Lumière sur des stratégies pour les exploitants de réseaux

Répondre à la demande croissante en électricité au Canada

Spotlight on strategies for grid operators
  • 06 mars 2024

Alors que le Canada se fixe des objectifs pour réaliser la transition énergétique et atteindre une économie carboneutre d’ici 2050, la demande en électricité continuera de croître. D’ici 2050, l’électricité devrait représenter 40 % à 45 % du bouquet énergétique canadien (contre 18 % aujourd’hui) et deviendra la principale source d’énergie pour utilisation finale1.

Quels seront les principaux moteurs de cette croissance? Nous prévoyons que la tendance à l’électrification se poursuivra. D’ici 2035, tous les véhicules légers neufs vendus au Canada devraient être zéro émission2, tandis que les thermopompes électriques sont appelées à devenir le principal système de chauffage d’ici 2050, alors qu’elles représenteront 50 % du chauffage résidentiel3. Dans le secteur industriel, nous prévoyons une utilisation accrue de technologies comme les fours électriques à arc et les séchoirs à infrarouge, ainsi que de l’hydrogène à faible teneur en carbone (dont la demande devrait passer de 0,5 MT aujourd’hui à 8,5 MT en 2050) et de petits réacteurs nucléaires.

Au cours des deux prochaines décennies, nous verrons également apparaître une nouvelle demande de la part des secteurs industriels émergents, dont les fabricants de batteries, les installations de captage et de stockage du carbone, les centres de données et d’informatique quantique, l’agriculture verticale et la biotechnologie.

Les changements démographiques et l’évolution de la dynamique économique seront également des facteurs importants. Ainsi, même si la croissance économique au cours des prochaines années s’avère plus lente que la moyenne historique, la consommation d’énergie continuera d’augmenter en raison de l’accroissement et du vieillissement de la population, ainsi que de la croissance économique mondiale. Au Canada, la population devrait atteindre entre 43 et 52 millions de personnes d’ici 2050, contre 40 millions de personnes en 20234.

Répondre à la demande croissante en électricité au Canada représente un défi complexe et multidimensionnel. Cela dit, passer d’une production estimée de 600 TWh en 2023 à une prévision de 1 300 TWh en 2050 constitue également une excellente occasion de façonner une économie plus prospère et plus efficace.

Alors que l’économie canadienne se décarbone et dépend davantage de l’électricité, le besoin de réseaux électriques efficaces n’a jamais été aussi grand.

Les exploitants de réseaux électriques peuvent donc jouer un rôle de premier plan dans la réalisation de cette transformation. Pour ce faire, ils doivent comprendre les principales possibilités d’amélioration et élaborer des stratégies d’électrification en conséquence, soutenir la réduction de l’intensité énergétique et mettre en œuvre des solutions innovantes.

Les principaux défis des exploitants de réseaux électriques du Canada

Transformer la planification du réseau électrique

La planification du réseau électrique est une priorité et doit être effectuée correctement pour assurer le développement à long terme du réseau et optimiser l’affectation des dépenses en immobilisations. À l’heure actuelle, pour préparer un plan d’investissement dans le réseau électrique, les entreprises d’électricité effectuent des études (aussi appelées plans de ressources intégrées) à des fréquences variant entre un et cinq ans. Celles-ci prévoient la demande et déterminent le type et l’emplacement des ressources énergétiques requises, habituellement sur un horizon d’une dizaine d’années.

Cependant, la transition vers l’électricité propre au Canada nécessitera un changement dans la planification du réseau, car les anciennes façons de faire reposent sur des processus traditionnels qui peuvent difficilement prendre en compte l’incertitude et la rapidité de l’évolution de la demande. Cette nouvelle approche doit tenir compte des éléments suivants : l’augmentation de la production d’électricité renouvelable et intermittente, le rôle accru des ressources distribuées, la nécessité d’une approche de planification énergétique à l’échelle du système et le besoin de rassembler les cibles provenant de différents domaines liés au secteur de l’électricité.

