Balado « CEO Viewpoints » | Saison 1

De hauts dirigeants expliquent comment ils s’orientent dans un monde des affaires qui ne cesse de changer

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(en anglais seulement)

L’avenir du secteur bancaire au Canada

Anthony G. Ostler, de l’Association des banquiers canadiens, discute de l’incidence des tendances clés comme la modernisation des paiements sur le secteur des services financiers.

Jason : Bonjour et bienvenue à ce nouvel épisode du balado « CEO Viewpoints » de PwC Canada, dans lequel nous discutons des principaux thèmes de notre 25e Enquête mondiale annuelle auprès des chefs de direction. Selon les chefs de direction canadiens, l’adoption de stratégies claires et ciblées joue un rôle essentiel dans la différenciation des organisations. Je m’appelle Jason Boggs et je suis leader national, Banques et marchés financiers, chez PwC Canada. Aujourd’hui, je reçois Anthony Ostler, président et chef de la direction de l’Association des banquiers canadiens (ABC), pour discuter de la transformation du secteur bancaire dans ce monde de plus en plus numérique. Merci de vous joindre à nous Anthony.

Anthony : Merci Jason. Je suis ravi d’être ici et de vous revoir.

Jason : D’abord, j’aimerais vous féliciter, puisque vous avez été nommé président et chef de la direction de l’ABC en février dernier. Parlez-nous un peu du parcours qui vous a mené jusqu’à ce poste et de ce qui vous plaît le plus dans vos nouvelles fonctions.

Anthony : Merci Jason. Je suis très reconnaissant de diriger l’ABC et de faire partie de cette organisation fantastique. Mon parcours a commencé à Vancouver, où j’ai grandi. J’ai fait mes études de premier cycle à l’Université Western, en Ontario, et ensuite mon MBA à la Ivey Business School de cette même université. Après mes études de premier cycle, j’ai travaillé un peu. En effet, avant mon MBA, j’ai été caissier dans une banque. C’était il y a 30 ans. J’ai donc passé 30 ans dans les services financiers. Après mon MBA à Toronto, j’ai travaillé dans le conseil en stratégie pour deux banques, ce qui m’a beaucoup plu. Je me suis ensuite joint à la Banque Royale, où j’ai travaillé pendant un certain temps et occupé des postes très intéressants. Ces expériences m’ont permis d’acquérir une expertise approfondie des différentes dimensions de l’industrie, tant à l’échelle mondiale que nationale, qui complète vraiment bien les compétences de l’équipe formidable que je dirige à l’ABC. J’ai l’impression que c’est une excellente combinaison que de joindre mes 30 années d’expérience avec l’équipe fabuleuse de l’ABC pour tenter de faire progresser l’industrie. Je me sens choyé. C’est aussi une période très importante pour le secteur. Les banques emploient 300 000 personnes et ont un impact considérable. Elles représentent 4 % du PIB canadien, alors elles jouent un rôle clé dans ce que nous vivons en ce moment. Le contexte est difficile, et les banques seront essentielles dans le financement de la croissance, des solutions et de la gestion des changements climatiques. Nous allons en parler un peu, mais c’est une période stimulante.

Jason : Merci. Je crois que vous conviendrez, sur la base de votre expérience dans le secteur bancaire, que les changements se déroulent aujourd’hui à un rythme sans précédent. Que pensez-vous de la situation actuelle dans le secteur bancaire, par rapport à ce qu’elle était il y a cinq ans, et vers quoi se dirige-t-elle dans les cinq prochaines années?

Anthony : C’est une excellente question. Il ne fait aucun doute que le rythme des changements est plus rapide que ce que l’on aurait pu imaginer il y a cinq ans, et ça se poursuivra ainsi. Je pense que cela est dû en partie aux répercussions et aux changements associés à la pandémie. Lorsqu’on examine la question du point de vue des services bancaires, on observe trois grands moteurs de changement : la technologie, l’environnement réglementaire et bien sûr, les préférences de nos clients, qui arrivent au premier rang. Le rythme des changements dans notre secteur est habituellement dicté par les clients. Cela dit, c’est évidemment le cas dans tous les secteurs. Les clients sont le moteur de l’innovation. C’est très intéressant parce qu’il faut investir des sommes considérables pour se numériser et se moderniser. Et les banques s’y emploient depuis un certain temps déjà. Les Canadiens ont un accès sans précédent à de nombreux canaux numériques avantageux grâce à la technologie. Neuf Canadiens sur dix affirment que les services bancaires sont aujourd’hui beaucoup plus pratiques. Les trois quarts d’entre eux se fient maintenant aux services bancaires numériques. Et trois clients sur quatre indiquent qu’ils vont maintenir les habitudes numériques qu’ils ont développées pendant la pandémie en matière de services bancaires. Ces changements sont devenus permanents. Ce qui est incroyable, c’est que notre secteur a su faire preuve de polyvalence et miser sur les éléments pour lesquels il était bien préparé afin de répondre aux nouveaux besoins qui sont survenus. Mais nous avons également dû apprendre et évoluer, étudier la façon dont les gens utilisent les outils pour les améliorer, et aussi permettre et favoriser le changement pour nos employés afin d’aider nos clients. Ce qui est excitant, selon moi, c’est que le rythme de changements ne ralentira pas. Entretemps, l’une des principales préoccupations de notre secteur consiste à nous assurer de communiquer avec nos clients, de comprendre leurs besoins et d’être là pour eux, afin que nous puissions continuer à croître et à évoluer, tout en veillant à les protéger.

Jason : J’aimerais revenir sur les investissements faits dans la technologie. Dans notre enquête, un certain nombre de chefs de direction ont fait des commentaires sur l’origine des rendements de ces investissements. J’aimerais donc savoir ce que vous en pensez, plus particulièrement dans la perspective du secteur bancaire. Comment peut-on aller au-delà du numérique pour tirer profit de ces investissements technologiques et interagir avec les clients?

Anthony : Je dis souvent que le secteur bancaire repose sur quatre piliers. Il y a d’abord les gens, puis le capital, ensuite nos systèmes et processus, ce qui comprend la technologie, et enfin la confiance, qui est fondamentale. Si nous examinons la technologie avec un peu de recul, nous réalisons que le sujet est plus vaste. Il s’agit de la façon dont nous communiquons et offrons nos services. Au cours de la décennie se terminant en 2019, les six grandes banques ont investi plus de 100 milliards de dollars dans la technologie. Et aujourd’hui, elles examinent leurs systèmes et leurs processus et se disent : d’accord, nous servons nos clients de cette façon. Pouvons-nous automatiser cette étape? Pouvons-nous changer cette façon de faire? Quels sont leurs comportements? Quels sont leurs points de vue? Quels sont leurs besoins? Comment pouvons-nous changer cela? De cet exercice découle l’adoption de nouvelles politiques ou l’abolition de certaines politiques, car des contrôles ont été éliminés en raison de l’automatisation. La façon de travailler des employés devient ensuite plus intéressante. Ils passent moins de temps sur la paperasse et plus de temps à interagir avec les clients et à réfléchir aux problèmes de ceux-ci. Voici le genre d’élément embryonnaire évolutif devant lequel on se retrouve. La technologie est donc un catalyseur qui permet de rehausser et d’améliorer l’expérience. Si bien que ces investissements ont rapporté des dividendes importants aux banques. Et heureusement qu’elles avaient dépensé 100 milliards avant la pandémie, car leur capacité à servir les clients et à répondre à leurs besoins s’en trouvait à un niveau hors du commun. Le travail des employés dans notre secteur est devenu plus intéressant et beaucoup plus sophistiqué. Lorsqu’on pense à ce que les gens font dans le secteur bancaire, à la façon de servir les clients, aux solutions qui se développent et aux outils qui améliorent les processus, c’est très différent de ce que je faisais quand j’étais caissier dans une banque il y a 30 ans.

Jason : Pour poursuivre sur ce thème, notamment l’évolution du secteur et l’interaction avec les clients, abordons le système bancaire ouvert et la modernisation des paiements. Je m’intéresse vraiment aux possibilités que ces deux éléments offrent aux banques canadiennes et au marché en général.

Anthony : Le système bancaire ouvert consiste à permettre aux clients de partager leurs renseignements avec d’autres Fintechs, afin d’avoir une meilleure vue d’ensemble des différents services qu’ils utilisent. Le gouvernement contribue à faciliter le système bancaire ouvert en créant un environnement dans lequel les renseignements pourront être partagés de façon efficace afin de répondre aux besoins des clients. Il y a donc beaucoup de travail qui se fait dans ce dossier. La modernisation des paiements reflète essentiellement la mise à jour de la structure qui sous-tend de nombreuses choses qui se passent au Canada. Le Canada est l’un des pays dans le monde où les paiements en espèces sont les moins nombreux. Je viens de passer quelques semaines en Italie. J’ai été étonné de voir à quel point ils sont avancés, mais ils utilisent encore beaucoup l’argent liquide. J’ai passé les huit dernières années aux États-Unis, où il y a beaucoup plus d’argent liquide. Une grande partie de ce que les gens voient a été grandement perfectionnée, et les Canadiens se sont montrés ouverts à adopter et à utiliser ces améliorations. Mais il faut aussi mettre à jour ce qui se passe en coulisse, et il y a eu de grands progrès à cet égard. Un système de transfert de paiements de grande valeur a été mis en place en 2021. Nous avons beaucoup de travail à faire sur les paiements en temps réel pour la vente au détail. Et c’est très complexe, car nous avons déjà Interac, mais il y a aussi Paiements Canada avec qui tous les intervenants collaborent étroitement pour contribuer à la modernisation des paiements. Mais les choses ne vont pas aussi bien que nous l’aurions souhaité. Il y a eu des retards. Mais l’excellente nouvelle, c’est que l’ABC et d’autres intervenants travaillent avec Paiements Canada pour faire avancer les choses et pour maintenir le cap. Ce que nous avons vraiment apprécié, c’est le dialogue ouvert et positif qui nous a permis de poser des questions difficiles sur la façon d’améliorer ce que nous faisons et d’y arriver. Parce qu’il y a eu des investissements considérables. Dans l’environnement actuel, les gens ont l’habitude de ne pas avoir d’argent liquide, et ils veulent adopter de nouveaux outils. Aujourd’hui, nous améliorons et perfectionnons la charpente derrière les murs. Si nous y parvenons, cela permettra cette convergence avec le système bancaire ouvert, dont nous parlions.

Jason : Pour rester sur le thème de l’innovation, notamment les paiements et ce que veulent les clients, il y a eu beaucoup d’engouement autour des cryptomonnaies. Selon vous, dans le contexte bancaire canadien, quels sont les opportunités ou les défis de l’introduction des cryptomonnaies pour le marché canadien?

Anthony : Deux éléments différents caractérisent les cryptos. Je parle des cryptomonnaies et des monnaies numériques de banques centrales. Les cryptomonnaies sont généralement à l’extérieur du système bancaire, et il est intéressant de noter que ce que nos membres peuvent faire pour aider leurs clients à cet égard est régi par un périmètre réglementaire. Peter Routledge, le surintendant du BSIF, le mentionne souvent d’ailleurs. Il y a des choses qui ne relèvent pas nécessairement de la compétence du BSIF. Mais les banques font partie de son mandat. Nous exerçons donc nos activités dans son environnement de réglementation macroprudentielle, et nous faisons ce que nous pouvons pour nous assurer d’agir de façon sécuritaire et efficace pour les Canadiens. Lorsque nous examinons les systèmes avec un peu de recul, nous constatons, comme je viens de le mentionner, que nous vivons déjà dans une société où il y a très peu d’argent liquide. Les gens ont l’habitude d’adopter de nouvelles technologies. Des centaines de milliards de dollars ont été investis dans la technologie. Nous avons continuellement développé et fait progresser les choses pour être là où sont nos clients. Notre défi est le suivant : quels sont les problèmes que ces nouveaux outils essaient de résoudre? Dans un marché émergent où les banques n’ont pas la confiance des gens et ne sont pas bien capitalisées, et où seulement 20 % de la population a accès à un compte bancaire, peut-être qu’une cryptomonnaie ou une monnaie numérique de banque centrale peut être un choix sensé. Mais environ 98 % des Canadiens ont un compte bancaire. Et grâce à la réglementation prudente adoptée par le BSIF au fil des ans, ainsi qu’au comportement des banques dans notre système, nous avons le meilleur système bancaire au monde. Qu’est-ce qu’une monnaie numérique de banque centrale viendrait faciliter ou résoudre? La Banque du Canada se penche sur la question parce qu’elle tente de déterminer s’il faut créer, par exemple, une monnaie numérique de banque centrale pour les ventes au détail. Je crois que c’est un exercice intellectuel utile. Nous devrions toujours évaluer les solutions de rechange. Mais lorsque j’examine la question sous l’angle du risque, qui est défini comme les conséquences multipliées par la probabilité, je me demande quel est le risque de ne pas avoir de monnaie numérique de banque centrale. Peut-être que les gens s’intéressent aux cryptomonnaies, mais votre mère les utiliserait-elle? Votre fils, peut-être. Mais vous ne paierez pas votre hypothèque en cryptomonnaies, par exemple. Vous la payez par chèque. Vous ne voulez pas qu’elle fluctue en fonction de l’argent que vous avez dans votre compte bancaire, à raison de 5 % chaque jour. Alors quel problème tentons-nous de résoudre? Quelle est la probabilité que notre système ait besoin de cela? Nous n’en avons pas besoin. Revenons au système bancaire ouvert. L’un des éléments inhérents au système bancaire ouvert réside dans la philosophie visant à créer un environnement de concurrence. Une Fintech ou une petite banque qui crée un excellent service peut avoir des clients qui utilisent ce service tout en ayant leur compte principal et leur hypothèque dans l’une des six grandes banques. Dans un système bancaire ouvert, ces clients pourront connecter tous ces services et voir ce qui se passe dans l’ensemble de ceux-ci. Cela favorise la concurrence et l’innovation. Qu’est-ce qu’une solution profitable? Que fait une monnaie numérique de banque centrale? Théoriquement, cela signifierait qu’au lieu d’avoir un dépôt à la banque, les gens placeraient leur argent dans la monnaie numérique de la banque centrale. Les dépôts iraient donc à la banque centrale. Or, que font les banques? Nous recueillons des dépôts, que nous utilisons ensuite dans la création de prêts permettant aux gens d’acheter une maison ou une voiture, de démarrer une entreprise ou de financer un grand projet de transition climatique. Ce sont des choses que nous faisons avec ces dépôts. Les six grandes banques pourraient probablement trouver un moyen d’obtenir du financement autrement. Mais qu’en est-il des centaines de banques de petite et moyenne taille, qui n’ont pas nécessairement une marque nationale? D’où proviendront leurs dépôts? Si nous créons une monnaie numérique de banque centrale, nous créons potentiellement un environnement anticoncurrentiel. À quoi bon créer un système bancaire ouvert, consacrer tout ce temps et ces efforts à réfléchir à la manière dont nous pouvons sécuriser les informations des gens et protéger leurs renseignements personnels si d’un autre côté, nous leur donnons la possibilité d’accéder aux services où ils le souhaitent, minant ainsi la capacité de petites entreprises innovantes à obtenir du financement?

Jason : En effet. Et j’espère que nous ne nous retrouverons pas dans une situation où nous en aurions besoin, simplement sur la base du fonctionnement des banques et de la banque centrale. J’aimerais revenir sur le thème de la confiance, que vous avez abordé plus tôt. L’un des principaux éléments que nous constatons dans le marché, tant du point de vue des clients que des actionnaires-investisseurs, c’est que les organisations sont examinées sous l’angle des engagements à l’égard des facteurs ESG, en particulier envers le net zéro. Il est évident que les banques canadiennes ont pris de nombreux engagements à l’égard du net zéro et qu’elles en discutent dans le marché. Mais qu’est-ce que cela signifie pour le secteur bancaire canadien et pour l’ensemble de l’économie canadienne? Que feront les banques canadiennes en la matière?

Anthony : C’est un sujet très intéressant. Ce qui m’a le plus étonné, lorsque j’ai rencontré les équipes de direction de nos membres, ce sont les quantités d’investissements qu’ils mettent en place, la croissance de l’embauche et la collaboration avec des équipes de conseil et des cabinets comme le vôtre pour concevoir des plans et réfléchir à la façon dont elles vont financer la transition et le parcours pour y arriver. Il y a un désir réel et sincère de faire partie de la solution. Lorsque le Canada a connu de grandes périodes de transformation, comme la construction d’un chemin de fer national, d’où provenaient les fonds? Des banques. Le défi c’est que parfois, les gens veulent obtenir le net zéro immédiatement. Or, nous ne pourrons pas y arriver tout de suite parce que nous devons d’abord transiter vers un environnement dans lequel nous disposons de sources d’énergie et d’autres éléments qui nous permettent de vivre notre vie. C’est sur cela que nous devons nous concentrer. Les banques souhaitent un partenariat avec les gouvernements, et d’autres éléments pour soutenir leurs investissements dans les nouvelles technologies. Elles consacrent du temps et des efforts dans la recherche, et travaillent directement avec les Canadiens dans de nombreux secteurs, et pas seulement l’industrie pétrolière et gazière. Elles collaborent étroitement avec le secteur des nouvelles technologies pour y arriver. De plus, il faut réfléchir à l’intensité en carbone et à la façon de s’y attaquer. Cela est coûteux. Les banques réfléchissent à la manière dont elles peuvent appuyer la capture et le stockage du carbone, aider à faire progresser les investissements et le financement dans ce domaine. Par ailleurs, les marchés mondiaux de l’énergie sont très influencés par la provenance de celle-ci. Le Canada génère de l’énergie propre. Nous devons donc réfléchir à la façon dont nous pouvons soutenir nos partenaires qui traversent actuellement une période très difficile. Car il existe des pays qui utilisent l’énergie comme une arme. Nous savons tous que de nombreuses personnes vivront probablement un hiver très froid cette année. Le Canada doit donc jouer un rôle de soutien à cet égard. Cela ne signifie pas que nous ne pouvons pas continuer parce que nous devons financer la transition. Au contraire, cela nous donne potentiellement plus de revenus à réinvestir dans le soutien. Mais à court terme, les banques doivent aussi jouer un rôle pour contribuer à régler ce problème. Il se pourrait donc que nos prêts pour le secteur pétrolier et gazier ne diminuent pas avant un certain temps. Mais quelles sont les composantes d’une transition? L’une d’elles consiste à offrir du soutien, à défendre les valeurs chères aux Canadiens et à appuyer les pays libres qui soutiennent la démocratie. Il s’agit donc d’une question complexe, qui ne peut être résolue du jour au lendemain. Mais nous y travaillons, et nos membres y consacrent beaucoup d’énergie. Ce que les gens réalisent, c’est qu’il s’agit d’une question complexe, multidimensionnelle, qui comprend de multiples éléments et qui s’étend sur plusieurs décennies. Mais comme ce fût le cas lors de la construction du chemin de fer, nos membres sont déterminés à atteindre le net zéro.

