Répercussions possibles du second mandat de l’administration Trump

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  • 18 nov. 2024

Donald Trump a été élu président des États-Unis et le Parti républicain contrôle maintenant le Sénat et la Chambre des représentants. Nous tenions à vous communiquer notre point de vue sur quelques-unes des principales mesures que l’administration Trump pourrait adopter et leur impact sur le Canada.

Afin d’étayer notre point de vue, nous avons utilisé notre plateforme interne fondée sur l’intelligence artificielle pour recueillir et analyser en continu de l’information sur les tendances socioéconomiques et géopolitiques mondiales à partir de nombreuses sources. À l’aide de cette plateforme, nous avons ciblé six secteurs au sein desquels les politiques du gouvernement Trump, qui profite du soutien des deux chambres, devraient vraisemblablement diverger de manière considérable de celles de l’administration Biden.

Nous avons aussi analysé les répercussions générales qu’une administration Trump pourrait avoir sur l’économie et les facteurs dont les entreprises et les gouvernements devraient tenir compte dans l’élaboration de leurs stratégies.

Mesures de l’administration Trump à prévoir

Immigration

Nous prévoyons que l’une des premières décisions du président Trump sera de limiter fortement l’immigration et de prendre des mesures à l’égard des migrants sans papier qui habitent déjà aux États-Unis. Cette décision devrait mener à un déficit significatif en main-d’œuvre, notamment dans les secteurs de la fabrication, du commerce de détail, de l’agriculture, de la construction et des soins de santé, et à une augmentation probable des coûts opérationnels dans ces domaines. Certains de ces migrants pourraient traverser la frontière pour se rendre au Canada, ce qui pourrait avoir un impact sur les relations entre les deux pays.

Commerce international

Peu après son investiture, le président Trump devrait également imposer des tarifs douaniers de 10 % à certains pays, et des tarifs encore plus élevés à la Chine (jusqu’à 60 %). Nous pensons que le Canada pourrait être exempté de ces tarifs douaniers pour les produits considérés comme hors douane en vertu de l’Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM). Cependant, selon un scénario plausible, les mesures suivantes pourraient être mises en œuvre :

  • Des tarifs douaniers ciblés pourraient être appliqués par décret à divers produits canadiens en utilisant différents mécanismes, comme l’article 232 de la Trade Expansion Act des États-Unis, qui confère au président le pouvoir d’ajuster les importations, notamment au moyen de tarifs douaniers, s’il s’avère que des importations excessives constituent une menace pour la sécurité nationale des États-Unis. Notons que le président Trump a recouru à cet article lors de son précédent mandat pour limiter les importations d’acier et d’aluminium. Si de tels tarifs douaniers sont imposés au Canada, les États-Unis et le Canada disposeront d’au moins 60 jours pour négocier une issue appropriée. Il convient de souligner que les 2,6 premiers millions de véhicules exportés par le Canada vers les États-Unis sont totalement exemptés.
  • Selon nous, en 2025, Donald Trump usera de sa capacité à mettre fin à l’ACEUM pour obtenir des concessions de la part du Canada avant la renégociation de l’Accord prévue pour 2026. Dans ce contexte, notons qu’outre les ressources naturelles, les principales exportations du Canada vers les États-Unis proviennent du secteur manufacturier, notamment les véhicules, les machines, les plastiques, les équipements électriques et l’aluminium.
  • Le bois d’œuvre, l’acier, l’aluminium et les produits laitiers ont été des points sensibles dans les relations commerciales entre les États-Unis et le Canada, et nous nous attendons à ce qu’ils restent au centre des préoccupations de la nouvelle administration.

Lutte contre les changements climatiques

Pour Donald Trump et le Parti républicain, la lutte contre les changements climatiques n’est pas une priorité. À ce titre, nous nous attendons à ce que l’administration Trump, de concert avec le Congrès, affaiblisse les lois visant à lutter contre les changements climatiques ou, dans certains cas, les abroge. Par exemple, Trump a proposé de démanteler divers règlements environnementaux, notamment ceux qui concernent les émissions et la décontamination des cendres de charbon. Pendant la campagne électorale, il a également proposé de limiter les pouvoirs de la Environmental Protection Agency (EPA) et de réduire son budget.

Si nous ne pensons pas que l’administration Trump abrogera la Inflation Reduction Act, il est probable qu’elle en limite la portée, en particulier en ce qui a trait aux véhicules électriques (VE), aux batteries de VE, aux énergies renouvelables, au transport en commun et aux mécanismes de contrôle de la pollution. Par exemple, l’administration Trump pourrait vraisemblablement annuler en tout ou en partie les crédits d’impôt accordés aux consommateurs américains qui achètent un véhicule électrique répondant à certaines règles de fabrication en Amérique du Nord. Un scénario moins probable, mais tout à fait envisageable, consisterait à modifier les règles de fabrication afin de désavantager le Canada et le Mexique, tout en maintenant les crédits d’impôt pour les VE produits aux États-Unis.