Naviguer entre les besoins à court terme et les besoins futurs

Pour atteindre les objectifs de carboneutralité d’ici 2050, les entreprises d’électricité doivent adopter une « réflexion rétrospective » afin de construire le réseau en fonction des besoins futurs et d’éviter le piège d’un système sous-optimal. Les besoins à court terme (environ cinq ans) sont habituellement bien connus. Cependant, le fait de se concentrer fortement sur la planification à court terme peut amener à donner trop d’importance aux activités actuelles et à l’évolution progressive et empêcher la transformation nécessaire.

Les besoins à moyen et à long terme (5 à 20 ans) sont plus volatiles et liés à la réglementation future, à la politique et au contexte économique. La planification à long terme est plus facile à dissocier complètement des activités actuelles, car elle peut être ancrée dans un avenir très différent de la situation d’aujourd’hui.

Répondre à la demande de pointe

La fonction principale d’un exploitant de réseau électrique consiste à équilibrer le réseau et à s’assurer qu’à chaque milliseconde, l’alimentation électrique est égale à la demande.

Cependant, dans les scénarios de carboneutralité, la demande en électricité augmentera non seulement de façon générale, mais également dans les périodes de pointe dans toutes les régions du Canada.

Cette hausse de la demande de pointe découle de l’utilisation accrue d’appareils nécessitant plus d’électricité pendant une certaine période. Par exemple, les véhicules électriques consomment généralement des quantités assez importantes d’électricité sur une courte période lorsque leurs propriétaires les branchent. De plus, en raison de l’utilisation accrue des thermopompes, la demande globale d’électricité sera plus sensible aux conditions météorologiques qu’elle ne l’est aujourd’hui.

Les entreprises d’électricité canadiennes doivent trouver de nouvelles façons de gérer la demande de pointe et les contraintes du réseau. Les exploitants de réseaux électriques disposent de trois méthodes principales pour y parvenir, soit la flexibilité implicite (les tarifs), la flexibilité du réseau (les réseaux intelligents) et les services de flexibilité (soit ceux liés à la production et à la demande).

Par le passé, les services de flexibilité étaient principalement fournis par les producteurs d’électricité. Mais avec l’élimination progressive de certains fournisseurs traditionnels de flexibilité, comme les centrales électriques au gaz, il faudra remplacer ces ressources. Les exploitants de réseaux électriques devront aussi dégager encore plus de flexibilité dans le système en raison de l’augmentation de l’approvisionnement intermittent à capacité limité (comme l’éolien et le solaire) et de la hausse de la congestion dans le réseau.

Des stratégies gagnantes pour les exploitants de réseaux électriques canadiens

Par le passé, le secteur des services publics s’est concentré sur le renforcement de la capacité afin de répondre à la demande croissante. Cependant, en raison de l’ampleur et du rythme de la transition énergétique, ainsi que des progrès technologiques qui y sont liés, une approche plus équilibrée et plus durable sera requise.

Les exploitants de réseaux électriques doivent d’abord soutenir la réduction de la consommation d’énergie et optimiser la gestion du réseau. Puis, le cas échéant et de façon stratégique, ils devront ajouter de nouvelles capacités de transport et de distribution.

Soutenir les mesures visant à réduire la demande d’énergie

Lorsqu’il est question de solutions pour atteindre la carboneutralité, la réduction de l’intensité énergétique devrait être la priorité absolue. Toutes les entreprises peuvent prendre des mesures à cet égard dès maintenant, d’autant que celles-ci sont déjà rentables. Les dernières recherches de PwC, menées en collaboration avec l’International Business Council du Forum économique mondial, démontrent l’extraordinaire potentiel des mesures qui touchent la demande. Celles-ci offrent une réduction de 31 % de la demande à court terme, répartie entre tous les secteurs économiques.

Les entreprises canadiennes d’électricité ont un rôle essentiel à jouer en soutenant les efforts de réduction de l’intensité énergétique grâce à des économies d’énergie et à l’efficacité énergique, ainsi que des initiatives de collaboration dans la chaîne de valeur. En parallèle, elles devront éduquer leurs clients et leur fournir des outils plus perfectionnés pour les aider à gérer leur consommation d’énergie.