Jason : Merci pour ces réflexions. Le thème qui ressort, c’est que les banques canadiennes investissent vraiment en prévision des changements auxquels nous sommes aujourd’hui confrontés. Avez-vous d’autres idées à communiquer sur ce qu’il faut faire pour être prêts pour l’avenir, tant pour le secteur bancaire canadien que le marché canadien en général?

Anthony : L’une des choses que la pandémie nous a apprises, c’est que nous sommes en mesure d’en faire beaucoup plus que nous le pensions. Parfois, nous sommes limités par notre imagination. Nous vivons dans un pays formidable, et je veux encourager les gens à rester motivés malgré les difficultés comme l’inflation et les autres perturbations de marché. Nous avons quelque chose de grand ici, que nous pouvons bâtir et développer. Comme l’a dit Gandhi, l’avenir dépend de ce que nous faisons dans le présent. C’est une bonne façon de voir les choses. Nous mettons en place les conditions d’un avenir gagnant, et nous continuons de nous efforcer d’y parvenir. Il n’y a aucune raison pour que cet avenir ne soit pas brillant. Notre avenir est brillant, malgré le contexte difficile que nous traversons, et nous sommes tous dans le même bateau. Je suis très fier de représenter mes membres et de les aider à cet égard. Et je suis heureux d’avoir eu l’occasion d’en discuter avec vous aujourd’hui.

Jason : Anthony, je tiens à vous remercier au nom de nos auditeurs. Ce sont d’excellentes réflexions sur le secteur bancaire canadien, et aussi sur la façon dont elles contribuent au reste de l’économie canadienne et aident les consommateurs canadiens. Merci.

Anthony : Merci Jason.

Jason : Encore une fois, j’aimerais remercier nos auditeurs de s’être joints à nous pour cet autre épisode de « CEO Viewpoints ». Abonnez-vous à notre balado pour en savoir plus sur les prochains épisodes et pour entendre les points de vue de nos chefs de direction canadiens.


La transformation numérique par le personnel et l’agilité

Rowan Saunders, de la Société financière Definity, explique comment son organisation s’est réinventée dans le cadre de son introduction en bourse et de sa démutualisation.

Keegan Iles : Bonjour à tous, et bienvenue à nouveau à notre série balado CEO Viewpoints. Merci d’être des nôtres, alors que nous discutons des thèmes clés de la 25e Enquête mondiale annuelle auprès des chefs de direction de PwC. Nous avons entendu des chefs d’entreprises canadiennes de premier plan sur des sujets essentiels, comme l’ESG et la cybersécurité. Aujourd’hui, nous allons nous pencher sur la façon dont les PDG peuvent tirer parti du potentiel de leur personnel et de leur agilité pour la transformation afin de produire des résultats plus durables pour leurs organisations. Je m’appelle Keegan Iles et je suis associé au sein de Stragtegy& et leader des Services-conseils du secteur de l’assurance chez PwC Canada. J’accueille aujourd’hui Rowan Saunders, président et chef de la direction de Definity Financial, pour parler de la récente introduction en bourse de l’entreprise, de sa modernisation et de ce que signifie être un assureur numérique en 2022. Bienvenue au balado, Rowan. 

Rowan Saunders : Merci beaucoup de me recevoir. 

Keegan Iles : Tout d’abord, félicitations pour l’introduction en bourse. Vous avez réussi à introduire en bourse la première société mutuelle canadienne, avec le plus grand premier appel public à l’épargne au Canada l’année dernière et le troisième plus important de ces cinq dernières années. C’est une histoire fantastique. Parlez-nous un peu du parcours de transformation que vous avez entrepris en tant que chef de la direction de Definity. 

Rowan Saunders : Eh bien, ça a vraiment été tout un parcours ces dernières années. Il y a cinq ans et demi, j’ai rejoint Economical, aujourd’hui Definity, pour diriger l’organisation à travers le processus de démutualisation – comme vous l’avez dit, c’était la première société canadienne à se démutualiser –, mais aussi pour préparer l’entreprise à devenir une société publique. C’est une aventure passionnante que nous avons vécue. Et la façon dont je la décris, c’est qu’au cours des cinq dernières années, nous avons fait plusieurs choses simultanément dans le cadre du redressement et de la transformation. La première partie a consisté à préparer l’entreprise à devenir une société publique. Cela a impliqué un redressement plutôt classique, un plan d’amélioration des bénéfices, et nous avons dû apporter de nombreux changements à l’entreprise, tant du point de vue opérationnel que de la performance financière. Il s’agissait donc de remodeler le portefeuille, d’améliorer la sophistication de la tarification, de réévaluer le portefeuille, de s’attaquer aux coûts et à l’efficacité de l’entreprise. Nous l’avons fait sur un programme de trois ans qui a vraiment apporté des avantages financiers importants, de l’ordre de centaines de millions de dollars. Nous sommes donc très satisfaits de ce processus. En même temps, nous avons mené un programme que je qualifierais de plus excitant et plus transformateur, et qui impliquait vraiment de nombreux aspects, clairement liés à un gros investissement dans la modernisation de la technologie, étant donné l’importance de la technologie pour le fonctionnement d’une entreprise prospère dans les années à venir. Et nous avons développé de nouveaux modèles d’affaires; nous avons donc créé Sonnet, la première et principale compagnie d’assurance numérique au Canada. Nous avons aussi créé Vyne, qui est essentiellement Sonnet, mais pour les courtiers, ce qui a aidé les courtiers à réduire la friction et à avoir une interaction beaucoup plus facile avec les compagnies d’assurance. Nous avons fait des investissements majeurs dans nos activités commerciales, en élargissant nos capacités, passant d’un simple assureur de petites entreprises à un acteur du marché intermédiaire, et maintenant à un acteur de l’assurance spécialisée, et nous avons aussi fait de gros investissements dans la transformation du processus d’indemnisation. Avec le recul, on se rend compte que c’est vraiment beaucoup de changements. La culture était également un élément important pour nous. Nous avons fait des investissements massifs dans la culture, que nous devions transformer pour passer d’une société mutuelle à une société publique performante et talentueuse. Par exemple, 70 % de l’équipe dirigeante, mes subordonnés directs, sont nouveaux chez Definity depuis les cinq dernières années, de même que 55 % de notre groupe de haute direction de 100 personnes, ce qui a donné un gros élan à l’entreprise. Donc, en prenant du recul, on constate que l’organisation est très différente de ce qu’elle était il y a quelques années. Comme vous l’avez mentionné, nous avons mené une introduction en bourse fructueuse. Cela a été un changement fondamental pour l’organisation, qui nous place dans une bien meilleure position que nous ne l’étions auparavant. Nous avons maintenant accès au capital. Nous avons maintenant une plus grande reconnaissance de la marque, ce qui est excellent pour attirer et retenir les talents, mais aussi pour donner à nos courtiers et nos partenaires une confiance beaucoup plus grande dans la crédibilité et l’avenir de Definity. 

Keegan Iles : Quelle aventure! J’aime ce concept d’une sorte de concordance entre l’exécution et le fait de se préparer pour la croissance en regardant vers l’avenir. Et peut-être pourriez-vous développer et nous dire dans quelle mesure vous pensez qu’une stratégie d’entreprise et une culture différentes ont contribué à réussir cette transformation si rapidement. 

Rowan Saunders : Eh bien, je pense que ça a joué un rôle énorme. En prenant du recul pour réfléchir à notre stratégie, je pense qu’elle a été très audacieuse et très ambitieuse. Il s’agissait de hisser Definity au rang des cinq principaux acteurs du secteur, de devenir le leader numérique du marché, de s’assurer de disposer d’une plateforme de croissance, tant organique qu’inorganique, mais aussi de nous concentrer sur l’innovation. Nous voulons changer l’assurance. Nous voulons rendre l’assurance meilleure. Nous avons besoin des bons talents, bien sûr, pour y parvenir. Mais je pense que cette vision claire et les arguments en faveur du changement que notre stratégie a soutenus ont vraiment contribué à l’agilité et à la capacité de changer si rapidement. Vous avez ensuite mentionné la culture, et je pense que c’est toute une traversée pour une société mutuelle que de passer à une culture d’entreprise publique de haute performance. Nous avons beaucoup travaillé sur ce point. Nous avons également fait de très gros investissements dans la technologie, les outils et les talents, et c’est ce qui entraîne l’exécution. Et donc, je pense que quand on réfléchit à comment mener à bien une transformation, il s’agit bien sûr d’avoir la bonne stratégie, mais surtout de savoir si elle peut être correctement exécutée. Et la stratégie et la culture sont des moteurs massifs dans cette exécution. 

Keegan Iles : C’est vraiment les deux côtés d’une même médaille, n’est-ce pas? Je pense que tous les chefs de direction canadiens étaient vraiment à la traîne de certains de leurs homologues mondiaux en matière de numérisation. Et je suppose que je me demande simplement ce qui était différent dans cette stratégie, dans les outils, la culture, la technologie, dans la conversation, qui vous a permis d’avancer si loin à la fois dans l’exécution et le financement.

Rowan Saunders : Tout d’abord, je dirais que nous avons présenté des arguments très convaincants en faveur du changement. Si vous pensez à notre point de départ, nous savions que les performances opérationnelles et financières d’une société mutuelle ne seraient pas à la hauteur des attentes d’un marché public. Cela nous a donc donné une véritable plateforme pour le changement, et je pense que c’est vraiment important. Et ensuite, nous avons suivi le mouvement avec la taille de l’investissement. Il ne s’agissait pas d’un changement progressif. C’est un changement très audacieux et pleinement engagé que nous avons entrepris. Nous l’avons ensuite entouré de beaucoup de gouvernance. C’est là que le conseil d’administration entre en jeu. Une telle transformation doit être guidée par le chef de direction et être une priorité absolue pour les hauts dirigeants de l’organisation. Et je pense que le calendrier, ou la pression du compte à rebours avant l’échéance d’introduction en bourse, qui était le 23 novembre 2021, a aiguisé les esprits et la concentration de l’organisation. Et donc je pense que ce sont quelques-unes des raisons pour lesquelles au Canada, vous savez, nous avons agi vraiment rapidement. 

Keegan Iles : Je pense que c’est tellement intéressant, parce que ça met vraiment en évidence qu’il ne s’agit pas seulement de transformation numérique, mais qu’il y a une réflexion plus large à l’échelle de toute l’organisation. Pourriez-vous élaborer sur les raisons pour lesquelles il est important de réimaginer une organisation pour préparer l’avenir?

Rowan Saunders : Oui, et c’est ce que nous avons fait. Nous avons entrepris un très large remaniement de la stratégie. Et je pense que plusieurs facteurs ou aspects sont entrés en ligne de compte dans cette décision. Tout d’abord, nous avons attentivement examiné les tendances de l’assurance multirisques, à la fois les tendances mondiales et celles qui influent sur notre activité ici au Canada. Et nous avons vu un certain nombre de choses. Premièrement, les attentes des clients évoluent assez rapidement. Nous avons remarqué que l’industrie se consolide. Nous sommes d’avis que l’échelle est de plus en plus importante. Nous sommes conscients des changements sociaux, des changements climatiques, des défis de recrutement auxquels les entreprises devront faire face aujourd’hui et à l’avenir, ainsi que des changements dans la distribution. Nous avons donc pris du recul et examiné tous ces changements et toutes ces tendances qui influent sur l’assurance multirisques. Nous y avons ensuite réfléchi et nous nous sommes dit : « Dans cet environnement, quelles sont les nouvelles capacités ou les capacités émergentes nécessaires pour réussir en tant que compagnie d’assurance multirisques? » Et ce sont des choses comme, vous savez, être très centré sur le client. Il y a aussi le développement de capacités de marketing numérique, la sophistication de la tarification pour faciliter la gestion des indemnisations, être le meilleur de sa catégorie, et la gestion des fraudes. Les données jouent un rôle tellement important dans notre monde actuel. Il est donc essentiel de comprendre les données, de collecter la bonne qualité de données, de les intégrer dans des analyses avancées et des modèles d’intelligence artificielle, mais aussi de les traduire en une excellente expérience pour les utilisateurs. Et je pense que c’est l’une des choses sur lesquelles nous essayons vraiment de nous concentrer, c’est comment conjuguer tous les fondamentaux et les aspects techniques de l’assurance pour les traduire en une expérience utilisateur pratique et conviviale. Et c’est cette démarche qui éclaire l’évolution de notre stratégie. Et c’est là le grand changement. Autrement dit, c’est la base sur laquelle nous avons réimaginé l’ensemble de l’entreprise et avons mené une réflexion très large. C’est ainsi que nous avons construit Sonnet, pour pouvoir accéder, nous pensons, à un segment émergent du marché axé sur le libre-service, qui exige une interaction numérique. C’est aussi ce qui forge l’esprit de nos courtiers pour rester pertinents et s’assurer de réduire la friction entre les assureurs et les courtiers; la facilité des affaires est si importante pour eux. C’est ainsi qu’est né Vyne commercial, qui consiste essentiellement à automatiser la composante PME, les services à la petite entreprise. Aujourd’hui, plus de 50 % de notre volume d’affaires est traité en libre-service par les courtiers, avec un accès 24h/24 et 7j/7. Nous avons maintenant transposé ce modèle dans nos opérations d’indemnisation. Nous savons donc que tout cela soutient notre objectif de nous classer parmi les cinq plus grandes compagnies d’assurance, et que nous sommes sur la bonne voie pour y parvenir. 

Keegan Iles : C’est fantastique. J’aime la cohérence de cette réflexion, car elle souligne vraiment qu’on doit orchestrer toutes les dimensions internes avec succès pour effectuer cette sorte de transition numérique. Mais en pensant à l’extérieur, notre enquête sur l’assurance en 2025 a révélé des tendances à la collaboration, la co-création, aux partenariats ou même aux acquisitions, et mis en lumière l’insurtech en particulier comme une source principale d’innovation, capable de créer un certain avantage. Je me demande comment vous envisagez de travailler au sein de l’écosystème maintenant que la capacité interne de Definity est en quelque sorte prête pour le succès. 

Rowan Saunders : Vous savez, quand je regarde cet écosystème, tout est lié à l’innovation. J’aimerais tout d’abord souligner qu’il se passe beaucoup de choses, il y a beaucoup d’investissements dans l’innovation dans le secteur de l’assurance multirisques, ce qui, je pense, est très réjouissant pour nous tous. Et ça se passe à la fois chez les opérateurs historiques et les entreprises d’âge mûr, et dans les fintechs, les insurtechs et les startups. Je pense donc que c’est un excellent environnement auquel nous avons accès. De notre côté, l’un de nos impératifs stratégiques est d’être innovants, d’être différents et de rendre l’assurance meilleure. L’objectif est donc plus large pour nous. Donc, chez Definity, nous faisons plusieurs choses. L’une d’entre elles est d’investir dans les insurtechs et les fintechs. Nous le faisons par l’intermédiaire d’un certain nombre de fonds de risque. Pour nous, vous savez, il y a souvent l’opportunité de faire des investissements de suivi, mais cela nous permet surtout d’apprendre beaucoup. C’est l’avant-garde de ce qui pourrait arriver. Le deuxième domaine est celui des partenariats. Un exemple que je vous donnerais est Sonnet. Vous savez, nous avons des partenariats avec certaines organisations fintech, en particulier celles spécialisées en gestion de patrimoine. Nous cherchons à tester, à connaître et à comprendre les tendances de comportement des clients et à déceler les opportunités de vente croisée. Et puis, nous avons un groupe interne qui est très concentré sur ce sujet. Il s’agit de notre groupe de R&D. Ils analysent leur suivi et traduisent ensuite les opportunités en programmes. Nous devons être plus innovants. L’exemple que je pourrais vous donner, c’est la télématique, ou l’assurance basée sur l’utilisation, sur laquelle nous travaillons actuellement. Nous savons qu’il s’agit d’un élément clé pour réussir en tant que souscripteur automobile. Et donc, pour nous, comment capter les éléments les meilleurs et les plus innovants dans l’écosystème fintech, et ensuite devancer la concurrence quand nous arrivons sur le marché avec le produit? 

Keegan Iles : Nous avons couvert beaucoup de terrain, de la modernisation à la numérisation et la transformation. Je pourrais peut-être ajouter quelques autres « ismes » à la fin. Mais avant de conclure, j’aimerais savoir si vous avez des messages ou des conseils à donner aux auditeurs pour les aider à réussir la transformation de leur entreprise. 

Rowan Saunders : Eh bien, je dirais que, quand on fait une grande transformation, ce n’est pas une chose facile. Et je pense qu’il faut prendre du recul et s’y engager pleinement. Il y a donc deux choses qui ont fonctionné pour nous et que je recommanderais. L’une est de bien formuler les arguments en faveur du changement pour qu’ils soient crédibles tant à l’interne qu’à l’externe. Je pense qu’il faut vraiment être clair et avoir une vision convaincante, et aussi déterminer les paramètres du succès. Quels sont les indicateurs clés de performance que vous recherchez? Comment saurez-vous que vous avez réussi à concrétiser cette vision? L’autre point, c’est qu’il faut diriger depuis le sommet. Je veux dire que c’est une démarche descendante. L’équipe dirigeante doit être engagée. Elle doit diriger activement, du chef de la direction au conseil d’administration. Notre conseil d’administration a été très engagé dans tout ce processus de transformation. Je pense aussi qu’on ne peut pas concevoir cette démarche comme un processus de test et d’apprentissage, autrement dit, une démarche simplement progressive. D’une certaine manière, il faut s’engager à fond. On doit y consacrer le budget approprié. Et c’est pourquoi j’ai parlé d’un engagement total. Vous savez, une fois que vous avez pris cet engagement et que vous avez cette conviction, vous vous lancez à fond. La gouvernance est, bien sûr, importante : assurer le suivi, déterminer des jalons. Et je dirais aussi, l’intensité opérationnelle. C’est une tâche difficile, qui prend du temps. Tout ne va pas en ligne droite et tout ne fonctionne pas exactement comme on l’aurait pensé. Donc, repérer rapidement les écarts et s’adapter sans perdre son élan et en somme, faire preuve de résilience. C’est, je pense, le point final. Et c’est absolument possible. C’est pourquoi, quand on regarde maintenant ce que nous avons fait chez Definity ces deux dernières années, vous savez, je ne peux pas vous dire à quel point je suis fier de notre équipe. Nous sommes vraiment satisfaits de la performance de l’entreprise et des investissements que nous avons réalisés, et nous sommes enthousiastes quant aux opportunités qui nous attendent. 

Keegan Iles : C’était fantastique, Rowan. Merci d’avoir passé du temps avec nous pour nous donner un aperçu de la transformation de Definity. C’était un plaisir de vous accueillir à notre balado. 

Rowan Saunders : Eh bien, merci beaucoup de m’avoir reçu, Keegan Iles. J’ai été ravi de discuter avec vous. C’est une transformation vraiment importante pour nous, et donc merci de votre intérêt. 