Pétrole et gaz

En dépit du fait que la production de pétrole et de gaz a atteint des niveaux record sous l’administration Biden, nous pensons que le président Trump cherchera à l’accroître encore davantage en éliminant d’autres obstacles réglementaires et en autorisant le forage dans un plus grand nombre de régions. Nous pensons également que l’administration Trump souhaitera renforcer le commerce de pétrole et de gaz avec le Canada en augmentant la production et en construisant de nouveaux pipelines entre les deux pays.

Fiscalité

Alors que M. Trump et le Parti républicain ont annoncé vouloir réduire l’impôt sur le revenu, le président a déclaré publiquement qu’il ne toucherait pas aux importants postes de dépenses que constituent Medicare, la sécurité sociale et la défense. Il est probable qu’une législation fiscale soit adoptée dans les 12 prochains mois afin de prolonger certaines dispositions relatives aux particuliers et aux entreprises qui doivent expirer en 2025. Cela pourrait accroître le déficit national et la dette et nuire à la position financière mondiale des États-Unis.

Trump a également plaidé en faveur d’une réduction supplémentaire du taux de l’impôt des sociétés pour les fabricants nationaux, d’une annulation de certaines mesures incitatives en faveur des énergies propres incluses dans la Inflation Reduction Act et d’une augmentation des tarifs douaniers sur les produits fabriqués à l’étranger. Toutefois, il n’est pas certain qu’il parvienne à mettre en œuvre ces politiques en raison de la faible majorité dont il dispose au Congrès. En outre, compte tenu de l’endettement des États-Unis, il sera difficile de réduire les impôts, car cela pourrait entraîner une crise financière.

Affaires étrangères et défense

L’administration Trump, qui bénéficie du contrôle des deux chambres par les républicains, devrait entraîner un repli des États-Unis. On peut donc en déduire que l’engagement envers l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) risque de diminuer, ce qui obligerait les autres pays membres à augmenter leurs niveaux de financement et d’activité. De son côté, le Canada se retrouvera sans doute contraint d’augmenter considérablement son budget de défense et de coopérer plus étroitement avec les États-Unis pour développer des chaînes d’approvisionnement continentales qui aideront nos voisins du Sud à s’affranchir de la Chine (p. ex., en accélérant l’exploration et l’extraction de minéraux essentiels).

Répercussions éventuelles sur l’économie canadienne

Voici, d’après notre analyse, certaines des conséquences économiques éventuelles d’une administration Trump.

L’ascension de Trump au pouvoir est en partie une expression du mouvement populiste qui façonne le paysage politique mondial, et par extension la conjoncture économique, tant aux États-Unis que dans d’autres pays. Le changement politique qui en résultera pourrait se prolonger au-delà du mandat de l’administration Trump et s’étendre au-delà des États-Unis si d’autres pays suivent son exemple. Les entreprises devraient tenir compte de ses répercussions dans l’élaboration de leur stratégie.

Sous l’administration Trump, nous prévoyons un ralentissement probable de la mobilité des marchandises et de la main-d’œuvre. Cette tendance pourrait entraîner une hausse des coûts de la main-d’œuvre, de l’inflation et du coût de la vie. Elle pourrait aussi susciter une crise financière dans un ou plusieurs pays occidentaux, dont un grand nombre portent déjà un lourd fardeau de dette et gèrent une population vieillissante.

La décarbonisation étant peu importante au niveau fédéral aux États-Unis, les incitatifs fiscaux et la réglementation soutenant la transition vers une économie à faibles émissions de carbone seront probablement dilués ou, dans certains cas, éliminés au cours des prochaines années. Cela réduira la demande aux États-Unis pour les énergies propres et les VE, et nuira probablement aux entreprises canadiennes qui participent à ces chaînes d’approvisionnement. Il convient toutefois de noter que dans certains États, comme la Californie, les exigences en matière de rapports sur le climat sont de plus en plus strictes. Ainsi, les entreprises canadiennes qui approvisionnent ces États peuvent se trouver en position avantageuse par rapport aux entreprises américaines qui voient une réduction ou une élimination des subventions fédérales, comme celles pour l’énergie renouvelable et les VE.

L’évolution des approches en matière d’immigration, de libre-échange et de changement climatique sous cette administration aura probablement pour effet d’encourager le développement de diverses technologies, y compris celles visant à réduire le recours à la main-d’œuvre. Avec la réduction des subventions pour la lutte contre le changement climatique, le secteur privé se tournera vraisemblablement vers des solutions technologiques économiquement viables avec un soutien minime des gouvernements. Dans ce contexte, l’énergie nucléaire et l’hydrogène pourraient être vus d’un bon œil par l’administration Trump.

Étant donné que l’économie canadienne est étroitement liée à celle des États-Unis et que le Canada ne dispose pas d’une propriété intellectuelle suffisante pour stimuler son pouvoir économique, la capacité du pays de tempérer les mesures de l’administration Trump susceptibles de lui nuire sera limitée. Cela suppose que des concessions devront être faites dans les domaines d’intérêt pour l’administration Trump. À court terme, nous prévoyons que le secteur manufacturier du Canada sera confronté au risque d’une baisse des investissements, dans un contexte où l’incertitude, les préoccupations relatives aux barrières commerciales et le ralentissement de la lutte contre le changement climatique aux États-Unis feront souffler des vents contraires dans ce secteur. En revanche, le secteur des ressources connaîtra probablement un rebond, alors que les efforts s’accroîtront pour découpler l’administration américaine de ce qu’elle perçoit comme des pays moins fiables.