Tirer parti de la flexibilité de la demande

Dans la foulée de la décarbonation du système énergétique et de l’élimination progressive des sources traditionnelles de flexibilité, d’autres options seront nécessaires, dont la flexibilité de la demande. La flexibilité de la demande fait référence à la capacité des clients à modifier leurs habitudes de consommation et de production en fonction de signaux externes. L’objectif consiste à générer des opportunités économiques à partir des ressources énergétiques distribuées (RÉD)5 et à maximiser la valeur du système grâce à l’agrégation et aux centrales électriques virtuelles.

L’Agence internationale de l’énergie estime que les systèmes de stockage par batterie et la réponse à la demande pourraient représenter 55 % des besoins mondiaux en matière de flexibilité d’ici 20506. Dans ses scénarios de décarbonation, la Société indépendante d’exploitation du réseau d’électricité (SIERE) prévoit que la capacité de stockage et de réponse à la demande passera de 3 % à 10 % de la capacité totale de l’Ontario d’ici 20507.

Les services de flexibilité liés à la demande sont efficaces pour équilibrer le réseau, et permettent également de reporter les investissements en immobilisations. Cela dit, l’intégration complète de ces services dans le système énergétique exigera une structure de marché, une réglementation et des incitatifs appropriés. Les avantages des RÉD pour le système ne peuvent se concrétiser que si les marchés sont adéquatement conçus et si les participants du marché reçoivent une contrepartie équitable. Les entreprises d’électricité doivent aussi développer des capacités pour surveiller et contrôler les mesures de flexibilité de leurs clients, ainsi que pour encourager des comportements positifs. L’utilisation de la technologie sera utile à cet égard.

Renforcer les modèles de planification

L’électrification des utilisations finales (soit le moment et les endroits où les efforts d’électrification dans l’ensemble des secteurs seront déployés) et les niveaux croissants de RÉD engendreront de nouvelles incertitudes. En effet, ces technologies introduiront un modèle d’offre et de demande plus complexe dans le réseau. En Ontario, on s’attend à ce que la participation des RÉD dans le réseau énergétique soit sept fois plus importante d’ici 2032, au gré de l’allègement des barrières commerciales8.

La planification du réseau à l’échelle de la distribution et à l’échelle locale doit tenir compte de cette nouvelle complexité, en plus de valeurs supplémentaires (comme la résilience et l’atténuation des pannes) et des possibilités d’optimisation du système local (comme les reports d’investissement dans le réseau et les emplacements de stockage optimaux). Des simulations plus complexes seront nécessaires pour fusionner les sources de données et les scénarios, et déterminer leur incidence sur le comportement du réseau. Celles-ci utiliseront, par exemple, les prévisions de scénarios d’électrification, les facteurs de pénétration et d’adoption des RÉD, les calculs des profils de charge et l’incidence sur la capacité locale.

Même si les entreprises d’électricité continuent de planifier une expansion comme point de départ, elles devront assouplir leurs modèles pour tenir compte des résultats incertains. Les modèles de planification locaux et probabilistes doivent être renforcés pour mieux refléter des facteurs comme le déploiement des véhicules électriques et l’adoption des RÉD par les clients.

Comprendre les contraintes liées à l’électricité et développer une symbiose industrielle

L’accès facile et illimité à l’électricité pour tous doit prendre fin, du moins à court et à moyen terme. Faute de ressources abondantes, le secteur doit tirer sa motivation des contraintes plutôt que de la demande des clients.

L’électricité n’est plus qu’une simple commodité. Il s’agit d’un actif stratégique qui peut façonner la croissance économique.

La question qui se pose alors est la suivante : qui devrait tirer profit de l’électricité à faibles émissions de carbone? Il s’agit d’un enjeu complexe qui implique la prise en compte de nombreux critères, comme l’économie (p. ex., l’impact sur le PIB local, régional et national), la politique, la création d’emplois, la décarbonation, ainsi que l’abordabilité et la qualité des services. Pour définir la stratégie appropriée, il faudra une relation plus étroite entre les entreprises d’électricité, les gouvernements, les organismes de réglementation et les clients. Il en va de la capacité à garantir la cohérence et la prévisibilité à long terme.