Keegan Iles : Je tiens également à remercier nos auditeurs d’avoir passé du temps avec nous aujourd’hui. Ne manquez pas de liker et de vous abonner pour être les premiers à entendre le dernier épisode de la série CEO Viewpoints. 


Le rôle de la culture d’entreprise dans la gestion des enjeux de cybersécurité

Le point de vue de Ken Hartwick, d’Ontario Power Generation, sur le développement de la résilience face à des risques numériques en constante évolution.

Richard : Bonjour et bienvenue à la série balado « CEO Viewpoints » de PwC Canada. Pour ceux qui se joignent à nous pour la première fois, c’est une série dans laquelle nous discutons avec des dirigeants de grandes entreprises canadiennes des thèmes clés de notre 25e Enquête mondiale annuelle auprès des chefs de direction. Dans notre dernier épisode, nous avons abordé la façon dont les PDG abordent les enjeux de cybersécurité, qu’il s’agisse du renforcement de la législation, des tactiques de gestion des risques ou de la mobilisation du conseil d’administration. Je m’appelle Richard Wilson et je suis un associé chez PwC Canada, spécialisé en cybersécurité et protection des renseignements personnels. Aujourd’hui, nous avons un invité avec lequel je suis personnellement très heureux de passer un peu de temps, Ken Hartwick, président et chef de la direction d’Ontario Power Generation ou OPG. Ken, nous sommes ravis de vous accueillir parmi nous aujourd’hui. Bienvenue.

Ken : J’apprécie, Rich, et ça va être une bonne conversation, très actuelle étant donné ce qui se passe dans le monde, à la fois sur la façon dont cet enjeu nous affecte et sur la perspective de PwC.

Richard : Tout à fait d’accord. Le cyberespace ne semble pas près de disparaître, n’est-ce pas? Alors, plongeons dans le vif du sujet. Il n’est pas surprenant qu’au cours des cinq dernières années consécutives de notre enquête annuelle, 53 % des cadres canadiens se disent très ou extrêmement préoccupés par les menaces liées à la cybersécurité qui pourraient nuire à leur entreprise. Le fait qu’il s’agisse d’une menace majeure depuis tant d’années montre à quel point il est difficile pour les entreprises d’essayer de résoudre ce problème. C’est un risque important. Nous aimerions connaître votre point de vue sur la question. En tant que chef de direction, comment pensez-vous et comment gérez-vous le cyberrisque?

Ken : Commençons par votre tout premier commentaire sur ce sujet. Je pense que la raison pour laquelle ce risque reste en tête des préoccupations des chefs de direction et de beaucoup d’autres personnes, c’est qu’il est de plus en plus difficile à gérer. Pour beaucoup des enjeux que nous traitons dans les affaires, qu’il s’agisse de l’intégration d’une entreprise ou de la sécurité, nous avons l’impression de pouvoir les devancer ou de progresser dans leur gestion. Or, je pense que le cyberrisque est l’un des rares domaines où, personnellement, j’ai toujours l’impression que quoi que nous fassions, nous ne sommes pas plus avancés. C’est peut-être à cause de la nature de la menace, de la nature des gens qui s’adonnent à ces activités criminelles que vous voyez probablement dans le monde. Ils deviennent de plus en plus intelligents. Et je pense que c’est ce qui met les conseils d’administration mal à l’aise. Et les chefs de direction et les cadres sont mal à l’aise parce qu’ils n’ont pas l’impression d’avoir acquis plus de sécurité ou de performance la semaine suivante, le mois suivant ou l’année suivante. C’est toujours un travail en cours et c’est pourquoi il reste en haut de notre liste. À cause de ce manque d’assurance de pouvoir dire « super, en voilà un de réglé ». Quel risque vais-je devoir gérer ensuite? Je ne pense pas que l’enjeu de la cybersécurité puisse jamais être éliminé de la carte des risques.

Richard : Assez juste. Donc vous allez continuer à faire des progrès. Vous décelez et gérez ces risques et vous en réglez certains, et puis d’autres commencent à se présenter. Et vous avez l’impression qu’il y a ce mouvement perpétuel autour d’eux. Comment faites-vous pour que votre conseil d’administration soit relativement à l’aise avec ce processus?

Ken : C’est certainement tout un travail. Nous gérons de gros actifs énergétiques, des actifs de production. Beaucoup d’entre eux sont essentiels au fonctionnement du réseau de distribution électrique de la province de l’Ontario et d’un grand nombre d’actifs hydroélectriques aux États-Unis. Donc, dans nos interactions avec le conseil, nous essayons de tenir compte de cette perspective quand nous parlons de ce que nous faisons pour gérer le cyberrisque, tout en indiquant clairement nos lacunes. À mon avis, l’une des erreurs que les gens font est d’essayer de faire croire que le risque est mieux maîtrisé qu’il ne l’est. Je pense que si les conseils d’administration sont vraiment ouverts, honnêtes et transparents à propos des lacunes qui subsistent, ils sont probablement conscients que les plus grandes lacunes sont celles que nous ne connaissons pas encore en tant qu’entreprise. Et quand elles se manifestent et que les problèmes surviennent, il faut être vraiment ouvert et essayer de comprendre, d’expliquer à votre conseil d’administration pourquoi ça s’est produit. Et puis, des problèmes surviennent dans toutes les entreprises, y compris dans le domaine de la cybersécurité, et je pense souvent qu’avec n’importe quel conseil d’administration, c’est la vitesse à laquelle on réagit et on résout les problèmes qui donnera confiance au conseil d’administration, en lui montrant qu’on dispose des bonnes ressources. Parce qu’autrement, la seule solution pour n’importe quel conseil d’administration, c’est d’injecter plus de ressources dans la gestion d’un enjeu. Et parfois, davantage de ressources ne vous donne pas une meilleure réponse. Parfois, c’est en étant plus intelligent qu’on obtient une meilleure réponse. Et c’est là que je pense que les cadres, avec l’aide de conseillers comme vous, peuvent nous aider à être plus intelligents plutôt que d’en faire plus.

Richard : En tant qu’ancien membre d’un CA, je me sens très rassuré d’entendre ce que vous venez de dire, parce que quand on siège à un CA et qu’on écoute un rapport de la direction, une question binaire traverse l’esprit, à savoir d’abord « est-ce que j’obtiens une information vraie et transparente? » Je n’ai pas besoin que ce soit parfait. J’ai juste besoin d’avoir l’heure juste sur la situation pour pouvoir réfléchir à comment la gérer. Et l’autre volet de cette question, c’est que ça semble trop beau pour être vrai, alors est-ce le cas? Donc la franchise, la transparence dont vous avez parlé à propos de ces lacunes, donne certainement au CA l’assurance de connaître les enjeux, et de pouvoir ensuite y travailler ensemble avec la direction. C’est donc vraiment un bon conseil. Eh bien, explorons dans la question suivante, que vous avez commencé à aborder, à savoir l’impact réel de ces cybercrimes sur les opérations d’une entreprise, sur sa réputation ou sur ses finances, voire sur son développement durable. Nous observons sur le marché une forte tendance à l’intégration des technologies, des processus et des organisations, certainement dans le secteur de l’énergie. Du point de vue d’un chef de direction, l’intégration est-elle une force ou une faiblesse en matière de cybersécurité?

Ken : La force, quand on intègre un système – par exemple, si nous nous intégrons avec le Québec, le Manitoba, New York, le Michigan –, est une force économique, parce qu’on est plus optimal dans l’utilisation des ressources et dans la production d’énergie dont on a besoin. Dans notre cas, cela se mesure en volume de transport d’énergie. C’est donc une force. La faiblesse, c’est que vous êtes aussi fort que le maillon le plus faible de cette chaîne d’intégration. C’est tout à fait vrai pour le réseau électrique. Nous sommes fortement intégrés aux provinces voisines et jusqu’au nord-est, et au Midwest des États-Unis. Et si l’un d’entre nous a un problème majeur, c’est le problème de tous. Aujourd’hui, vous savez, cette intégration oblige vraiment toutes les entités qui en font partie à surveiller les autres et à les tenir responsables de maintenir un niveau très élevé de cybersécurité. C’est un environnement difficile à gérer quand on essaie de compter sur le fonctionnement interne de, probablement dans notre cas, environ 50 autres organisations, pour atteindre le niveau d’excellence qu’on pense avoir atteint. Ça peut occuper vos pensées la nuit plus que vous ne le voulez.

Richard : Je ne peux qu’imaginer, et je suppose qu’en ce qui concerne le réseau de distributeurs et de fournisseurs sur lequel vous comptez pour gérer votre entreprise, vous adoptez peut-être là aussi une stratégie du type « faire confiance mais vérifier ». Autrement dit, vous pourriez leur demander de manière contractuelle de se sécuriser à un certain niveau, et de vous donner une certaine assurance qu’ils y parviennent. Il semble donc qu’il y a là tout un écosystème coordonné et interconnecté.

Ken : Parce que nous gérons des installations nucléaires, nous vérifions. La confiance n’entre pas vraiment en ligne de compte. Vous ne pouvez tout simplement pas faire confiance, parce que ce serait une erreur n’importe où dans la chaîne. Et je pense que la plupart de nos fournisseurs préfèrent que nous vérifiions tout le long de la chaîne pour leur donner l’assurance que leurs programmes de qualité fonctionnent, que leurs programmes de cyberprotection fonctionnent. Encore une fois, c’est peut-être l’un de ces secteurs, comme le nôtre, les soins de santé et les banques, dans lesquels on peut insister davantage sur la vérification sans que personne ne s’énerve. Si on nous demande de vérifier notre état de préparation en cybersécurité pour en rendre compte aux entités qui supervisent le réseau électrique nord-américain, tout est vérifié.

Richard : Ça semble être un signe des choses à venir. C’est donc un bon conseil pour toute organisation d’accroître son efficacité à prouver qu’elle est sécurisée. Parce qu’il parait que la question sera de plus en plus posée à mesure que les choses avancent. Tournons nos regards vers l’intérieur de votre organisation pendant une minute. Il est évident que vous vous tenez informé des tendances qui pourraient nuire à votre organisation. Et il semble que vous ayez besoin de développer une bonne culture de cybersécurité pour y faire face. Donnez-nous donc votre avis. Comment développez-vous une cyberculture efficace au sein de votre entreprise, et quels conseils avez-vous pour donner le bon ton depuis le sommet?

Ken : Peut-être deux ou trois choses. Nous sommes très fiers de notre culture de sécurité. Vous savez, nous travaillons avec des équipements, des pièces mobiles, de l’eau, de l’eau en mouvement, des centrales nucléaires. La priorité à la sécurité est donc ancrée dans l’entreprise. Prendre soin de la personne qui travaille à ses côtés. Ne pas pénétrer dans un environnement de travail qui n’est pas sûr pour pouvoir rentrer chez soi à la fin de son quart ou de sa journée exactement comme on est entré. Je pense que la cybersécurité doit atteindre le même niveau de priorité. Pour moi, c’est la même philosophie que pour tout ce que nous faisons, parce qu’un cyberévénement peut entraîner un événement de sécurité, des impacts sur les clients, des problèmes de réputation. Mais en réalité, il s’agit de toute la culture de l’organisation. Les employés réfléchissent tout autant à l’ouverture d’un courriel qu’à la vérification d’une pièce d’équipement qui entre dans notre usine. C’est donc une seconde nature. Je pense que c’est là le défi. Dans chaque organisation, c’est une chose différente qui est la plus importante. Chez nous, par exemple, nous misons vraiment sur la sécurité. Personne ne doit être blessé. Et ça résonne aux oreilles des employés. Le conseil que je donne aux gens, c’est donc de choisir une analogie que la personne moyenne au sein de votre organisation peut comprendre. Parce qu’encore une fois, ce que je vois parfois chez nous, c’est que la conversation est ciblée sur nos informaticiens et sur les gens qui sont déjà informés. Eh bien, elle doit être ciblée sur chacun de ceux qui ont un courriel, chacun de ceux qui font de l’assurance qualité sur des pièces d’équipement, chacun de ceux qui participent à notre intégration avec ces autres services publics. Donc, les analogies ont tendance à être la meilleure chose. Nous misons beaucoup sur l’analogie selon laquelle si on pense à la sécurité d’une certaine manière, on doit penser à la cybersécurité de la même manière.

Richard : Formidable! Est-ce que vous organisez des réunions sur la cybersécurité au cours desquelles le chef de la sécurité de l’information informe la direction, ou bien avez-vous un mécanisme de briefing ascendant et comment cela se passe-t-il?

Ken : Toutes les trois semaines, nous nous réunissons, moi-même et cinq autres membres de notre équipe de direction, pour une séance d’information. Et vous pourriez dire que se réunir toutes les trois semaines, c’est beaucoup. Mais si vous revenez aux résultats de votre enquête, qui révèlent que c’est l’un des trois principaux risques, pourquoi ne participerai-je pas aussi fréquemment à l’analyse de cet enjeu? C’est très régulier, et nous faisons deux choses au cours de ces briefings. La première est de savoir quels ont été les événements des deux dernières semaines. Et puis un deuxième aspect est l’éducation pure. Parce que je pense que c’est la seule façon d’élever une organisation. Je suis un comptable, et non un spécialiste de la technologie. Je ne suis certainement pas un cyber-spécialiste. Mais je dois avoir une bonne connaissance pratique de ce à quoi nous sommes confrontés en tant qu’organisation, afin de pouvoir prendre des décisions en matière de budget, d’affectation des ressources et de gestion du personnel, car c’est ce que le conseil attend. Donc, sachant que c’est l’un de nos trois principaux risques, en tant que chef de la direction, je ne peux pas assumer mes fonctions sans savoir comment tout cela fonctionne.

Richard : Assez juste. Je suppose que cela repose également sur le fait d’avoir un chef de la sécurité de l’information vraiment à l’écoute, qui ne vous inonde pas de jargon technique, mais qui sait comment traduire toutes les données techniques qu’il reçoit sur les cybermenaces en une information que la direction peut absorber, comprendre et appliquer. On dirait que vous avez un bon chef de la sécurité de l’information qui vous aide à vous équiper de cette information.

Ken : Notre groupe fait exactement ce que vous avez décrit. Notre équipe réussit très bien à transposer un enjeu hautement technique dans l’environnement de gestion pour que les gens comme moi puissent le comprendre et, comme je l’ai dit, prendre des décisions de ressources en conséquence.

Richard : Dernière question pour vous, je suppose que les chefs de direction font face ces jours-ci à une liste croissante d’enjeux stratégiques qu’ils doivent prendre en considération dans la gestion de leur organisation, à savoir l’environnement, le social, la gouvernance, ou ce qu’on appelle les facteurs ESG, l’équité, la diversité et l’inclusion. Ces enjeux sont importants. La grande démission. Je veux dire, il y a un flux constant de sujets. Comment faire pour que la cybersécurité ne devienne pas un autre mot tendance, vide de sens? Comment rendre la cybersécurité pratique et l’intégrer aux processus de votre organisation pour réduire les risques plutôt que de la réduire à un acronyme?

Ken : J’en reviens à la question de savoir sur quoi les dirigeants insistent et ce qu’ils ne laissent pas passer. Nous pourrions dire que nous sommes confrontés à la même chose en matière de sécurité. Il serait très facile de passer à ces autres sujets, et de perdre de vue l’importance de la sécurité, et de la cybersécurité. Il s’agit juste de notre façon d’établir les priorités. Je pense donc que lorsque la haute direction sait que j’ai un certain degré d’intérêt pour la cybersécurité et que je connais les cinq autres cadres qui en sont régulièrement informés, elle comprend rapidement que c’est important pour l’organisation et pour notre réussite. Et encore une fois, ce que notre équipe cyber a fait, c’est vraiment simplifier le message pour que tout le monde dans l’organisation l’entende. Je pense qu’une autre sorte de séance de formation sera organisée à l’échelle de l’entreprise le mois prochain, pour permettre au personnel de garder le sujet à l’esprit. Je pense donc que si je me déconcentre de l’un de ces enjeux, l’organisation le fera aussi, et on aura un problème. Mais comme je l’ai dit, si la cybersécurité fait partie de nos trois principaux enjeux, ce qui est le cas, il n’y a aucune excuse pour la perdre de vue.

Richard : Formidable. On dirait que c’est un message très fort du haut vers le bas, et on dirait qu’il est répété souvent. Eh bien, vous nous avez donné des idées formidables et percutantes à considérer. Je tiens donc à vous dire un grand merci. Merci d’avoir été des nôtres aujourd’hui et de nous avoir donné quelques pistes de réflexion intéressantes.

Ken : Merci. J’apprécie la conversation, et j’apprécie l’aide précieuse de votre cabinet pour nous engager dans cette voie de constant rattrapage.

Richard : Très bien. Eh bien, nous voilà à la conclusion de notre discussion d’aujourd’hui. Ken, merci beaucoup d’avoir passé du temps avec moi. Le temps est passé trop vite. Mais nous avons obtenu de vous d’excellentes idées sur l’incidence de la cybersécurité pour les organisations et sur la manière dont vous vous organisez pour la gérer, du haut vers le bas. Je tiens également à remercier nos auditeurs. Merci d’avoir passé du temps avec nous aujourd’hui. Si vous avez apprécié cet épisode, n’hésitez pas à vous abonner à la série balado « CEO Viewpoints » et à écouter le dernier épisode de la saison.


Comment les dirigeants peuvent adopter une approche systématique en cybersécurité

Le point de vue d’Indrani Butany-DeSouza sur les éléments clés qui permettent de maintenir la vigilance face à l’évolution des risques numériques.

Richard : Bonjour et bienvenue à la série balado CEO Viewpoints de PwC Canada, dans laquelle nous discutons des principaux thèmes qui ressortent de notre 25e Enquête mondiale annuelle auprès des chefs de direction. Merci d’être parmi nous alors que nous explorons plus en profondeur les principaux défis auxquels les chefs de direction canadiens font face. Aujourd’hui, nous nous concentrons sur la façon dont les chefs de direction abordent la cybersécurité et établissent des priorités en la matière. Je m’appelle Richard Wilson, et je suis associé au sein du groupe Cybersécurité, protection des renseignements personnels et lutte contre la criminalité financière chez PwC Canada. Je suis ravi de rencontrer aujourd’hui Indrani Butany-DeSouza, qui est présidente et chef de la direction d’Elexicon Energy, une entreprise de distribution d’électricité de l’Ontario, très occupée et fort bien gérée. Bienvenue Indrani. Je suis très heureux de pouvoir discuter avec vous aujourd’hui.

Indrani : Merci de l’invitation. Je suis enchantée d’être ici.