Ces tendances entraîneront vraisemblablement de nouvelles baisses du dollar canadien en regard du dollar américain, ce qui pourrait réduire le coût des exportations canadiennes et les rendre ainsi plus concurrentielles. Cependant, une telle conséquence pourrait susciter l’imposition d’obstacles commerciaux plus stricts par l’administration Trump.

Nous prévoyons également une augmentation importante du budget de la défense du Canada, alors que l’administration Trump réduira probablement ses engagements à défendre ses alliés. Celle-ci pourrait utiliser sa marge de manœuvre économique avec le Canada pour inciter le pays à accroître ses dépenses de défense, notamment en ce qui concerne l’Arctique.

En fonction de l’importance du flux de migrants sans papier des États-Unis vers le Canada, nous pourrions assister à une crise dans les relations entre les deux pays, ce qui risquerait d’affecter les négociations commerciales. Une augmentation substantielle des dépenses publiques pour faire face à un flux important de migrants pourrait entraîner une hausse de l’inflation et des taux d’intérêt.


Nous estimons que le Canada devrait réagir à ces tendances par l’augmentation de la productivité par le biais de diverses tactiques. Il s’agit notamment d’augmenter les dépenses pour la recherche et le développement et d’élaborer une stratégie efficace de planification et d’investissement dans la main-d’œuvre afin de conserver et d’attirer les professionnels qualifiés nécessaires à la croissance économique.

Le Canada pourra ainsi accroître sa liberté économique et réduire sa vulnérabilité aux événements qui se produisent au-delà de ses frontières.

Mesures à prendre par les entreprises canadiennes

  • Évaluer les scénarios : Planification et modélisation des changements possibles des politiques pour obtenir une vue globale des coûts et des répercussions.
  • Établir une stratégie pour une chaîne d’approvisionnement résiliente : Les entreprises doivent évaluer le risque d’autres perturbations de la chaîne d’approvisionnement découlant des modifications des tarifs douaniers et de l’instauration possible de nouvelles barrières commerciales, en tenant compte de l’atténuation du risque pour la chaîne d’approvisionnement ou de la diversification des fournisseurs en vue de réduire les risques.
  • Planifier les restructurations d’entreprise : Des changements d’orientation des politiques commerciales peuvent nécessiter une restructuration des activités, notamment l’exploitation de nouveaux marchés ou la réaffectation des ressources pour atténuer l’incidence des tarifs.
  • Évaluer l’impact sur les fusions et acquisitions : L’incertitude commerciale et les tarifs peuvent influer sur les activités de fusions et acquisitions, surtout les transactions interterritoriales, où des aspects liés à la réglementation et aux tarifs complexifient les stratégies d’évaluation et d’intégration.
  • Voir au-delà du coût commercial : La fiscalité et le commerce international sont des questions indissociables. Au-delà du coût des tarifs, les entreprises qui cherchent à résoudre leurs problèmes en matière d’investissement et de chaîne d’approvisionnement pourraient subir des répercussions fiscales imprévues liées au prix de transfert, aux crédits d’impôt et aux impôts étatiques.

  • Confirmer que les processus de gestion des changements de la réglementation sont efficaces : Surveiller les développements, évaluer les impacts et communiquer les répercussions aux parties prenantes. Revoir l’évaluation du risque d’entreprise et l’inventaire des risques qui en découle afin de refléter la manière dont cet impact, et l’incertitude réglementaire à plus grande échelle, est susceptible d’affecter leurs stratégies commerciales. Établir des liens de communication ouverts et fréquents avec les responsables du risque pour assurer une prise de décisions rapide.
  • Se pencher sur les incidences des politiques étatiques : Élaborer des stratégies pour gérer les diverses lois et réglementations étatiques, car les États pourraient adopter un programme réglementaire différent de celui du gouvernement fédéral.
  • Se préparer à divers scénarios : Le gouvernement américain pourrait recourir à des décrets présidentiels, ce qui pourrait générer une incertitude sur le plan juridique ainsi qu’un contexte commercial et fiscal éprouvant. Rester à l’affût des modifications apportées aux lois et de leurs répercussions.
  • Maintenir des pratiques solides en matière de conformité : La plupart des modifications de la réglementation qu’apportera la nouvelle administration américaine prendront du temps, surtout si elles sont contestées devant les tribunaux. Dans l’intervalle, continuer de maintenir une conformité stricte aux règles et directives des agences de réglementation.

Le marché canadien des transactions au second mandat de Donald Trump

Lisez notre analyse des principales mesures que nous attendons de l’administration Trump et de leur impact potentiel sur le marché des transactions au Canada.

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