La demande d’électricité doit être considérée seulement comme l’un des éléments des besoins énergétiques locaux. Les nouveaux centres industriels et quartiers résidentiels doivent être construits de manière à réduire la consommation d’électricité. La géothermie, le chauffage urbain, la symbiose industrielle (soit le partage d’extrants et d’intrants au sein d’activités industrielles complémentaires) et d’autres leviers aideront les entreprises d’électricité à assurer la croissance économique en limitant la demande d’électricité.

Pour ce faire, les entreprises d’électricité doivent repenser leur modèle d’affaires et établir des partenariats clés avec l’écosystème d’affaires et les communautés locales. Ce processus nécessitera également la reconfiguration de la base d’actifs pour inclure les systèmes électriques autonomes (microréseaux) afin de gérer l’état du système tout en réduisant considérablement les dépenses en immobilisations pour les régions éloignées.


Le rôle essentiel des exploitants de réseaux électriques

Nous ne pouvons pas continuer à construire le réseau comme nous l’avons fait par le passé. Les exploitants de réseaux électriques doivent jouer un rôle de premier plan dans la transition énergétique et la réduction de l’intensité énergétique. Pour y arriver, il importe de comprendre les principales possibilités d’amélioration, puis d’élaborer et de mettre en place les stratégies adéquates pour répondre à l’évolution de la demande des clients et gérer les contraintes liées à l’électricité.

Vous souhaitez en savoir plus sur ce que votre entreprise devra faire pour assurer la transition dès maintenant et au cours des quelques années à venir? Contactez notre équipe pour lancer une discussion sur votre programme de transition énergétique.

 

¹ Avenir énergétique du Canada en 2023 – Offre et demande énergétiques à l’horizon 2025, Régie de l’énergie du Canada, site Web modifié pour la dernière fois le 24 novembre 2023, https://www.cer-rec.gc.ca/fr/donnees-analyse/avenir-energetique-canada/2023/

² Objectifs des ventes des véhicules Zéro émission au Canada, Transports Canada, gouvernement du Canada, site Web modifié pour la dernière fois le 19 décembre 2023, https://tc.canada.ca/fr/transport-routier/technologies-novatrices/vehicules-zero-emission/objectifs-ventes-vehicules-zero-emission-canada

³ Aperçu du marché : Les thermopompes pourraient réduire considérablement les émissions de GES des bâtiments au Canada, Régie de l’énergie du Canada, site Web modifié pour la dernière fois le 20 décembre 2023, https://www.cer-rec.gc.ca/fr/donnees-analyse/marches-energetiques/apercu-marches/2023/apercu-marche-les-thermopompes-pourraient-reduire-considerablement-emissions-ges-batiments-canada.html

⁴ Projections démographiques pour le Canada (2021 à 2068), les provinces et les territoires (2021 à 2043), Statistique Canada, site Web modifié pour la dernière fois le 27 avril 2023, https://www150.statcan.gc.ca/n1/pub/91-520-x/91-520-x2022001-fra.htm

⁵ Les RÉD sont des technologies directement connectées au réseau de distribution ou indirectement connectées par le biais du compteur d’un client, et qui peuvent varier de quelques kilowatts à plus de 20 MW. Il existe trois types de RÉD, soit celles liées à la production décentralisée, au stockage d’énergie et à la flexibilité de la charge ou de réponse à la demande.

⁶ A Roadmap for the Global Energy Sector, Agence internationale de l’énergie, site Web modifié pour la dernière fois en octobre 2021, https://iea.blob.core.windows.net/assets/deebef5d-0c34-4539-9d0c-10b13d840027/NetZeroby2050-ARoadmapfortheGlobalEnergySector_CORR.pdf

⁷ Pathways to Decarbonization, Société indépendante d’exploitation du réseau d’électricité, 15 décembre 2022, https://www.ieso.ca/en/Learn/The-Evolving-Grid/Pathways-to-Decarbonization

⁸ Distributed Energy Resources (DER) Roadmap (Ontario’s DER Potential Study), Société indépendante d’exploitation du réseau d’électricité, consulté le 1er février 2024, https://www.ieso.ca/en/Sector-Participants/Engagement-Initiatives/Engagements/Distributed-Energy-Resources-Roadmap

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Alexandre Bonaldi

Alexandre Bonaldi

Directeur principal, Énergie et services publics, PwC Canada

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