Richard : Pour nos auditeurs, je vais demander à Indrani de nous exposer son point de vue sur le rôle d’un chef de direction dans la gestion et la gouvernance de la cybersécurité, et sur la façon de mobiliser le conseil d’administration, ainsi que d’établir la confiance, et de la préserver, avec les parties prenantes . Indrani, allons droit au but. C’est la cinquième année consécutive que notre Enquête annuelle auprès des chefs de direction révèle que pour les dirigeants canadiens, les menaces à la cybersécurité sont la plus grave menace à la croissance. En fait, plus de la moitié de ceux-ci se disent très ou extrêmement inquiets des menaces à la cybersécurité qui pourraient nuire à leur entreprise. Le fait que ce soit considéré comme une menace prioritaire depuis tant d’années en dit long sur la complexité de la protection des organisations contre les attaques. Elexicon, par exemple, possède des systèmes informatiques, des systèmes d’exploitation de l’énergie ainsi que des données sur les clients, les fournisseurs et les partenaires. Il s’agit d’un environnement très complexe. En tant que chef de la direction, quel est votre point de vue sur la façon dont les dirigeants devraient envisager la cybersécurité ? Devraient-ils s’en inquiéter ? 

Indrani : C’est une excellente question, qui est directement liée au fait que nous sommes, aujourd’hui plus que jamais, dans une économie numérique du savoir. La numérisation et l’économie du savoir sont des moteurs clés de la prospérité pour notre entreprise et d’autres partout au pays, et franchement, à l’échelle mondiale. Cependant, considérant cette transition continue et cette dépendance à l’égard des outils et des technologies numériques, tous les chefs de direction – y compris moi-même – doivent examiner leurs efforts de numérisation, mais aussi demeurer extrêmement vigilants quant à l’importance accordée à l’atténuation des risques en matière de cybercriminalité. Et la collaboration avec notre conseil d’administration pour superviser la gouvernance et le profil de risque de l’entreprise nous indique clairement qu’il s’agit également d’un sujet de préoccupation central pour les administrateurs. De toute évidence, pour moi comme pour les dirigeants de mon entreprise et l’ensemble de celle-ci, il s’agit d’un élément essentiel pour être en mesure de livrer l’électricité à nos consommateurs en toute sécurité, de façon fiable et continue, et pour continuer à répondre aux besoins de nos clients. C’est donc au cœur de nos objectifs d’affaires et de notre stratégie d’entreprise. Mais pour répondre à la question que vous m’avez posée, à savoir pourquoi les chefs de direction doivent y réfléchir et pourquoi c’est une préoccupation de premier plan, je dirais que c’est en partie parce que nous devons comprendre à quoi ressemble un bon cadre de cybersécurité et comment le décomposer en ses différentes parties afin de traiter systématiquement les risques, de mesurer où nous en sommes à partir d’un point de référence et ensuite d’évaluer si nos investissements liés à la cybersécurité permettent réellement d’atténuer les risques et d’obtenir les résultats escomptés. Au bout du compte, la cybersécurité, c’est un élément de risque de plus et un enjeu d’affaires de plus. Ce n’est pas si différent des relations de travail, ou de la gestion des actifs dans le contexte d’un distributeur local d’électricité ou d’une compagnie de services d’électricité. Mais c’est un enjeu qui doit être décomposé en différentes parties, lesquelles doivent ensuite être traitées et résolues. Un chef de direction doit évidemment gérer des enjeux stratégiques tous les jours. Mais le plus grand défi avec la cybersécurité, c’est qu’en plus de devoir traiter cet enjeu selon une approche systématique et le décomposer en divers éléments, il compte une composante importante que d’autres problèmes techniques n’ont pas, à savoir le facteur humain. C’est ce qui rend la cybersécurité plus fluide ou dynamique, mais aussi plus insaisissable et difficile à gérer. De manière générale, lorsqu’il y a un problème technologique, il est possible de s’y attaquer de façon systématique, mais il faut ensuite introduire le facteur humain. Car le défi de cette menace technologique, c’est que des acteurs malveillants font aussi constamment évoluer leurs moyens et leurs modes d’attaque. Pour la gestion des actifs, par exemple, je connais leur état de vieillissement, et je peux donc élaborer un plan et faire les investissements nécessaires pour faire face à ce risque et atténuer les conséquences négatives. Lorsqu’il s’agit de la cybersécurité, je peux définir le défi à relever ou les cyberrisques, et réaliser les investissements requis. Mais une fois que j’ai résolu ce problème, il y en a probablement cinq autres, dont trois que je connais sans doute et deux qui demeureront inconnus jusqu’à ce qu’ils soient révélés par les résultats malheureux d’une cyberattaque au sein d’une entreprise. Concernant le facteur humain, nous investissons évidemment dans la formation de notre personnel. La cybersécurité est un sujet de formation prioritaire pour notre entreprise, au même titre que nous investissons pour former sur la façon dont nous entreprenons nos activités sur le terrain ou sur l’équité, la diversité et l’inclusion. La liste pourrait continuer ainsi. Il s’agit d’un sujet de formation de plus, mais nous sommes dépendants de l’interaction entre la technologie et l’humain. Tous nos merveilleux employés doivent donc se souvenir de leur formation et être en mesure d’agir en fonction de celle-ci en tout temps. Lorsqu’il s’agit de cybersécurité et de cybermenaces, la menace est souvent si bénigne qu’il est difficile pour les gens de déceler si une chose est menaçante pour l’entreprise. C’est pourquoi la vigilance est essentielle. Et c’est la raison pour laquelle je dirais qu’il s’agit d’une préoccupation prioritaire pour les chefs de direction. C’est tout à fait stratégique, et c’est fondé sur l’investissement. Nous pouvons nous y attaquer de façon systématique, mais nous devons aussi reconnaître que le risque évolue constamment, et qu’il y a un facteur humain qu’il est difficile de prendre entièrement en compte. 

Richard : Fantastique. J’encourage toutes les personnes qui écoutent ce balado et qui exercent une fonction technique à revenir en arrière et à réécouter ce qui vient d’être dit, parce que c’est ainsi qu’un chef de direction voit la cybersécurité. Ce propos ne contenait pas d’acronymes. Ce n’était pas une analyse approfondie de toutes les technologies que nous achetons. J’aime la façon dont vous avez présenté le tout, soit une façon stratégique et systématique de s’attaquer au problème. Et selon moi, c’est exactement ainsi qu’une organisation éclairée doit s’y prendre. J’adore ça. Vous avez parlé abondamment des risques. Et les risques liés à la cybercriminalité peuvent entraîner des répercussions très graves sur les activités d’une entreprise, sa réputation, sa capacité à établir et maintenir la confiance, ses finances sans conteste, et même sa viabilité. Les conséquences peuvent être nombreuses. Il est donc important, comme vous venez de le mentionner, de privilégier une stratégie descendante en matière de cybersécurité. De nombreuses parties prenantes sont concernées. Dans ce contexte, comment percevez-vous le rôle du chef de la direction en matière de cybersécurité, parmi toutes les autres parties prenantes qui ont un rôle à jouer ? 

Indrani : C’est une question tellement intéressante, et j’aime que vous ayez souligné le fait que je n’ai pas utilisé d’acronymes, et c’est probablement parce que je les aurais mal utilisés. En fait, je crois qu’en matière de cybersécurité, le rôle du chef de la direction est pratiquement lié à cela, à savoir ne pas adopter une approche technique ou jargonneuse. En tant que chef de la direction, je ne crois pas que mon approche de la cybersécurité soit différente de celle que j’adopte pour tout autre investissement ou problème que je dois aborder ou pour lequel je dois faire preuve de leadership ou assurer une surveillance stratégique pour l’entreprise. La cybersécurité n’est qu’un enjeu stratégique de plus, qui est très fortement axé sur le risque. Dans notre cadre de gestion des risques d’entreprise, elle figure actuellement, et depuis plusieurs années, parmi les principaux risques pour l’organisation. Mais ce n’est qu’un problème de plus. Quoi qu’il en soit, nous gérons un certain nombre de risques, mais je dirais qu’en ce qui concerne la cybercriminalité et la cybersécurité, certaines choses sont légèrement différentes du point de vue d’un chef de direction. Et la plus importante, c’est l’éducation, pas seulement de moi-même et mon équipe de direction, mais aussi des membres du conseil d’administration. Nous entendons tous parler de cybersécurité. Et c’est certainement plus qu’un simple mot à la mode. Certes, c’est un sujet à la mode pour les conseils d’administration et les administrateurs qui réfléchissent aux domaines sur lesquels ils doivent concentrer leur surveillance. Mais le volet éducation est lié de façon assez centrale à la question de la tolérance au risque de l’organisation. Et selon moi, c’est là que se trouve la convergence entre l’éducation et l’évaluation du risque, ainsi que l’évaluation de l’investissement, parce que cela requiert de l’éducation, un suivi et une mesure en continu, puis une trajectoire pour les résultats. Quelles améliorations avons-nous réalisées et jusqu’où sommes-nous prêts à aller ? Ce qui m’empêche de dormir la nuit en ce qui a trait à la cybersécurité, c’est de bien informer mon équipe et mon conseil d’administration, car nous travaillons en collaboration pour atténuer les risques de l’entreprise, puis de trouver un équilibre entre les besoins des clients et ceux de l’entreprise en ce qui concerne les investissements que nous devons faire. Parce que, comme le sait quiconque s’est déjà penché sur la question de l’investissement dans la préparation à la cybersécurité et à l’atténuation des risques, on peut investir des millions de dollars dans ces domaines – et plusieurs organisations le font –, mais les fonds ne sont pas illimités et d’autres initiatives doivent aussi être prises en compte. Je dirais donc que mon rôle consiste autant à faire de l’éducation qu’à établir un partenariat entre l’équipe de direction et le conseil d’administration afin de m’assurer que nous comprenons tous le genre de risques auxquels nous faisons face et le niveau d’investissement requis, soit un niveau suffisant pour atténuer le potentiel d’un événement de cybersécurité. 

Richard : Il s’agit manifestement d’un rôle complexe, mais la façon dont vous donnez le ton, développez la culture et essayez de faire en sorte que tout le monde s’intègre dans cette façon très pratique et sensée d’aborder le problème élimine une partie de la peur et du chaos qui peuvent l’entourer si vous ne faites pas attention. Il me semble donc que c’est une manière très appropriée de procéder. Pour que vous puissiez prendre les bonnes décisions en tant que chef de la direction, dans un contexte de cybercriminalité permanente, vous devez vous tenir au courant des tendances et des menaces, mais vous devez aussi rester en contact avec vos responsables de la sécurité et partenaires en la matière. Vous avez mentionné un partenaire important, à savoir votre conseil d’administration. Les membres du conseil se préoccupent évidemment de la façon dont les risques sont gérés au sein de l’entreprise. Quels sont vos meilleurs conseils à cet égard ? Comment pouvez-vous collaborer efficacement avec le conseil d’administration, et vous assurer qu’il soutienne votre programme de cybersécurité ? 

Indrani : C’est une bonne question. Au bout du compte, lorsqu’on divise le travail du conseil d’administration en différentes catégories, cela devient un peu une activité comme une autre. Tout ce que nous faisons, en tant que chef de la direction ou conseil d’administration, n’est qu’une question de plus. Je ne veux pas simplifier à outrance, mais je crois qu’il est essentiel de comprendre cela lorsque nous réfléchissons à notre façon d’interagir avec le conseil d’administration. Vous savez, nous disons souvent que dans la culture d’entreprise, il faut parler un langage commun. Ce n’est pas si différent avec le conseil d’administration, avec lequel nous devons parler un langage commun ou adopter une approche qui consiste à comprendre le langage qui interpelle ses membres. Donc lorsque j’examine les domaines sur lesquels mon conseil d’administration, ou tout autre conseil, a tendance à se concentrer, je constate qu’il s’agit de la stratégie, de la performance organisationnelle, des risques et bien évidemment de la gestion et de l’atténuation de ceux-ci, ainsi que de la réputation. Parmi ces quatre piliers ou domaines, le sujet de la cybersécurité est hautement technique. J’ai mentionné tantôt que l’approche que je vous présente n’est pas jargonneuse. C’est le cas non seulement parce que je ne suis pas une experte technique, mais surtout parce qu’il s’agit d’un enjeu comme les autres qui doit être décomposé simplement pour que les gens puissent comprendre ce sujet très technique. Il doit donc être traduit dans le langage du conseil d’administration : stratégie, performance, atténuation des risques et réputation. Dans ce cas, il faut décomposer la cybersécurité en sept ou huit éléments et pour chacun de ceux-ci, évaluer le niveau de risque et d’investissement que nous sommes prêts à faire collectivement dans un délai convenu. Cela signifie que nous évaluons le cyberrisque pour l’entreprise, ou ce que nous estimons qu’il est, puis que nous nous entendons sur le niveau de risque que nous sommes prêts à assumer. En contrepartie, il faut se demander quel est le niveau de risque que nous devons atténuer par rapport à celui que nous sommes prêts à continuer d’assumer. Car c’est en fonction de cela que nous pourrons nous entendre sur un budget financier, des ressources humaines et un échéancier pour atteindre cet objectif d’atténuation des risques. À mon avis, la pire chose à faire subir à un conseil d’administration serait d’ancrer ce sujet dans un jargon technique afin que les membres ne l’approchent pas et ne le comprennent pas. Car si quelque chose devait mal tourner, le conseil ne serait pas en mesure de dire qu’il a été pleinement informé, qu’il a pu absorber les informations, qu’il s’est senti à l’aise avec l’orientation adoptée et qu’il a pu l’appuyer. Or, je crois que dans le monde de la cybersécurité, il est essentiel que notre conseil d’administration nous soutienne et nous comprenne, et que nous soyons sur la même longueur d’onde quant au niveau d’atténuation des risques. 

Richard : Cela semble être un moyen idéal pour impliquer un conseil d’administration sans entrer dans les détails techniques, comme nous l’avons vu si souvent. Et je peux imaginer que cela doit être vraiment efficace. Car il s’agit de parler leur langage. Indrani, ces dernières années, j’ai observé que la transparence et la confiance étaient des thèmes récurrents en matière de leadership. On en entend parler régulièrement. Les chefs de direction ont souligné l’importance d’établir un lien de confiance avec leurs parties prenantes, et ils sont préoccupés par les répercussions potentielles d’un incident de cybersécurité sur ces relations, en particulier leurs employés et leurs clients. Qui sont vos principales parties prenantes et comment établissez-vous et maintenez-vous cette confiance essentielle et précieuse avec celles-ci en ce qui concerne la cybersécurité ? 

Indrani : Comme vous le savez, en tant que société locale de distribution d’électricité détenue par une municipalité, nous avons une myriade de parties prenantes. Cela dit, à cet égard également, je considère la cybersécurité de la même façon que je considère notre valeur la plus profondément ancrée, soit la sécurité et le bien-être, qui est la première préoccupation de tout chef de direction d’une entreprise d’électricité. Je vois donc la cybersécurité de la même manière que la sécurité et le bien-être, à savoir qu’il s’agit d’un élément fondamental et qu’il nous incombe de protéger la santé financière de nos employés, de nos clients et de nos partenaires, de même que leurs renseignements personnels et leur bien-être physique. En fait, ce que nous faisons, et ce que les services publics font depuis des années, c’est de bâtir une culture de la sécurité qui est aussi basée sur le bien-être, puisque nous sommes en 2022. Et en matière de cybersécurité, nous créons en plus une culture de sécurité. Par conséquent, nous jouons tous un rôle dans la sécurisation des systèmes, qu’il s’agisse de nos actifs physiques de distribution, parce que notre réseau est lié à la technologie, ou de nos actifs technologiques et numériques pour lesquels nous devons être vigilants. Nous devons nous préoccuper des niveaux de sécurité, tant pour les humains, du point de vue de la sécurité et du bien-être, que de la cybersécurité du point de vue de la culture de sécurité. Cette confiance va dans les deux sens, comme la sécurité et le bien-être. Nous avons besoin de la vigilance de nos employés. Il faut que les partenaires avec lesquels nous travaillons aient la volonté et le besoin de se protéger eux-mêmes ainsi que leurs actifs. C’est vraiment un travail d’équipe. Nous devons travailler tous ensemble, et la confiance repose sur le fait que chacun participe et intègre sa meilleure approche à la culture de sécurité. Nous veillons donc à être transparents avec nos clients lorsqu’il s’agit de collecter leurs données et de les utiliser. Évidemment, nous pouvons utiliser leurs données aux fins commerciales auxquelles elles sont destinées et non à d’autres fins. Mais nous devons adopter une approche systématique. Cela ne doit pas être fait dans l’agitation. Si je reviens au parallèle avec la sécurité, nous avons des processus et des protocoles en place afin que les gens puissent travailler en toute sécurité sur le terrain afin de gérer les actifs de notre réseau de distribution. La même approche s’applique à la gestion au sein d’une culture de sécurité ou à la gestion de la cybersécurité. Nous devons éliminer la peur, l’incertitude et le doute. Lorsque nous adoptons une approche pragmatique, il devient possible pour tout le monde de travailler en collaboration, puis de développer et maintenir cette confiance. Et selon moi, le résultat final lorsque nous y arrivons, et cela nous ramène à certains points que j’ai soulevés plus tôt dans notre discussion, c’est que nous nous retrouvons dans une position où notre conseil d’administration, qui est une partie prenante clé, est à l’aise avec le niveau de cyberrisque de l’entreprise ou qu’il peut le défendre. 

Richard : Excellent. Cela nous amène à la fin de notre discussion. Indrani, merci beaucoup d’avoir pris le temps de nous faire part de vos stratégies et de votre point de vue unique de chef de la direction. De toute évidence, vous avez réfléchi à ce sujet. Et vous savez, la gestion des parties prenantes et l’établissement de la confiance ne sont pas des choses faciles, mais vous avez de bonnes techniques pour y arriver. Je vous remercie donc d’avoir partagé votre point de vue avec nous. J’aimerais également remercier nos auditeurs d’être avec nous aujourd’hui. Ne manquez pas de vous abonner à cette série balado pour recevoir nos nouveaux épisodes dès leur lancement. Je m’appelle Richard Wilson et j’ai hâte de vous retrouver lors du prochain épisode de CEO Viewpoints.


Oser prendre les devants sur la voie vers le net zéro (partie 2 de 2)

Jason Storah d’Aviva Canada explique comment les dirigeants canadiens peuvent répondre à l’impératif croissant des questions ESG.

Elliott : Bienvenue à nouveau dans la série balado « CEO Viewpoints » de PwC Canada, qui porte sur les principaux thèmes de notre 25e Enquête mondiale auprès des chefs de direction. Dans la première partie de notre entretien avec Jason, chef de la direction d’Aviva Canada, nous avions décortiqué ce qui pousse les chefs d’entreprise à trouver des solutions aux questions ESG. Aujourd’hui, nous reprenons notre conversation avec Jason pour entendre son point de vue sur la façon de démarrer la mise en œuvre des stratégies ESG, sur l’élaboration de feuilles de route, et nous en apprendrons plus sur l’approche unique d’Aviva pour atteindre le net zéro. Jason, dans le premier épisode, vous avez mentionné une statistique intéressante. Nous constatons que seul un tiers des organisations canadiennes ont explicitement pris en compte le changement climatique dans leurs stratégies commerciales. Et pourtant, 51 % des chefs de direction interrogés ont déclaré que le changement climatique aurait un impact sur leur capacité à faire des affaires. Alors, à votre avis, qu’est-ce qui retient les dirigeants canadiens?

