociale et de gouvernance (ESG) au Canada, 45 % des institutions financières canadiennes sondées publient leurs émissions de portée 1 et 2 et certaines émissions de portée  3, tandis que 39 % obtiennent une assurance à l’égard de leurs données sur les émissions.

Il est pourtant essentiel de disposer de données précises, car c’est la base sur laquelle reposent les objectifs de réduction et le suivi des progrès dans les secteurs d’activité et les entreprises qui génèrent des émissions substantielles. Les banques canadiennes ont fait de grandes avancées dans l’évaluation des émissions de certains des secteurs qu’elles financent, mais elles pourraient aller plus loin : la fiabilité de leur performance en matière de durabilité augmenterait aux yeux des parties prenantes si elles obtenaient une assurance à l’égard de leurs données sur les émissions. Les banques pourraient également se pencher sur des solutions technologiques capables de produire des mesures plus précises sur les émissions des entreprises et des secteurs qu’elles financent.

Il n’y a pas que la qualité des données que les banques pourraient améliorer : elles pourraient aussi accroître la transparence de leur performance en matière de financement durable. Les parties prenantes souhaitent connaître le dossier complet des banques, y compris les émissions qu’elles financent, et ne se contentent plus d’obtenir des informations uniquement sur les activités et les entreprises les plus vertes que les banques soutiennent.

Ailleurs dans le monde, on utilise de plus en plus un « ratio d’actifs verts ». Ce ratio compare le financement accordé par une banque à des activités et à des entreprises durables au montant des prêts et des investissements consentis à des entreprises à forte intensité d’émissions. Ce ratio s’est rapproché de 1:1 ces dernières années, mais, selon certaines études, la réalisation des objectifs de l’Accord de Paris nécessiterait un ratio de 4:1 d’ici 2030.1

Les résultats des projets pilotes liés au ratio d’actifs verts devraient bientôt être connus. Il s’agit d’un sujet à suivre pour les banques et les organismes de réglementation du Canada qui cherchent des moyens d’accroître la transparence de leurs programmes de financement durable et la confiance qu’ils inspirent.

Accélérer la transformation axée sur la stratégie et la durabilité de votre banque

Des règlements tels que la Ligne directrice B-15 du Bureau du surintendant des institutions financières sur la gestion des risques climatiques devraient inciter les institutions financières canadiennes à prendre d’importantes mesures en matière de changements climatiques. Toutefois, il ne suffira pas pour une banque de respecter la réglementation pour atteindre ses engagements à l’égard du net zéro. Pour devenir une institution financière net zéro d’ici 2050, les banques devront vite passer des premières versions du plan de transition imposé par la Ligne directrice B-15 à une approche plus globale, secteur par secteur, pour réduire radicalement les émissions financées. En définitive, elles devront élaborer un plan de transformation plus vaste et y décrire la refonte des façons de faire de toutes leurs fonctions – et cesser de mesurer leur réussite uniquement par le cours de leur action.

Certaines études, comme notre dernière Enquête auprès des chefs de direction, ont révélé que les dirigeants d’entreprise ont déjà compris que le changement climatique est l’une des grandes tendances mondiales à l’origine de la réinvention des entreprises d’aujourd’hui. La réponse des banques canadiennes doit donc être globale; elle doit commencer par un message clair de la part de leurs hauts dirigeants concernant la vision et la stratégie de transformation axée sur le climat et le fait que leurs employés sont tenus d’en faire une priorité.

L’ampleur des changements nécessaires suppose également un engagement profond de la part d’au moins les six groupes et responsables suivants au sein de chaque banque :

  • les responsables du développement durable, dont le rôle consiste notamment à coordonner la stratégie de financement durable à l’échelle de l’entreprise;

  • les directeurs financiers, qui jouent un rôle clé dans la publication de données de qualité sur le développement durable;

  • le bureau des affaires juridiques, dont le rôle comprend l’évaluation des risques juridiques liés au financement durable;

  • la fonction de gestion des risques, qui peut contribuer à mettre à jour la tolérance au risque de la banque de façon à y intégrer des critères climatiques; 

  • les responsables de la technologie, qui peuvent veiller à l’adoption de nouvelles données et technologies et à l’amélioration des capacités analytiques;

  • les ressources humaines, qui peuvent soutenir le perfectionnement des compétences, la gestion du changement et l’harmonisation des incitatifs aux objectifs de financement durable.

Préparer votre banque pour l’avenir

Pour une banque, la transformation de la façon de mener des affaires passe avant tout par une stratégie ciblée orientée sur la durabilité. Nous croyons que le financement durable est un important outil pour les banques canadiennes qui veulent accélérer leur transformation et aider leurs équipes à comprendre la complexité des obligations d’information liées aux changements climatiques. Le moment est venu d’affiner la vision du financement durable et de préparer votre banque pour l’avenir.

Renforcer la confiance grâce à une stratégie et à un plan de transformation intégrés

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1 « Financing the transition: Energy supply investment and bank-facilitated financing ratios 2022 », BloombergNEF, 14 décembre 2023.

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