Depuis les actifs industriels jusqu’aux habitations, le marché immobilier du Grand Toronto est un pilier de la reprise économique de la région, qui a dû se confiner à plusieurs reprises.
Le segment industriel de Toronto ne montre aucun signe d’essoufflement, comme en témoigne la forte demande d’espaces d’entreposage et de traitement des commandes, conséquence de l’essor du commerce électronique. Cette demande est si forte qu’il est devenu courant de voir plusieurs locataires se disputer un espace, ce qui donne lieu à une surenchère dans certains cas. Ainsi, une personne citée dans le rapport Emerging Trends in Real Estate de cette année a affirmé qu’elle cherchait à vendre sur le marché torontois des immeubles industriels de classe B à des prix d’immeubles de classe A.
Malgré une hausse importante de l’offre, celle-ci se trouve en majeure partie absorbée comme en témoigne le taux de disponibilité qui, selon Colliers, a chuté à un plancher historique de 1 % au deuxième trimestre de 2021.
L’immobilier résidentiel est un autre secteur parmi les plus dynamiques. Selon les perspectives du printemps 2021 pour l’immobilier résidentiel, publiées par la Société canadienne d’hypothèques et de logement, un nombre record d’environ 84 000 unités sont en construction dans la région métropolitaine de recensement de Toronto.
Les prix des habitations ont également continué à augmenter. Selon le Toronto Regional Real Estate Board, le prix de vente moyen a augmenté de 18,3 % en septembre 2021 par rapport à l’année précédente. Les maisons unifamiliales ont connu la plus forte croissance. Cette tendance s’explique par la demande accrue pour plus d’espace résidentiel par les gens qui continuent à travailler à distance, ce qui stimule le marché des maisons individuelles.
La hausse des prix de cette année est associée à un problème particulièrement sérieux : l’abordabilité du logement. Les personnes interrogées ont cité l’offre insuffisante comme étant un facteur important, et beaucoup ont souligné la nécessité d’encourager la multiplication des logements abordables de moyenne densité à Toronto. En outre, le contexte actuel de faiblesse des taux d’intérêt a provoqué une hausse des prix, ce qui a aggravé le problème de l’abordabilité.
Les répondants s’attendent à ce que la situation se détériore davantage avec l’augmentation de l’immigration dans les années à venir. Selon les données de migration nette du Conference Board du Canada, le nombre d’immigrants s’établissant à Toronto passera d’environ 103 000 en 2021 à plus de 120 000 en 2025.
La question de l’abordabilité est mise en évidence par l’indice d’accessibilité à la propriété d’Économique RBC, qui est basé sur le rapport entre les coûts liés à la propriété et le revenu des ménages. Cet indice a atteint, pour une maison individuelle à Toronto, un niveau élevé de 81,8 % au premier trimestre de 2021. Il s’agit d’un facteur majeur qui explique pourquoi beaucoup de personnes envisagent de quitter la région pour trouver des options plus abordables. Un sondage réalisé par l’Ontario Real Estate Association en juillet 2021 a révélé qu’au cours de la dernière année, un grand nombre d’Ontariens ont songé à déménager dans une plus petite communauté hors du Grand Toronto ou dans une autre province.
Même si les personnes interrogées sont optimistes quant aux perspectives de croissance à long terme pour Toronto, ces tendances expliquent pourquoi il sera important d’adopter une autre approche du marché immobilier et de chercher des solutions innovantes aux problèmes auxquels le secteur est confronté.
Par exemple, on peut penser, dans le secteur industriel, aux immeubles en hauteur ou à plusieurs étages. Bien que ces solutions soient plus courantes à Vancouver, qui est aussi aux prises avec un segment industriel très serré, les discussions sur la pertinence d’accroître l’offre de ce type d’espace dans des endroits comme Toronto sont de plus en plus fréquentes.
Du côté du segment résidentiel, une possible tendance à surveiller est l’augmentation des logements locatifs unifamiliaux. Dans un contexte où le télétravail et le travail hybride créent le besoin d’avoir plus d’espace, ce type d’habitation pourrait représenter un choix abordable comparativement à l’achat d’une maison individuelle.
Les personnes interrogées avaient des opinions divergentes sur la faisabilité de cette solution à Toronto, étant donné les prix élevés dans la région. Il n’empêche que dans notre sondage, le logement locatif unifamilial figurait parmi les principaux types d’immeubles visés par les perspectives d’investissement et de construction. Nous surveillerons donc les signes d’émergence de cette tendance.
Pour remédier aux problèmes dans la région, il faudra aussi que tous les ordres de gouvernement collaborent plus étroitement avec le secteur de l’immobilier. Les acteurs de l’immobilier torontois sont d’ailleurs très préoccupés par le règlement de zonage inclusif proposé par la Ville, qui vise à exiger un certain pourcentage de logements abordables dans les nouvelles constructions. Selon un rapport récent de la Building Industry and Land Development Association, cette mesure nécessiterait une hausse considérable du prix des unités offertes au taux du marché pour subventionner les unités abordables. En l’absence d’une compensation pour le coût des unités abordables, le règlement pourrait rendre certains projets non viables, ce qui nuirait à l’offre de logements dont la région a tant besoin.
Les gouvernements peuvent renforcer la collaboration avec le secteur sur des approches innovantes concernant le marché du logement. Par exemple, une modification réglementaire permettant plus d’un logement ou plus d’une cuisine dans une résidence locative unifamiliale, ou même l’autorisation de terrains plus petits, pourrait améliorer l’abordabilité. Une autre approche innovante à considérer serait d’encourager une meilleure utilisation des nombreuses chambres vides dans les résidences du pays, ce qui permettrait d’accroître l’offre de logements abordables.
Cependant, bien que la collaboration soit essentielle, le pouvoir d’action des gouvernements pour résoudre les problèmes d’offre à Toronto a ses limites considérant la pénurie croissante de main-d’œuvre, qui entrave la capacité du secteur immobilier et influe sur les coûts. Pour les organisations immobilières torontoises, l’intensification des efforts de transformation visant à simplifier les processus et à investir dans la main-d’œuvre représente un moyen de composer avec ces pressions tout en améliorant leurs performances.
Certains de ces problèmes découlent des effets de la pandémie de COVID-19 sur la main-d’œuvre, l’économie et le secteur immobilier de Toronto. Malgré tout, les biens immobiliers restent des actifs prisés et Toronto demeure un marché de premier ordre à surveiller. Il est donc essentiel pour tous les acteurs de réfléchir différemment et de manière plus créative aux solutions à apporter aux problèmes touchant l’immobilier torontois, et aussi d’accélérer l’innovation afin de tirer pleinement parti des possibilités pour le secteur et notre région.
Directrice générale et leader, Conseils, secteur de l’immobilier, PwC Canada
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Associé et leader national, Fiscalité immobilière, PwC Canada
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