Jason : Je crois que ces statistiques sont justes. Elles sont donc, et sans aucun doute, un appel à l’action. Je suis conscient que ça peut être difficile pour les entreprises, quelle que soit leur taille. Je pense qu’il peut être difficile pour les entreprises de développer un plan parfait. Mais il n’y a pas de plan parfait. Le meilleur plan dans cet environnement est de se lancer dans un projet, de faire évoluer son plan et de recommencer à partir de là. Vous savez, l’autre chose dont je suis tout à fait conscient, c’est qu’il y a de plus en plus de pressions externes sur ce sujet. Il y a un certain nombre de secteurs où l’empreinte carbone est un élément qui est pris en compte et communiqué aux consommateurs, même si ce n’est pas encore le cas dans de nombreux secteurs. Mais c’est en train d’arriver. Vous pouvez voir la tendance. Je pense donc qu’il faut prendre de l’avance et commencer à s’éduquer, à comprendre et à intégrer le risque que l’on court en tant qu’entreprise, en tant que chef de direction, en tant que cadre supérieur ou en tant qu’employé, si on ne prend pas de l’avance et si l’on ne comprend pas. Quel est le risque futur pour l’entreprise, le gagne-pain, de ne pas comprendre ça? Et je pense que c’est là que ça devient très réel. Je pense que l’autre chose que l’on voit tout le temps dans cet environnement, c’est que les règles du jeu autour de l’ESG changent et que les définitions et les normes changent tout autant. Parce que c’est une évolution. Et je pense qu’il s’agit simplement de se lancer dans l’action et d’être transparent en apprenant au fur et à mesure. Et l’autre chose dont je suis tout à fait conscient, et nous le voyons au Canada, notamment au sud de la frontière, c’est l’impact de la pression politique sur cet environnement. Et je crois que le Canada n’est pas au même niveau que les États-Unis en ce qui concerne la politisation du débat national. Ça ne veut pas dire qu’il n’y a pas de polarisation des opinions, mais ça n’est pas encore au point où on se dit que si on fait quelque chose, on va le défaire à un moment donné dans le futur. Je pense donc que nous sommes actuellement dans un environnement où nous pouvons encore apporter des changements et créer un élan. J’observe tout cet environnement autour du changement climatique et de la gestion des risques de l’entreprise en tant que chef de la direction. Comment puis-je créer un élan futur? Parce que je ne peux pas passer de l’immobilisme au sprint. Je dois commencer à marcher, puis à trottiner, puis à courir et à sprinter. Et je pense que c’est l’opportunité que les chefs d’entreprise ont aujourd’hui. Et regardez autour de vous. Il y a des entreprises et des secteurs qui le font bien et d’autres qui le font mal. Et nous savons tous qui elles sont. Il n’y a pas de secrets dans ce domaine.

Elliott : Eh bien, un jour, pas sur le compte de PwC, nous pourrons aller prendre une bière et parler de la politisation du changement climatique au Canada.

Jason : Voilà.

Elliott : C’est une perspective légèrement différente. Il a soulevé un point concernant l’ESG. Je dirais que l’ESG est comme la galaxie. Elle s’étend dans toutes les directions, à une vitesse incroyable, à tout moment. Vous avez entrepris ce parcours, connu ces mises en garde au fur et à mesure. Vous avez eu une sorte de réflexe de marche, de course, de sprint. Et nous venons de dire qu’un grand nombre de dirigeants canadiens ne font que commencer ou n’ont pas encore commencé. Donc, lorsque vous réfléchissez à votre parcours, en progressant, que pouvez-vous dire des risques que vous avez gérés ou des opportunités que vous avez saisies? Comment peut-on inspirer les chefs d’entreprise canadiens à passer à l’action en se basant sur votre expérience ?

Jason : Les risques, c’est l’inconnu, d’accord ? Les coûts inconnus associés à l’action. Vous savez, si j’y pense, c’est juste pour donner vie à ça dans le domaine des assurances. Les risques sont ce qui va nous coûter plus cher pour régler les sinistres de manière durable. Les risques sont les suivants : notre portefeuille d’investissement va-t-il générer le type de rendement dont nous avons besoin, alors que les concurrents vont y parvenir ? Nous ne le savons pas. Je pense donc qu’il est toujours possible d’examiner ces risques, en particulier lorsqu’il existe des précédents, pour savoir comment ça va se passer. Il ne s’agit pas de copier un livre de recettes. Mais je pense qu’on doit se pencher sur ces risques et recommencer au fur et à mesure plutôt que d’essayer de commencer avec une solution parfaite ou un plan qui a quelque chose de plus qu’une indication. Vous savez, je pense que c’est un environnement tellement émergent qu’au cours des derniers mois, nous avons recherché les futurs administrateurs non dirigeants pour les conseils d’administration et l’ESG est désormais une exigence évidente. Lorsque vous regardez les matrices de compétences des conseils d’administration, l’ESG y figure. Il y a quelques années, l’ESG ne figurait même pas dans la matrice des compétences. Il est donc assez difficile de se demander où l’on peut trouver cette capacité et cette expérience d’expert. Mais ce n’est pas une raison pour ne pas le faire. Ce n’est pas une raison pour choisir quelqu’un avec un ensemble d’expériences et de compétences plus traditionnelles plutôt que quelque chose qui commence à devenir plus répandu à l’avenir. Et je pense que si quelqu’un cherche de l’inspiration, il y a des gens qui ont des points de vue différents sur la science, le changement climatique, ses causes et autres. Je suis plutôt entouré de gens qui ne pensent pas comme moi. Mais nous avons des choses en commun autour de ce que nous croyons, nous voulons faire du point de vue de l’entreprise, ce que nous voulons faire pour nos clients, ce que nous voulons faire pour les gens qui travaillent dans l’entreprise pour laquelle je travaille. Et donc je pense qu’il n’est pas si difficile de se mobiliser autour d’un problème commun. Mais il faut être honnête et transparent avec tout le monde sur la nature de ce problème. Dans mon cas et dans celui d’Aviva, nous constatons les effets très concrets d’un problème commun, à savoir le coût du changement climatique pour les individus lorsqu’ils perdent leur maison, leurs biens, et l’impact émotionnel et financier que ça a sur les gens. Il est assez facile pour les gens d’Aviva et du secteur de l’assurance dommages de se mobiliser autour de ça, je crois. Ensuite, il suffit de s’y mettre et de le décomposer en un plan gérable. Et suis personnellement convaincu que les gens seront inspirés par une grande ambition, mais seulement s’ils peuvent voir les étapes pour y arriver. Si vous déclarez de grandes ambitions sans feuille de route et que vous ne construisez pas cette feuille de route pour les gens, il devient très difficile de commencer à progresser.

Elliott : Et juste en réfléchissant à quelque chose que vous avez dit à propos des valeurs, il y a une personne qui s’appelle Katharine Hayhoe. C’est une climatologue canadienne qui vit au Texas, et c’est l’une des meilleures communicatrices au monde en matière de changement climatique. Et elle parle toujours de ramener le changement climatique aux valeurs des gens. Et j’aime ce que tu as dit là.

Jason : Je veux dire, c’est drôle, comme ma grand-mère avait l’habitude de dire, laissez un endroit en meilleur état que lorsque vous l’avez trouvé. Et je pense qu’on peut parfaitement appliquer cette approche à la gestion du changement climatique. Parce que, si je pense à la quantité de déchets que nous créons, la façon dont nos processus et nos flux de travail et ce que nous envoyons aux clients sont plus durables. Les compagnies d’assurance sont connues pour envoyer aux clients 40, 50, 60 pages en petits caractères sur leur police d’assurance. En plus de ne pas être particulièrement convivial pour le client, d’être une expérience terrible, ce n’est pas non plus très écologique. Donc, je pense qu’on peut toujours examiner différentes parties de ce qu’on fait en tant qu’entreprise et se dire qu’on peut faire mieux. Et maintenant je pense que l’objectif n’est pas seulement de faire mieux pour les clients, mais aussi de faire mieux pour l’environnement.

Elliott : Et je vais vous demander, je suis sûr que lorsque vous utilisez cet exemple de 40 à 50 pages, il y a quelqu’un parmi les dirigeants qui dit, oh, il faut vraiment ça d’un point de vue juridique. Et quelqu’un d’autre dit, il faut vraiment que ce soit sur papier. Vous savez, pour chacune de ces choses, vous pouvez trouver des raisons de ne pas les faire. Pouvez-vous nous faire part de vos réflexions sur ce que c’est que de diriger, de construire cette direction unifiée, de briser les silos autour de l’ESG ?

Jason : C’est un environnement où chacun a ses propres opinions. Je crois que ce qui est important, c’est le cas pour toutes les organisations, et je vais donner l’exemple d’Aviva. Les dirigeants d’Aviva au cours des dernières années, nous avons tous dû nous éduquer dans ce domaine. Puis nous avons tous dû ajouter la perspective ESG à ce que nous faisions jusqu’à présent, et changer notre façon de faire les choses. Je vais prendre un exemple sans rapport avec le climat, celui du meurtre de George Floyd. Et la réaction que cette affaire a provoquée. Et l’impact qu’elle a eu sur nous en tant qu’équipe de direction et le débat que nous devions avoir dans cette organisation était vraiment, vraiment pénible. Mais il n’y avait aucun moyen d’avoir ce débat sans qu’il soit pénible. On ne pouvait pas comprendre ce que ça signifiait pour les gens dans une entreprise comme Aviva sans avoir des discussions difficiles sur les expériences des gens. Et ce sont des expériences auxquelles je ne peux pas m’identifier parce qu’elles n’étaient pas les miennes, leurs contextes n’étaient pas les miens, et je prends cet exemple parce qu’il est impossible d’aborder ce sujet sans avoir des conversations difficiles et sans prendre des décisions et faire des compromis. Et si on ne voit pas de changement à la suite de ce débat et de ces conversations difficiles, c’est comme si on ne s’était pas donné la peine. Dans n’importe quelle partie de l’environnement ESG, je pense qu’il devrait y avoir des aspects où il y a un ajustement naturel ou on doit essayer de trouver des aspects où il y a un ajustement naturel avec l’objectif de l’entreprise, ce qu’elle fait pour ses clients. Mais il faut également être conscient du fait qu’il y aura des aspects qui causeront des frictions, et c’est la façon dont on gère ces frictions qui fera une réelle différence. Nous pourrions choisir d’ignorer le remboursement des bâtiments en cas de sinistre. C’est probablement moins cher à court terme. Nous pourrions choisir d’ignorer le fait d’être plus attentif à la réutilisation plutôt que d’utiliser toujours de nouveaux matériaux. C’est probablement moins cher, plus facile. Qui sait ? Peut-être que c’est plus facile d’attirer les clients. Mais la bonne chose à faire, c’est d’avoir des conversations plus courageuses, des conversations et des décisions plus difficiles, et peut-être de faire face à certaines des conséquences à court et moyen terme, qu’il s’agisse du coût ou des ressources nécessaires pour parvenir à un meilleur résultat. Et je pense que c’est vraiment important dans le domaine de l’ESG, car vous ne pouvez pas faire avancer les choses sans qu’il y ait une certaine friction et une certaine difficulté à y faire face.

Elliott : Est-ce que vous ressentez une certaine responsabilité personnelle envers vos employés en ce qui concerne l’ESG ?

Jason : Oui, parce que nous devrions montrer l’exemple. Tout ce qui en vaut la peine nécessite généralement des efforts. Et je pense que l’ESG en vaut vraiment la peine. Et ça demande beaucoup d’efforts. Je pense qu’il faut être prêt à se pencher sur la question. Et si on ne donne pas l’exemple, on ne peut pas s’attendre à ce que les autres suivent et à ce que les autres sortent de leur zone de confort. J’ai pris l’exemple de Black Lives Matter il y a un instant à propos du meurtre de George Floyd et de la réaction qu’il a suscitée. Comment peut-on penser que nous pourrions être une meilleure organisation et plus empathique envers les employés d’Aviva et la population du secteur de l’assurance ? Vous savez, dans la communauté noire, si on n’était pas préparé à avoir des conversations délicates et des conversations difficiles, et si on n’était pas préparé à le faire d’une manière qui, je l’espère, soutiendrait les gens...Et je pense que dans l’environnement climatique, qu’il s’agisse d’atteindre l’objectif net zéro ou d’une opération, c’est assez difficile. D’où vient notre énergie ? Quel type de flotte de véhicules utilise-t-on ? Combien de personnes travaillant pour Aviva ont une empreinte carbone ? C’est un peu différent. C’est un peu plus important. Et comment changer ça ? C’est juste que c’est toujours plus facile de s’y référer, bien que nous ayons toujours fait attention. Pas besoin de changer ce qui fonctionne. Ça fonctionne en quelque sorte. C’est assez difficile et ça demande un effort supplémentaire pour briser ces normes. Et nous voyons ça avec l’ESG plus qu’ailleurs.

Elliott : Effectivement. Et quand on dit aux gens que ça ne marche pas et que le changement est nécessaire, la conversation peut être assez personnelle. Et j’apprécie vraiment que vous partagiez vos réflexions personnelles. Je pourrais vous poser plusieurs questions. Mais je voudrais juste m’écarter du script pour une dernière question avant de conclure. Je veux dire, la passion dont vous venez de parler a été appelée le S de l’acronyme ESG, l’élément social de l’objectif d’Aviva. Y a-t-il une autre partie qui vous tient autant à cœur ?

Jason : Je pense que chaque élément a sa place à un moment donné. Le S de l’ESG, le programme de diversité, d’égalité et d’inclusion pour moi, c’est le signe que nous sommes en 2022. Nous devons en quelque sorte faire ça bien. C’est vrai. Mais assez c’est assez. Qu’il s’agisse des préjugés sexistes ou d’autres préjugés qui existent en milieu de travail, la façon dont nous préparons les gens à réussir, la façon dont nous les soutenons...Ça semble si évident, si proche et si facile à corriger. Passer à côté constituerait un crime. Maintenant, il y a d’autres éléments ESG qui me tiennent tout autant à cœur. Mais je pense que c’est peut-être aussi le reflet de la situation d’Aviva, des choses que nous avons faites ces dernières années et des domaines dans lesquels nous avons pu progresser. Mais ce qui est bien avec l’ESG, dans n’importe lequel de ses aspect, c’est qu’il n’y a pas de problème. C’est qu’au fur et à mesure que l’on avance, c’est se dire : d’accord, maintenant je peux voir comment atteindre le niveau suivant et ensuite je peux voir comment atteindre le niveau d’après. Mais si on ne progresse pas, on ne peut pas atteindre le niveau suivant. On n’a aucune chance. C’est vrai. Et je pense que c’est l’un des avantages de prendre au sérieux l’ESG, quelles que soient les composantes de l’ESG, et de vraiment, vraiment se concentrer dessus.

Elliott : Avez-vous un dernier message ou un conseil pour nos auditeurs en ce qui concerne l’ESG ?

Jason : Je pense que l’ESG est un sujet très vaste et c’est justement pour ça qu’il peut paraitre intimidant. Et parce qu’il peut être intimidant, il peut être facile de l’ignorer. Mon conseil aux gens est de le décomposer. Reconnaître qu’on ne sait pas tout. Reconnaître que les gens qui vous entourent ne savent pas tout ce qu’il y a à savoir sur le sujet. Mais ça ne veut pas dire que vous ne devez pas commencer à vous éduquer. Ça ne veut pas dire que vous ne pouvez pas commencer à faire quelque chose, aussi petit soit-il. L’une des choses que j’ai constatées et que nous avons constatées chez Aviva est que la focalisation fait une réelle différence. Vous ne pouvez pas tout faire en même temps, surtout dans un nouvel environnement. Il faut donc choisir ce qui est pertinent pour vous, ce qui est pertinent pour votre organisation et s’y attaquer avec une réelle rigueur et une grande concentration, ce qui fait toute la différence. Et puis je pense que l’autre partie qui découle de ça est d’être transparent sur ce que vous voulez atteindre. Il est donc essentiel de fixer des objectifs et de les communiquer, et d’être transparent à ce sujet. Et puis la dernière chose dans toute organisation est de lier ces objectifs à des incitatifs et à la rémunération de sorte qu’il y ait quelque chose à la fin de la journée ou à la fin de l’année qui se rattache au fait d’atteindre ces objectifs ou pas. De manière plus générale, l’ESG est un élément très, très coûteux de l’avenir à long terme. Pour cette raison, il est très facile de l’oublier à court terme, et il peut être assez bon marché de l’oublier à court terme. Mais si vous l’oubliez à court terme, ça ne peut que devenir un handicap. Et je ne pense pas qu’il y ait une industrie ou un secteur qui soit à l’abri de ça. Aucun secteur n’était à l’abri de la COVID. Maintenant, certaine secteurs de l’économie et certaines industries s’en sont mieux sorties que d’autres, mais tout le monde a été touché d’une manière ou d’une autre. Et comme je l’ai dit plus tôt, je pense que tout le monde va être touché par le changement climatique à des degrés divers. Personne n’en est à l’abri. Et la meilleure chose que nous puissions faire est de prendre les devants et d’essayer de le transformer, d’une énorme responsabilité imminente que les générations futures devront gérer en quelque chose que nous pouvons devancer et nous adapter en conséquence.

Elliott : Jason, merci encore une fois d’avoir pris le temps de nous présenter votre point de vue, et ce fut un plaisir d’entendre le parcours d’Aviva. J’aimerais également remercier nos auditeurs d’être avec nous aujourd’hui pour cetet deuxième partie. Si vous ne l’avez pas encore fait, n’oubliez pas de vous abonner pour recevoir nos nouveaux épisodes dès leur lancement. Le prochain épisode de « CEO Viewpoints » se déroulera en français, et la discussion portera sur un autre thème clé qui préoccupe les dirigeants canadiens, notamment la cybersécurité. Je suis Elliott Cappell et je vous remercie de votre attention.


Oser prendre les devants sur la voie vers le net zéro (partie 1 de 2)

Jason Storah d’Aviva Canada explique comment les organisations peuvent aller au-delà des engagements ESG pour concrétiser leur responsabilité.

Elliott : Bonjour et bienvenue à la série balado « CEO ViewPoints » de PwC Canada, où nous discutons des principaux thèmes de notre 25e Enquête mondiale annuelle auprès des chefs de direction. Les organisations subissent des pressions de la part des actionnaires, des investisseurs et des clients pour aller au-delà de l’objectif net zéro. On attend de plus en plus des plans de transition concrets, des rapports transparents, ainsi qu’un leadership et une responsabilité accrus de la part des dirigeants. Dans nos deux derniers épisodes, nous avons parlé de la façon dont les facteurs environnement, société et gouvernance, connus sous le nom d’ESG, se sont hissés au sommet des priorités de stratégie et de transformation. Aujourd’hui, nous allons poursuivre la conversation sur l’ESG dans cette première partie d’un épisode en deux volets. Cette fois, nous allons nous concentrer davantage sur le concept « net zéro » et sur l’importance pour les dirigeants de prendre des mesures audacieuses pour assurer l’avenir. Je m’appelle Elliott Cappell et je serai votre hôte pour cet épisode spécial en deux parties. Je suis associé et leader national, Changements climatiques chez PwC Canada. Merci beaucoup de vous joindre à nous aujourd’hui. Nous avons un invité extraordinaire. Jason Storah, chef de la direction d’Aviva Canada, nous parlera des stratégies d’ESG de cette entreprise et de ses efforts pour atteindre l’objectif net zéro. Bienvenue, Jason.

Jason : Bonjour Elliott. Merci de me recevoir.

Elliott : Merci d’être venu à bord. Nous pourrions peut-être commencer par vous demander de nous parler de votre parcours en tant que chef de la direction d’Aviva Canada.

Jason : Donc, je suis chez Aviva depuis 18 ans maintenant, et je suis chef de la direction depuis les trois dernières années. Mais avant d’occuper ce poste, j’ai assumé diverses fonctions dans toutes les unités d’Aviva Canada. Je pense donc que je connais bien cette entreprise. Je pense en fait connaître assez bien le secteur de l’assurance au Canada en général. Quand j’ai été nommé à mon poste actuel, on a dit de moi que j’étais un vétéran de l’industrie canadienne de l’assurance. Le mot « vétéran » ne m’a pas emballé, mais c’est sans doute à cause de mon ego et de ma tendance à nier mon âge. Mais bon, le fait d’avoir exercé une série de rôles différents implique que je connais bien cette entreprise. Je pense avoir vu, vous savez, différentes parties du cycle de l’assurance au Canada et comment nous et le reste de l’industrie y avons réagi. Et j’ai aussi vu l’évolution de choses comme l’importance des collectivités et l’émergence de l’ESG. Vous savez, il n’y a pas si longtemps, nous ne parlions pas d’ESG en tant qu’entreprise. Donc, le fait que nous en soyons tous conscients et qu’Aviva dans son ensemble ait pris, je pense, une position de leadership aussi remarquable, est épatant en soi. Mais oui, je connais bien cette entreprise. J’occupe le poste de chef de la direction depuis bientôt trois ans, à une semaine près. Donc, j’ai évidemment vécu les neuf ou dix premiers mois comme un chef de direction normal, je dirais, bien que nouveau dans le rôle, et puis la COVID a frappé. Pendant la majeure partie de mon mandat en tant que chef de la direction, je me suis senti comme tous ceux qui devaient gérer le monde dans lequel nous vivons maintenant depuis les deux dernières années de pandémie, y compris le télétravail et tout le plaisir qui en découle. C’est une grande entreprise et je suis très chanceux d’avoir ce rôle.

Elliott : Félicitations pour votre troisième anniversaire!

Jason : Merci.

Elliott : J’aimerais commencer par poser une question générale sur le secteur de l’assurance, parce que quand on parle des changements climatiques au sens large, l’énergie, l’agriculture, les infrastructures, d’autres aspects de l’économie réelle, et puis les grands investisseurs, les fonds de pension, les banques, même la finance durable, ont tendance à prendre beaucoup d’oxygène. Je dirais que le secteur de l’assurance n’est pas souvent à l’avant-plan de cette conversation. Alors, quels sont les principaux moteurs de votre secteur et comment a-t-il joué un rôle de leader en matière de changements climatiques?

Jason : Oui, l’ironie de cette question, c’est que le secteur des assurances voit probablement les impacts du changement climatique davantage, ou certainement autant, que les autres secteurs. Vous savez, si on pense au passé, il y a une statistique qui circule selon laquelle dans les années 80, les catastrophes naturelles, ou les événements météorologiques, coûtaient à l’industrie des assurances au Canada entre 25 et 50 millions de dollars par an. Au cours des trois dernières années, ils ont coûté à l’industrie plus de 2 milliards de dollars par an. Les effets du changement climatique sont donc clairement visibles. On pense aux impacts des événements météorologiques sur le marché canadien, qu’il s’agisse d’ouragans sur la côte nord-est qui touchent le Canada atlantique, puis le Québec et l’Ontario, d’ouragans et de tempêtes en été en Alberta ou d’inondations en Colombie-Britannique comme nous l’avons vu en novembre. Vous savez, cette année en mai, il y a eu une tempête, principalement en Ontario, mais aussi au Québec, qui a coûté à l’industrie près d’un milliard de dollars. Donc, un milliard de dollars de perte en l’espace de 46 heures. Je pense donc que l’industrie de l’assurance a une bien meilleure vue d’ensemble des impacts du changement climatique et de la façon dont le climat évolue autour de nous que probablement bien d’autres industries. Et cela nous coûte certainement cher en tant qu’industrie. Et comme vous le savez, je pense, la meilleure réclamation est celle qu’on ne fait jamais, car personne ne veut avoir un sous-sol inondé. Personne ne veut voir un incendie ravager sa maison ou une fuite du toit causer des dommages. Donc, plus on peut faire pour s’éduquer soi-même et, dans notre industrie, éduquer les consommateurs sur les choses qu’ils peuvent faire pour limiter les dégâts, mieux c’est. Ensuite, en cas de sinistre, les assurés peuvent mieux reconstruire leurs propriétés et être dans une meilleure position à l’avenir. Vous savez, beaucoup d’études montrent que si l’industrie ou les assurés payaient des coûts supplémentaires de réparation après un sinistre, ils pourraient rendre leur toit ou le revêtement de leur maison plus résistants. Ils pourraient se protéger des sous-sols inondés. Et, vous savez, nous voyons tous les impacts de la montée des eaux et de la volatilité accrue des événements météorologiques. Je pense donc que c’est très, très réel pour le secteur de l’assurance. Et nous tentons d’être bien au fait de ces impacts et de réfléchir à ce que ça signifie pour les gens à l’avenir.

Elliott : C’est intéressant de voir que les exemples que vous avez donnés concernent vraiment les impacts physiques du changement climatique, la résilience, l’impact de l’environnement sur nous. Et pourtant, vous savez, une grande partie de la conversation aujourd’hui tourne autour de la décarbonisation, donc de notre impact sur l’environnement. Alors comment avez-vous réussi à utiliser cette conversation, qui porte sur notre impact immédiat, pour faire avancer les objectifs très ambitieux de votre organisation en matière de changement climatique?

Jason : En effet. Eh bien, Aviva a été le premier grand assureur au monde à présenter un objectif de zéro émission nette d’ici 2040. Maintenant, 2040 est encore loin, mais l’échéance arrivera plus vite qu’on ne le croit, et on doit dès maintenant prendre les mesures nécessaires pour réaliser cet objectif. Pour ce qui est de la décarbonisation, nous menons des activités avec nos partenaires pour nous assurer qu’ils se basent sur des objectifs scientifiques pour s’engager à réduire leur empreinte carbone, à atteindre l’objectif net zéro, si possible dans un délai raisonnable. La façon dont nous avons procédé est la suivante : la première chose que nous devons faire est de devenir net zéro dans nos propres opérations. La deuxième chose que nous voulons faire est de travailler avec des partenaires qui s’engagent à devenir net zéro dans un horizon de temps raisonnable. Mais, vous savez, ce n’est pas un problème facile à résoudre et ce n’est pas un défi facile à relever à courte échéance. L’approche que nous avons adoptée consiste donc à collaborer avec les gens, et non à les exclure, parce que c’est une industrie complexe. Vous connaissez le dicton : « il faut un village ». Il faut un village pour que le secteur de l’assurance fonctionne bien. Il faut donc travailler avec tous les membres de ce village et donner une chance à chacun. C’est donc à nous de prendre ces engagements, et surtout de montrer l’exemple. Je pense aussi que nous sommes très conscients qu’Aviva ne va pas changer le monde à elle seule. Mais si nous établissons la norme, qu’il s’agisse du calendrier des engagements que nous avons pris ou des actions concrètes que nous entreprenons, je suis fermement convaincu que les autres suivront. Pensez à l’espace des véhicules électriques et à la façon dont il a émergé, je veux dire, presque explosé au cours des dernières années. C’est particulièrement aigu en ce moment à cause de la crise. Dans l’ensemble, c’est lié à l’inflation, à la chaîne d’approvisionnement, au prix du pétrole et du gaz, etc. Mais, il n’y a pas tant d’années que cela, les gouvernements offraient des incitatifs pour encourager les gens à acheter des véhicules électriques. Maintenant, un certain nombre de ces gouvernements n’ont pas besoin d’offrir ces incitatifs. En fait, dans certaines parties du monde, les gouvernements parlent de percevoir plus de taxes sur les véhicules électriques pour faire face à certains des défis auxquels ils sont confrontés. Alors, à quelle vitesse cet environnement a-t-il changé? Je pense que nous constatons la même chose dans le domaine de l’assurance, qu’il s’agisse de l’impact climatique et des événements et conditions météorologiques extrêmes, ou de l’impact futur de la perte de biodiversité. Aviva s’intéresse de près à la perte de biodiversité. Nous avons un formidable partenariat avec le Fonds mondial pour la nature, au Canada et à l’échelle mondiale. Mais vous savez, il faut choisir ses priorités. Et l’une des choses que nous avons toutes apprises ces dernières années, c’est que le changement climatique est un problème si important, presque écrasant, qu’il peut être très facile de rester à l’écart, d’analyser et de tourner en rond. Mais en fait, il faut bien commencer quelque part. Et même si vous ne commencez que par vos propres opérations ou votre façon d’interagir avec vos clients ou vos partenaires, c’est un début. Cela vous mettra sur la voie de choses plus grandes et meilleures.

Elliott : J’aimerais vous poser une question sur la dernière chose que vous avez dite, en particulier sur le fait de commencer. Comme vous l’avez dit, il n’y a pas si longtemps, l’ESG n’était pas vraiment au premier rang des priorités et les choses ont changé très vite autour des VE et d’autres aspects du défi. Donc, d’après vous, en tant que leader, quel a été le catalyseur? Qu’est-ce qui vous a poussé à faire avancer l’ESG ou le changement climatique dans l’ordre du jour?

Jason : Il y a eu plusieurs motivations. La première était personnelle. J’ai un fils de 11 ans dont je ne sais pas quel avenir l’attend. Il aime la nature. Il aime les insectes, les animaux. Quand j’étais petit, j’adorais regarder les films de David Attenborough. De nos jours, David Attenborough donne une impression très différente du monde qui nous entoure et de ce que nous lui faisons subir. Donc je pense que juste à un niveau personnel, on sent que ce n’est pas quelque chose qu’on peut tout simplement ignorer. Deuxièmement, je pense que c’est très pertinent pour le secteur d’activité dans lequel je suis et l’entreprise pour laquelle je travaille. Le changement climatique a un impact sur nos clients tous les jours et à certaines périodes de l’année plus que d’autres. Nous constatons donc le coût financier du changement climatique. Nous voyons l’impact des événements météorologiques et les réclamations des gens. Et nous devons prendre les devants, parce que la situation ne fait qu’empirer. Et puis, je pense qu’il y a des leçons à tirer de la COVID, n’est-ce pas? La COVID a le plus durement frappé les plus vulnérables. Ça n’a pas été une chose qu’on pouvait simplement ignorer et qui disparaîtrait d’elle-même. Et c’est la science qui nous a permis de traverser cette épreuve, et qui nous permet encore de surmonter la COVID grâce à la recherche médicale. Donc, quel est le lien entre la COVID et le changement climatique, me direz-vous? Eh bien, la COVID-19 a été vraiment un événement majeur, mais ce n’est rien en comparaison avec les conséquences potentielles du changement climatique. Donc je regarde ça et je pense que toutes ces choses s’alignent. Et puis, comme je l’ai dit, je travaille pour une entreprise dont la mission est d’être avec vous aujourd’hui pour un lendemain meilleur. Et on ne peut pas réaliser cette mission si on ne pense pas à demain. Et on ne peut pas penser à demain sans tenir compte du climat et des impacts qu’il aura sur nos clients. Vous savez, j’ai la chance de penser que certains aspects de ma vie personnelle et de ma vie professionnelle se rejoignent assez bien. Mais même si je n’avais pas cette vision holistique des choses, n’importe laquelle de ces composantes de l’ESG serait suffisamment importante pour que je pense : « Il faut que je m’informe davantage sur ce sujet. Je dois faire une plus grande différence et avoir un plus grand impact, que ce soit dans ma vie personnelle ou dans le rôle que j’occupe chez Aviva ».

Elliott : Je trouve ça très convaincant, et je suis sûr que beaucoup de gens dans votre organisation et dans votre secteur sont d’accord avec moi. Mais quelles sont les stratégies utilisées pour mobiliser les gens dans votre organisation et dans l’industrie de manière plus générale, d’après votre expérience personnelle? Faites-vous le parallèle avec la COVID? Qu’est-ce qui vous a semblé le plus efficace?

Jason : La première chose, d’après moi, c’est que si on peut relier le climat ou l’ESG plus largement à la mission qu’on a en tant qu’organisation, c’est une façon vraiment facile de sensibiliser les gens. Et ce lien n’est pas présent dans toutes les entreprises ni tous les secteurs. Bien que je pense qu’aujourd’hui, vous savez, si vous dites que vous croyez qu’il est important d’être net zéro, je pense que toute industrie peut essayer de trouver un lien avec le net zéro aujourd’hui. Que doivent faire les entreprises pour devenir net zéro et pourquoi est-ce important? Pourquoi est-ce pertinent pour leurs employés et pour leurs clients? Je pense que, heureusement pour Aviva, il est facile pour nous de relier l’ESG à notre mission. Je pense que la deuxième chose à faire est de relier l’ESG à la stratégie, car si vous ne la reliez pas à vos principaux objectifs stratégiques, l’effort sera voué à l’échec. Ce ne sera qu’un slogan sur une belle présentation partagée avec le conseil d’administration ou les investisseurs, ou avec vos employés ou vos partenaires. Je pense que l’autre élément clé est de faire en sorte que les gens se mobilisent au niveau de la base. Vous savez, quand nous parlons de devenir net zéro d’ici 2040, nous avons concrétisé cet objectif pour les gens en leur disant : « Ça signifie que nous allons avoir une flotte de véhicules électriques, que nous allons avoir des bureaux à zéro émission, que nous allons utiliser de l’énergie provenant de sources qui sont durables, etc. » Et puis, en juin, nous avons eu notre première journée de développement durable pour tout le personnel, au cours de laquelle 1100 employés ont pu aider dans leurs communautés respectives. Qu’il s’agisse de quelque chose d’aussi simple que de ramasser des déchets, de planter des buissons et des arbres ou des espèces locales, d’essayer de lutter contre les espèces envahissantes, toute une série d’activités que nous avons créées pour que les employés puissent toucher et ressentir de près ce dont nous parlons, parce que sinon, ça semble éloigné, comme de simples mots sur une page. Nous venons de publier il y a un mois notre premier rapport sur le développement durable, dans lequel nous rendons publics les objectifs et les paramètres que nous mettons en place, la manière dont nous allons nous juger, et dont nous voulons que les autres nous jugent également. Et l’une des choses que je vais faire, c’est partager ce rapport avec d’autres personnes dans le secteur et dans d’autres secteurs pour dire « Écoutez, je vous envoie ça non pas pour faire la promotion d’Aviva, mais parce que j’aimerais bien que vous fassiez mieux que nous ». Une seule entreprise ne peut donc pas tout faire. Et vous savez, j’aime une bonne dose de compétition saine tout autant que n’importe qui. Il s’agit donc de lancer un défi : « Voici la barre maintenant, qui peut faire mieux? » Et puis nous pouvons aussi revenir à nous-mêmes et à nos équipes et dire « Vous avez vu ce que ABC a fait? C’est plus audacieux que ce à quoi nous nous sommes engagés. C’est un peu plus ambitieux. Comment pouvons-nous les battre? » Je pense que l’élan collectif est quelque chose que nous devons tous cultiver. L’autre chose dont je suis très conscient est la pertinence de l’ESG. J’entends les gens parler d’ESG, de taxonomie et de définitions et ça semble si éloigné de ce qui est pertinent pour moi et de l’influence que je peux avoir. Mais quand je pense aux impacts que je peux avoir, vous savez, dans ma propre maison ou dans la communauté où nous avons des bureaux ou avec notre personnel, cela pourrait être n’importe quel aspect de l’ESG. Nous avons beaucoup parlé du climat et du développement durable jusqu’à présent, mais je pense à d’autres aspects de l’ESG. À ce propos, je le dis absolument sans honte, Aviva Canada est la première grande société de services financiers au Canada à atteindre la parité de genres au niveau de la direction. Nous avons donc une répartition hommes-femmes de 50-50. Eh bien, la moyenne, je crois, pour les services financiers au Canada, est de seulement 30 à 35 % de femmes parmi les dirigeants. Ce n’est pas suffisant. Et ce n’est que le début d’une réflexion sur un programme de diversité et d’inclusion qui a encore beaucoup de chemin à faire. Donc, je pense qu’on peut considérer n’importe quel aspect du spectre ESG et dire « En quoi cela me concerne et qu’est-ce que je peux faire concrètement à ce sujet? » Et puis, pour conclure, je dirais que les gens ont la responsabilité de signaler quand le dialogue semble trop distant ou trop élevé. Parce que, oui, nous pouvons tous nous informer chaque jour, mais je pense que nous devons maintenant passer à des actions pratiques qui peuvent être des petits pas. Mais si on ne fait pas de petits pas, on ne peut certainement pas apprendre à marcher et à courir plus tard.

Elliott : J’ai eu le plaisir d’interviewer un autre cadre canadien qui m’a fait part d’une réflexion que je vais partager à mon tour avec vous : « Quand l’ESG ressemble à une liste de contrôle, c’est là que vous perdez des gens. »

Jason : Tout à fait.

Elliott : Exact. Il s’agit de savoir si vous gérez votre entreprise de manière à atténuer les risques et à saisir les opportunités dans le monde réel du 21e siècle. Mais dès qu’on leur demande s’ils ont interrogé les entreprises de leur portefeuille sur des enjeux importants précis, c’est là que les gens commencent vraiment à se voiler la face.

Jason : C’est sûr. Et je vais vous dire, dans le domaine de l’assurance, l’une des choses que nous avons vues, c’est que le dialogue dans l’assurance biens et dommages s’est jusqu’à présent limitée en grande partie à « Qu’allez-vous arrêter de faire pour vous rendre plus durable, pour atteindre le net zéro? » En fait, il doit y avoir plus de dialogue sur ce qu’on va commencer à faire. Vous savez, en particulier dans le domaine de l’assurance, dans quelle mesure les pratiques de réclamation des compagnies d’assurance sont-elles respectueuses de l’environnement? Nous savons que lorsque des maisons sont endommagées, tout un tas de matériaux endommagés finissent dans les décharges. Eh bien, il y a d’autres solutions que l’envoi de ces matériaux dans les décharges, et d’autres solutions que l’utilisation de peinture toxique et d’autres matériaux problématiques pour l’environnement. Et ce n’est qu’un aperçu du genre de choses que nous pouvons faire. Mais vous avez raison. Quand les enjeux sont vraiment de haut niveau, c’est si difficile de se mobiliser, je trouve.

Elliott : Eh bien, permettez-moi de poursuivre la conversation avec vous sur ce point. Je vais m’éloigner un peu du script ici parce que vous parlez de réclamations. Superbe exemple, n’est-ce pas? Et vous avez mentionné auparavant le concept de mieux reconstruire, mais je pense que tant de systèmes et de structures que nous avons – et je connais mieux le système public que l’espace de l’assurance privée – sont conçus pour reconstruire de la même façon, pas pour reconstruire mieux. Vous réfléchissez à ça? Comment pouvons-nous dépasser ces obstacles?

Jason : Oui, nous le faisons, je veux dire, si je pense à ces dernières années, il y a eu quelques événements d’assurance vraiment importants ces dernières années. Un à Fort McMurray, un à Slave Lake. C’était à l’époque où la réflexion, l’état d’esprit, le leadership éclairé autour de l’ESG et du développement durable étaient très différents. Aucun de ces événements ne remonte à plusieurs années, mais lors de ces deux événements, nous avons essayé de travailler avec les gouvernements locaux et nous nous sommes adressés aux médias et à d’autres partenaires pour leur dire « Pourrions-nous penser à ne pas reconstruire des maisons là où il y a un risque élevé d’incendie ou d’inondation? Pouvons-nous penser à des coupe-feux? Pouvons-nous penser à des exigences de construction locales différentes, peut-être? » Et je ne veux pas dire que c’est tombé dans l’oreille d’un sourd, mais je pense que la mentalité générale du monde était un peu différente. Je voudrais vraiment, vraiment croire que si et quand ces événements se produisent maintenant, il y aura un groupe de civils plus disposés à penser différemment. Vous savez, en novembre dernier, la Colombie-Britannique a connu des inondations assez dévastatrices. Heureusement, ces inondations se sont produites pour la plupart dans des zones qui étaient assez rurales et où il n’y avait pas de grandes concentrations d’habitants. Bien sûr, cela ne veut rien dire si on était l’une des personnes qui vivaient dans les zones inondées, parce que ces gens ont été très durement touchés. Mais si ces inondations avaient eu lieu dans des zones plus urbaines, le coût aurait été infiniment plus élevé. Et je ne parle pas seulement du coût financier, mais des répercussions sur la vie des gens et de l’ampleur des perturbations que cela aurait entraîné. Donc, à partir des inondations de la Colombie-Britannique, nous avons sélectionné un sous-ensemble des réclamations que nous avons reçues au cours de ces inondations et avons très délibérément décidé de traiter ces réclamations d’une manière beaucoup plus durable. Il ne s’agissait donc que d’un sous-ensemble de ces sinistres. Mais nous avons appris combien il est difficile de se débarrasser des déchets et de les traiter, notamment les matériaux de démolition-déconstruction qui présentent un certain niveau de toxicité. On ne peut pas s’en débarrasser simplement selon un processus normal, que l’industrie n’a généralement pas prévu. Il faut penser différemment. Il faut penser à ce qu’on peut réutiliser plutôt qu’à ce qu’on jette et dont on se débarrasse. Et puis penser différemment aux matériaux qu’on utilise pour reconstruire et, comme vous le dites, pour reconstruire un peu mieux. Mais là encore, il est plus coûteux de remplacer un vieux toit par un toit plus résistant à la grêle ou aux inondations. Il est plus coûteux de remplacer le revêtement de la maison par un revêtement résistant au feu. Il faut donc tenir compte de toutes ces choses. Mais ce que j’espère que nous ferons, et certainement Aviva, et j’espère que le secteur le fera, c’est que nous transmettrons ces enseignements à nos clients et à nos partenaires en leur disant « Voilà pourquoi, oui, votre prime pourrait être supérieure de quelques points, mais voici l’impact que cela aura sur vous et l’impact que cela aura en cas de sinistre ». Par la suite, la technologie de fabrication de revêtements résistants au feu et de toits résistants à la grêle s’améliorera et le coût de ces produits diminuera. Mais c’est en partie le secteur qui crée la demande et qui incite ces producteurs et ces fournisseurs à faire ces choses. Ils se développent, renforcent leurs capacités, et leurs produits deviennent plus répandus et courants qu’aujourd’hui.

Elliott : Tout cela me parle. C’est vrai pour une grande partie du travail que j’ai fait dans l’infrastructure résiliente et d’autres actifs réels. On voit ça dans le secteur de l’énergie, de la décarbonisation, n’est-ce pas? On peut utiliser les économies d’énergie pour stimuler la performance. Alors que du côté de la résilience, comme vous l’avez dit, l’installation d’un toit ou d’un revêtement résistant au feu, l’amélioration de la qualité de l’air intérieur, ou toute autre mesure de résilience qu’on tente de mettre en œuvre, engendrent généralement des coûts supplémentaires. Jusqu’à ce qu’on prenne en compte les pertes évitées, et celles-ci sont très difficiles à monétiser. C’est donc ce delta du coût des impacts physiques, qui s’est avéré, je pense, encore insaisissable dans ce pays. Et c’est réjouissant de voir Aviva jouer un rôle de leader en essayant de s’attaquer à certains de ces enjeux.

Jason : Oui. Vous venez d’aborder quelque chose là, et je ne me souviens pas de la statistique exacte, mais c’est terrible de constater que ça ne joue pas en notre faveur du point de vue de notre empreinte carbone à l’échelle mondiale. Quand on regarde le peloton de tête, dont nous faisons partie, nous sommes en bas de l’échelle. Et je pense que de nombreux Canadiens seraient surpris et déçus de voir le genre de pays aux côtés desquels nous nous situons dans ce peloton de tête en ce qui concerne, vous savez, ce que nous faisons et ce que nous ne faisons pas du point de vue du développement durable. Donc, je pense que c’est formidable qu’Aviva prenne ou aspire à prendre une position de leader. Je pense aussi que ce sera encore mieux quand de nombreuses autres entreprises décideront de ne pas laisser Aviva occuper cet espace seule. « Allons-y nous aussi, faisons la différence et prenons nos propres positions de leaders. » Mais, vous savez, le Canada est un pays si vaste géographiquement que, même si je vois les impacts des tempêtes en Alberta, je ne les vis pas si j’habite à Toronto. Je vois les impacts des inondations en Colombie-Britannique, mais je n’ai pas vécu ces inondations. Je vois un peu les impacts du mauvais temps, des tempêtes de mai en Ontario et au Québec, par exemple. Mais comme beaucoup de choses dans la vie, on peut très facilement se sentir éloigné des conséquences et des répercussions avec lesquelles beaucoup de gens vivent. Il y a donc encore beaucoup à faire dans ce domaine.

Elliott : Le temps file, mais il y a tellement de sujets intéressants que nous pouvons aborder. Jason, nous allons faire une pause ici et nous y reviendrons dans le prochain épisode. Merci à nos auditeurs d’avoir été des nôtres aujourd’hui. N’oubliez pas de vous abonner pour écouter la deuxième partie de cette conversation avec Jason. Nous poursuivrons notre discussion en parlant de la communication de la stratégie, de l’importance de la transparence et de l’élaboration d’une feuille de route concrète. Je m’appelle Elliott Cappell et j’ai hâte de vous accueillir au prochain épisode de « CEO Viewpoints ».


La stratégie ESG, une voie d’accès à la confiance, la transparence et l’influence

Entretien avec Rania Llewellyn, présidente et chef de la direction de la Banque Laurentienne, sur un des impératifs actuels pour les entreprises.

Shelley : Bienvenue à la série balado « CEO Viewpoints » de PwC Canada, dans laquelle nous discutons des thèmes clés de notre 25e Enquête annuelle auprès des chefs de direction canadiens avec des dirigeants d’entreprises canadiennes de premier plan. Dans notre dernier épisode, nous avons parlé de la façon dont les facteurs environnement, société et gouvernance, connus sous le nom d’ESG, se sont hissés au sommet des priorités des chefs de direction. Aujourd’hui, nous poursuivons cette discussion avec une nouvelle invitée. Je m’appelle Shelley Gilberg, et je serai votre animatrice pour cet épisode. Je suis associée chez PwC Canada et je dirige nos marchés ESG. Merci beaucoup de vous joindre à nous aujourd’hui. Nous avons avec nous une invitée avec laquelle j’ai personnellement très envie de passer un peu de temps. Il s’agit de Rania Llewellyn, présidente et chef de la direction de la Banque Laurentienne. Elle va nous parler de son parcours, de la stratégie et de la transformation ESG, et de ses réflexions sur le rôle de la confiance et du leadership dans tout cela. Bienvenue, Rania. Je suis ravie de vous accueillir parmi nous. Votre parcours est unique et intéressant à plus d’un titre, et j’ai quelques questions à vous poser à ce sujet. Je pense que nos auditeurs aimeraient en savoir plus sur la façon dont vous êtes devenue la première femme à diriger une grande banque à charte canadienne en 2020. Et j’ai été tellement impressionnée par vos nominations. J’aimerais, comme nos auditeurs, je pense, en savoir plus sur ce parcours.

Rania : Merci, Shelley, de me recevoir aujourd’hui. Alors oui, pour ce qui est de savoir comment j’en suis arrivée là, eh bien, ça a été tout un parcours, mais pour commencer, quelques éléments clés de mon histoire personnelle. Je suis née au Koweït d’un père égyptien et d’une mère jordanienne, j’y ai vécu pendant 11 ans, puis nous avons déménagé. Nous avons eu la chance de quitter le Koweït avant la guerre du Golfe et de nous installer au Caire, en Égypte. Et j’ai terminé mes études secondaires là-bas. J’ai en fait terminé le secondaire à l’âge de 14 ans. J’ai toujours voulu être médecin et à l’époque, la seule université privée était l’université américaine du Caire. Comme j’avais étudié en anglais, mon père m’a dit, tu sais, tu devrais probablement aller à cette école. Mais cette université n’avait pas de faculté de médecine. Alors quand j’y suis entrée, je me suis dit, quelles sont les deux professions les plus difficiles? À l’époque, c’était les TI et le commerce, et comme je ne connaissais rien à la technologie, j’ai opté pour le commerce. J’ai donc terminé mes deux premières années là-bas. Et puis, pour être honnête, quand les troubles ont recommencé au Moyen-Orient, notre famille a décidé d’émigrer. Nous sommes arrivés le 22 août 1998, il y a 30 ans, à Halifax, en Nouvelle-Écosse. Je me suis retrouvée à l’Université Saint Mary’s, où j’ai terminé mon premier cycle universitaire et obtenu un baccalauréat en commerce spécialisé en marketing et en finances. Toute heureuse d’avoir mon diplôme en main, comme beaucoup d’immigrants, je n’ai pas pu trouver un emploi. Mon nom n’était pas Llewellyn à l’époque. Comme vous pouvez le voir ou l’entendre, je n’ai pas vraiment d’accent. Il s’agissait juste de me faire ouvrir une porte. C’est difficile quand vous envoyez une candidature sur papier. Je me suis donc retrouvée chez Tim Hortons avec mon baccalauréat et j’ai décidé de retourner faire mon MBA, parce que c’est ce que font les immigrants, retourner aux études pour obtenir un autre diplôme. J’ai eu la chance que mon père ait une entreprise et que son directeur des comptes commerciaux à la Banque Scotia m’ait rencontrée et m’ait dit : « Pourquoi ne viendriez-vous pas travailler chez nous? » J’ai répondu : « Mais je n’arrête pas de postuler. Vous ne me rappelez jamais! ». Et c’est ainsi que j’ai obtenu mon premier emploi de caissière là-bas. Je suis quand même retournée faire mon MBA. Voilà pour ma première incursion dans le monde bancaire. Mais une fois de plus, alors que je m’apprêtais à obtenir mon MBA, je n’arrivais toujours pas à décrocher un emploi, même à la Banque Scotia. Mais lors de ma cérémonie d’assermentation avec ma famille en tant que nouvelle citoyenne canadienne, il y avait un invité spécial parmi nous ce jour-là et c’était le premier vice-président de la Banque Scotia pour la région Atlantique. Ma mère m’a encouragée à me présenter à lui et à lui demander un emploi. J’ai dit : « Maman, ce n’est pas vraiment l’endroit pour demander un emploi ». Elle a répondu : « Fais-le ». Elle fait à peine 1 mètre 60, mais c’est une femme forte. Bref, je suis allée le voir et je lui ai dit : « M. Keith, je travaille pour vous. Vous ne savez pas qui je suis ». Je me suis présentée et je l’ai invité à notre réception à l’Université St. Mary’s; c’était une réception vin et fromage. Je ne savais pas qu’il siégeait au conseil d’administration. Je l’ai rencontré à la réception et je lui ai dit : « M. Keith, je suis née au Koweït, je suis mi-égyptienne, mi-jordanienne, j’ai vécu en Égypte, je suis venue au Canada, la Banque Scotia est la banque la plus internationale du Canada. C’est la seule banque pour laquelle je veux travailler ». Il a dit :« Parlez-vous espagnol? ». Et j’ai répondu : « Je parlerai la langue que vous voulez tant que vous payez pour ça. Bref, j’ai fini par l’appeler dix jours plus tard et quand son assistante, Zara, a noté mon nom, elle a dit : « Vous êtes la nouvelle Canadienne! ». Et je me suis dit : « J’ai fait une impression! ». Et c’est grâce à cette rencontre de dix minutes que j’ai eue avec M. Keith, que j’ai cessé d’être caissière un samedi, et que j’ai obtenu ma première chance comme directrice de comptes commerciaux en formation le lundi. Et donc la morale de l’histoire, c’est, et je le dis à mes enfants, si on ne demande pas, on n’obtient rien. Quelle est la pire chose qui puisse arriver? C’était donc mon premier pas dans le secteur bancaire. Puis je me suis détournée de la banque commerciale. J’ai fait un autre pas, j’ai déménagé à Toronto parce que je me suis dit, vous savez quoi, il n’y a rien de tel que les sièges sociaux à Toronto. Je n’avais pas vraiment d’emploi. J’ai accepté un poste hétéroclite. Et puis j’ai intégré les services bancaires aux entreprises et j’y suis restée pendant sept ans. Et donc j’ai toujours pris des chemins qui n’étaient pas vraiment bien tracés. J’ai levé la main pour un projet spécial et j’ai fini par créer mon propre poste de vice-présidente des services bancaires multiculturels. C’était en fait un détachement de sept mois. J’étais l’une des quatre membres de cette équipe, et je n’avais aucune idée que je créais mon poste. Il s’agissait de lancer un nouveau service destiné aux nouveaux arrivants au Canada, ce qui me tenait à cœur. J’ai donc fait ça pendant trois ou quatre ans, et puis j’ai encore levé la main et j’ai dit que j’étais prête à bouger. Je suis devenue présidente-directrice générale d’une filiale de la banque dont personne ne connaissait vraiment l’existence, Roynat Capital. J’y ai passé 26 ans de ma carrière, et Shelley, je pense que c’est là que je me suis formée pour mon poste actuel. J’ai eu des rôles très différents. Le dernier poste que j’ai occupé était celui de responsable des paiements, une activité qui relevait de la technologie et des opérations de produits. Je n’ai donc pas suivi un parcours de développement vertical. Et le fait d’être immigrée, d’être une femme, d’être jeune, me rendait différente. Et donc quand cette opportunité s’est présentée, je n’ai pas pu pas dire non. C’était une occasion de me transformer. Il s’agissait de siéger au sommet. Oui, j’ai l’impression de m’être formée pour ce rôle, mais c’est de ce parcours personnel que je parle habituellement, parce que je pense qu’au cœur de tout cela, il s’agit de prendre des risques, d’être courageux et ne pas accepter de se fondre dans un moule. Je dis toujours aux gens : pourquoi s’adapter quand on peut se démarquer?

Shelley : J’adore cette histoire, qui montre non seulement à quel point votre parcours est incroyable, mais aussi que parfois on doit suivre son propre chemin, et qu’il n’y a pas forcément de méthode standard pour arriver là où on veut être ou même pour savoir ce qu’on veut être. Et peut-être pourrions-nous creuser un peu ce thème, parce que l’une des autres choses qui m’intriguent, et je soupçonne que nos auditeurs aussi, c’est ce profil d’avant-gardiste et cette nécessité de tracer votre propre chemin, qui transparaît de différentes façons dans votre histoire. Vous avez été l’une des premières cheffes de direction à assumer personnellement la responsabilité de l’ESG au sein de la banque. Et je sais que vous êtes très passionnée par ce sujet. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur les raisons pour lesquelles vous pensiez que c’était si important? Ce n’était pas courant à l’époque. Et quelles sont les valeurs qui vous guident, à la banque?

Rania : Je pense que c’est à cause de mes origines. Le fait est qu’une femme immigrée, c’est un peu la marginale de service. Comment créer un milieu de travail équitable? Donc c’était vraiment au cœur de ce que j’étais. Et j’ai en quelque sorte toujours défendu ces enjeux, notamment à la Scotia, où j’étais à la tête du Réseau des employés noirs (Black Employee Network), et où j’ai aussi dirigé les activités EDI (équité, diversité et inclusion) au sein des marchés financiers. C’était donc une occasion de bâtir la banque pour laquelle j’ai toujours voulu travailler. Nous embauchons beaucoup de nouveaux arrivants au Canada. Nous avons beaucoup de diversité à la Banque Laurentienne. Et quand on regarde l’histoire de la banque, il y a 176 ans, c’était la banque qui servait les personnes mal desservies. C’était donc tout naturel. Nous avons donc commencé par notre série « Courageous Conversations ». Nous avons commencé avec un certain nombre de groupes de ressources pour les employés. Et c’est à partir de là que notre parcours ESG a démarré. Puis nous sommes passés à l’analyse des données, à l’examen du facteur E et du facteur G. Mais cela correspondait à ce que je suis en tant que personne. Et je crois en l’authenticité. Authentique en tant qu’organisation dans notre énoncé de mission. Authentique en tant que dirigeante individuelle. Il était donc très important pour moi d’envisager la transformation ESG sous cet angle, tout en veillant à ce qu’il ne s’agisse pas d’un projet isolé. C’est en fait intégré dans tout ce que nous faisons. C’est notre façon de faire des affaires. C’est notre façon de nous conduire. C’est notre façon de recruter. C’est notre façon d’interagir avec nos fournisseurs, notre façon de concevoir nos produits, notre façon de livrer nos produits. Donc c’était vraiment, vraiment important pour moi aussi.

Shelley : Peut-être que si nous allons un peu plus loin, comment avez-vous décidé des priorités après avoir examiné le facteur S? Et où en est la banque maintenant?

Rania : Bien. C’est comme si on révisait une stratégie. Et la chance, c’est que lorsque je suis arrivée, c’était en tant que nouvelle présidente et chef de la direction. J’ai mis en place une toute nouvelle équipe de direction. Nous avons passé en revue toutes nos opérations en même temps. Nous avons dû rédiger notre énoncé de mission, qui se lit à peu près comme suit : « Nous croyons que nous pouvons changer l’expérience bancaire pour le mieux en voyant au-delà des chiffres ». L’un des principaux piliers de notre stratégie est « opter pour le meilleur choix ». L’une de nos valeurs fondamentales consiste à agir avec courage et à nous assurer de créer un environnement où chacun a sa place. Les enjeux ESG font donc partie intégrante de tout ce que nous faisons. Je dis toujours qu’on ne peut pas gravir la montagne d’un seul coup. On doit faire un pas après l’autre tout en visant cette étoile polaire de là où on veut aller. Et je pense que c’était ça qui était vraiment important. Ça a commencé avec l’énoncé de mission pour galvaniser et rassembler nos employés. Donc, pour le facteur S, nous avons eu le sentiment d’avoir réussi. Nous avons ensuite commencé à nous intéresser au facteur E. Nous avons engagé un nouveau responsable ESG. Nous avons commencé à élaborer la feuille de route de notre groupe de travail sur l’information financière relative aux changements climatiques (GIFCC). Nous avons commencé par nous demander où nous en étions. Il faut d’abord examiner la situation actuelle. Nous avons commencé à mobiliser les parties prenantes à l’interne : nos employés, notre conseil d’administration, nos actionnaires, nos fournisseurs. Et ensuite on commence à construire cette feuille de route. Mais en étant encore une fois très concentrés sur là où on veut miser, là où on veut aller. Nous avons lancé notre tout premier rapport ESG, dans lequel nous avons divulgué nos émissions de GES de portée 1. Nous avons adhéré au PCAF. Puis nous avons commencé à inviter tous nos employés à participer à la conversation et à nous faire part de ce qui est important pour eux. Nos employés sont comme toutes les autres parties prenantes. Nous pouvions donc commencer à esquisser cette carte thermique et à aborder la complexité du processus, en examinant nos obligations réglementaires. Nous avions accompli beaucoup de choses à la Banque Laurentienne, mais nous ne les avions pas divulguées. Du point de vue des actionnaires, la divulgation est absolument essentielle à la transparence, que ce soit sur les enjeux E ou S. Et au chapitre de la gouvernance, nous avons commencé à élaborer des politiques ESG au sein de notre conseil d’administration et de nos équipes de coaching des cadres. Nous avons commencé par définir des paramètres pour répondre aux questions « Quelle est notre situation actuelle? » et « Où voulons-nous aller? ». Et oui, il y a beaucoup de directions différentes qu’on peut prendre, mais on doit être vraiment clair sur le fait qu’il s’agit d’un programme pluriannuel. Il ne s’agit pas d’un programme unique et définitif. Il faut donc réfléchir beaucoup et de manière stratégique, car nous sommes une petite organisation avec des ressources limitées. Alors comment pouvons-nous élargir notre influence? Et il faut être capable de mesurer cette influence, du point de vue de l’environnement, de la vie des employés, de nos actionnaires. Je dis toujours aux gens : « Commencez petit, à partir de votre situation actuelle, élaborez une feuille de route qui entre en résonance avec ce que vous tentez d’accomplir et non pas ce que tout le monde essaie d’accomplir ». Voilà! Et puis, assurez-vous d’atteindre vos objectifs, de rendre compte de vos résultats et de les mesurer par rapport à vos objectifs.

Shelley : Vous avez dit deux choses. D’abord, vous avez parlé en quelque sorte de la mission. Vous avez parlé de l’importance de la transparence. Comment les valeurs et la confiance entrent en jeu dans la façon dont vous tricotez tout ça ensemble?

Rania : Je dis toujours aux gens que la confiance se gagne au fil du temps et qu’elle se gagne par des actions qui respectent vos engagements, et qu’elle peut être brisée en une seule interaction. Intégrer une institution en tant que nouvelle présidente et chef de la direction en est un exemple. Personne ne me connaissait, je ne connaissais personne, et j’arrivais au milieu d’une transformation, au milieu d’une pandémie. Il était absolument essentiel d’instaurer la confiance avec les employés. Et cela commence par une communication à double sens et une communication transparente. Et puis, quoi que vous disiez, vous devez le faire. Malgré la transformation, nous avons connu une rotation d’un tiers de notre personnel, élaboré une nouvelle stratégie, une nouvelle vision. Mais ce que nous avons fait, c’est que nous avons lancé un sondage auprès des employés presque un an après le début de cette transformation pour voir à quoi ressemblait le score d’engagement des employés. Et pour être honnête, j’ai été agréablement surprise. La confiance envers la direction était à un niveau exceptionnel de 89 %. Quand on voit ça, on se rend compte que le niveau de communication et le niveau de transparence sont en résonance avec le niveau d’engagement que nous obtenons de nos employés. Et c’est ainsi que nous avons, pour être honnête, utilisé la même méthodologie pour nos parties prenantes, qu’il s’agisse de nos actionnaires ou de notre communauté d’analystes. Donc, chaque trimestre, nous présentons un rapport à la communauté des analystes et des actionnaires, et nous avons très clairement défini nos indicateurs clés de performance (ICP). Nous n’avions pas à le faire. C’est donc un effort qui dépasse nos objectifs financiers. Ainsi, par exemple, dans nos ICP, nous parlons du taux d’engagement des employés que nous visons pour l’année prochaine et pour les trois années à venir. Nous avons un ICP pour la rotation du personnel et il est donc vraiment, vraiment important de mobiliser les employés. Mais comme je le dis toujours, ne demandez pas aux gens ce qu’ils pensent si vous ne comptez pas agir en conséquence. C’est là que la confiance est brisée. Et c’est pourquoi sur le front ESG, nous avons commencé par éduquer. Nous avons un nouveau leader pour l’ESG et nous avons mis au point ensemble une sorte de présentation ESG. Nous avons commencé par relier nos objectifs ESG à notre stratégie, à nos piliers, à nos valeurs. Je crois vraiment que la stratégie ESG est la responsabilité de tous. Ce n’est pas seulement ma responsabilité. J’en suis peut-être la promotrice, mais c’est la responsabilité de tous. Nous avons intégré les objectifs ESG aux tableaux de bord des employés, pour que je puisse en tenir mes cadres responsables. Et quand nous l’avons fait, la performance ESG a été directement liée à la façon dont les employés peuvent contribuer à ce parcours. Il ne s’agit donc pas d’un paramètre générique. Pour notre personnel commercial, ça se traduit par : « Comment allez-vous personnellement proposer de nouveaux produits ou services, ou aider vos clients dans leur démarche ESG? » Je pense que c’est ainsi qu’on construit la confiance. Il faut que ce soit transparent. Et vous savez quoi, même dans les ICP que nous commençons à montrer dans nos derniers résultats trimestriels, il y a un peu de jaune. Et donc quand les gens me disent, mais c’est jaune, je réponds, « Eh bien, ça fait partie de la transparence ». Nous avons appliqué ce principe dans notre rapport ESG. Nous savons donc où nous en sommes dans le processus. Nous savons où nous devons aller. Et nous savons où sont nos lacunes. Et je pense que c’est vraiment important pour établir la confiance avec toutes vos parties prenantes.

Shelley : L’une des statistiques intéressantes que nous avons vues dans l’enquête auprès des chefs de direction, c’est que 60 % des chefs de direction canadiens sont préoccupés par l’attraction et la rétention des talents, qu’ils classent comme une très haute priorité. Les données montrent que jusqu’à 34 % de la main-d’œuvre, quelle que soit la tranche d’âge, envisage de changer d’employeur en fonction des valeurs d’entreprise. Quelles sont vos observations d’après votre expérience à la Banque Laurentienne? Les valeurs font-elles une différence dans l’attraction et la rétention des meilleurs talents et dans la motivation des employés?

Rania : Je pense que la pandémie a vraiment poussé les gens à prendre du recul, à valoriser et à réévaluer leur vie professionnelle. Et je déteste utiliser le mot équilibre. Mais ne serait-ce que sur le plan de la mission, comment mes valeurs s’alignent-elles avec celles de mon organisation? Et cela a entraîné une forte rotation du personnel, ainsi que des gens qui reconsidèrent l’identité de leur employeur. Et donc, du point de vue du timing, ça a parfaitement fonctionné pour nous, puisque nous venions de lancer notre nouvel énoncé de mission, nos nouvelles valeurs fondamentales. Et donc je dirais que, malgré la concurrence féroce, nous avons été en mesure d’attirer beaucoup de talents l’année dernière. Et je le sais parce que je l’entends de la bouche de nos employés. Nous venons d’organiser deux événements d’appréciation des employés, et ils disent que cet énoncé de mission a une véritable résonance pour eux. Et, pour être honnête, le fait d’être la première femme à diriger cette organisation a une résonance pour beaucoup de femmes, beaucoup de personnes marginalisées, beaucoup d’immigrants. Il s’agit donc d’intégrer vos valeurs fondamentales à tout ce que vous faites et de vous assurer que les employés considèrent ces valeurs comme une des raisons absolument essentielles pour lesquelles ils restent. Mais l’autre chose que nous avons faite, Shelley, c’est que, comme vous le savez, la pandémie est, je ne dirais pas qu’elle est déjà dans notre rétroviseur, mais les affaires reprennent. Et donc, nous avons été l’une des rares organisations qui, tout au long de la pandémie, n’a pas imposé les vaccins. En fait, nous encourageons les gens à se faire vacciner, et nous montrons l’exemple. Nous les encourageons en leur présentant les faits, mais en fin de compte, c’est un choix personnel. Nous devions nous assurer de la sécurité de nos employés et de nos clients, en particulier de ceux qui se rendent dans les succursales tous les jours. Pas une seule fois pendant la pandémie, nous n’avons exigé de nos employés qu’ils reviennent travailler dans nos bureaux. Conformément à notre nouvelle stratégie et à notre stratégie pour l’avenir du travail, nous avons envoyé un sondage à nos employés et ils nous ont dit qu’ils ne voulaient pas revenir travailler en présentiel à temps plein. Nous les avons donc écoutés. Compte tenu des résultats du sondage, nous nous sommes délestés de 50 % de nos biens immobiliers, ceux de notre siège social, ce qui est une bonne chose pour nos employés, mais aussi d’un point de vue environnemental. Nous nous sommes donc débarrassés de cette empreinte immobilière, ce qui signifie aussi que nos employés ne feront pas la navette entre leur domicile et leur lieu de travail tous les jours, et donc que nous contribuons à la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Ces employés ont plus de temps à passer avec leurs enfants, leurs personnes âgées et leur famille, et à consacrer à leur vie personnelle. En fait, cette différence nous a aidés à recruter, mais elle fait partie intégrante de nos valeurs fondamentales. Et tandis que nous essayons de réimaginer l’avenir de notre empreinte immobilière, nous nous sommes engagés dans des groupes de discussion avec un tiers de nos employés. Et ils nous aident à co-créer une idée de ce à quoi ressemble l’avenir du travail pour nous à la Banque Laurentienne. Là encore, on retrouve les mêmes principes de communication bidirectionnelle, d’écoute et d’apprentissage. Mais nous l’avons expliqué de manière très claire et transparente. Nous ne pourrons pas satisfaire tout le monde. Nous avons donc créé 13 modèles. Nous avons une formation culturelle qui permettra à nos leaders de travailler avec leurs équipes pour leur montrer combien il est difficile de concilier toutes les différences, parce qu’il n’y a pas de modèle universel pour tous.

Shelley : Si vous deviez résumer vos meilleurs conseils pour les personnes qui commencent ce parcours, en particulier autour de l’ESG et de la divulgation des valeurs, que leur diriez-vous?

Rania : Je leur dirais que c’est comme n’importe quel autre risque, et c’est intéressant, vous savez, même les gens qui n’ont jamais travaillé dans le domaine du risque voient le risque comme un facteur dissuasif pour faire des affaires. Et je dis toujours que si on le retourne, le risque est en fait une opportunité. Et donc, comment tirer parti de l’ESG pour créer des opportunités pour votre organisation et pour toutes ses parties prenantes? Si vous faites de tout un exercice de cases à cocher, c’est là le problème. Ainsi, même quand une nouvelle réglementation entre en jeu, je dis toujours aux gens que, du point de vue du risque, si elle est là pour servir nos clients, comment pouvons-nous utiliser cette réglementation pour nous différencier et fournir des avis et des conseils de confiance? C’est ainsi que je considère l’ESG. Je vais vous donner un exemple. Nous avons annoncé en décembre la signature d’un partenariat avec une nouvelle fintech pour nous aider à transformer notre plateforme Visa. Le choix de cette fintech était fantastique. La cheffe de la direction est une femme issue de l’immigration. Donc, c’est génial. Nous soutenons une personne de sexe féminin. Dans le cadre de la conception de la plateforme, nous lui avons dit que nous avions besoin de programmes de récompenses correspondant aux intérêts du sous-segment ESG de notre clientèle. Donc, qui sur votre plateforme peut aider à offrir ce service? Il y a beaucoup de choses qu’on peut intégrer, même avec nos partenaires, nos fournisseurs, y compris PwC. Quand j’interagis avec eux, et beaucoup d’hommes représentent nos partenaires de services, je ne manque pas de leur demander « Où sont vos associées de sexe féminin? ». C’est ce que nous faisons avec notre cabinet de conseil juridique. Nous le faisons à tous les niveaux. Donc, il s’agit de faire un petit pas à la fois. Parce que je pense que si vous essayez de dire simplement « ESG » et voici à quoi ça ressemble, ça devient très intimidant pour quelqu’un qui ne sait pas par où commencer. C’est pourquoi, comment faire comprendre à ce prêteur commercial qu’on ne lui demande pas de se retirer de cette activité, mais plutôt de réfléchir à comment nous pouvons mettre en place des programmes qui peuvent aider son client, qui subit probablement la même pression que lui dans son propre parcours ESG. Comment faire ça dans les RH? Comment le faire dans les opérations? Je dis toujours aux gens que ce sont de petits exemples qui peuvent aider les gens à comprendre et à dire : « Ah, maintenant je sais comment je peux contribuer à cette stratégie ESG ». Il ne s’agit donc plus d’un exercice de cases à cocher. C’est ma démarche en général. Si on ne s’est jamais mis à la place de quelqu’un d’autre, c’est vraiment difficile. Il s’agit de vous demander comment entrer en résonance avec votre interlocuteur en ramenant la conversation sur votre façon de fonctionner au quotidien, et de concevoir une étude de cas pertinente pour illustrer l’objectif global.

Shelley : Je pense que c’est un excellent conseil, Rania. Je pense que ça résonne dans tous les secteurs, grands ou petits, comment faire ses premiers pas dans ce domaine, et j’aime ça. Peut-être que la dernière question que nous pourrions vous poser aujourd’hui est la suivante : « Quand je pense à tout ce que l’équipe de la Laurentienne a accompli au cours des deux dernières années, de quoi êtes-vous le plus fière? »

Rania : Ce dont je suis le plus fière, c’est de l’équipe de direction que j’ai pu constituer, qui est extrêmement diversifiée, avec des antécédents différents, des façons de penser différentes. Je pense que c’est très révélateur, du point de vue de l’EDI, la façon dont cette équipe s’est constituée et ce que nous avons pu accomplir ensemble en très peu de temps. Sur le front de l’ESG, je dirais que c’est le fait qu’il ne s’agit pas d’un programme, ni d’un projet secondaire, mais d’une intégration globale à l’échelle de toute la banque, dans nos valeurs fondamentales, nos piliers stratégiques, nos opérations et nos activités. Et puis, le plus important, c’est de raviver ce sentiment de fierté chez nos employés et nos clients, et le fait que nos actionnaires et nos analystes commencent maintenant à y croire. C’est l’un de nos objectifs clés : nous croyons que nous pouvons changer l’expérience bancaire pour le mieux. Je pense que tout le monde commence maintenant à voir que quelque chose se passe à la Banque Laurentienne. Le changement commence à prendre forme et nous reconstruisons cette confiance que nous avions perdue il y a quelques années. Je suis vraiment fière de sentir que je suis en bonne voie de bâtir la banque pour laquelle j’ai toujours voulu travailler, Shelley, et que j’ai une équipe phénoménale à mes côtés pour m’aider à réaliser cette vision.

Shelley : Alors que nous terminons le balado d’aujourd’hui, je tiens à remercier Rania d’avoir passé ce moment avec nous. Au nom de nos auditeurs et au nom de PwC, un grand merci. Je pense que vos idées sont formidables et que les réflexions que vous avez partagées autour de l’ESG, de la stratégie et de la transformation, du leadership et de la confiance, ont été extrêmement précieuses. Enfin, merci à notre public d’aujourd’hui. Nous espérons que vous serez des nôtres pour le prochain épisode et que vous écouterez tous nos balados sur votre application préférée.


La transformation de l’entreprise grâce à l’ESG

Une discussion avec Heather Chalmers, de GE Canada, au sujet des nouvelles opportunités sur la voie vers un monde plus durable.

Shelley : Bienvenue au balado de PwC Canada :  CEO Viewpoints. Nous y décortiquons les principaux thèmes de notre 25e Enquête annuelle auprès des chefs de direction canadiens. Les facteurs environnement, sociaux et de gouvernance, connus sous le nom l’ESG, se sont hissés au premier rang des priorités stratégiques et transformationnelles des dirigeants d’entreprise . Les résultats financiers d’une entreprise ne sont plus l’unique mesure de succès d’une entreprise. Les dirigeants doivent également savoir répondre aux questions de changement climatique, de diversité de la main-d’œuvre, d’éthique de la chaîne d’approvisionnement et d’inégalité économique. Il s’agit d’aligner et d’intégrer tous ces principes, et bien plus encore, dans la stratégie et les opérations. C’est le temps pour les dirigeants de prendre des mesures audacieuses afin d’obtenir des résultats durables. Les pratiques ESG représentent peut-être la plus grande opportunité de transformation de notre époque, mais elles ne peuvent pas être un simple ajout. Elles doivent faire partie intégrante de la stratégie commerciale globale d’une organisation. Je m’appelle Shelley Gilberg. Et j’animerai cet épisode. Je suis associée et leader canadienne, Marchés et conseils ESG chez PwC Canada. Merci beaucoup de vous joindre à nous. Aujourd’hui, nous avons une invitée de marque. Heather Chalmers, présidente-directrice générale de GE Canada. Elle est ici pour nous donner de son point de vue sur le cheminement du Canada vers l’objectif net zéro émission et sur la stratégie et la transformation ESG. Bienvenue, Heather. C’est formidable de vous avoir parmi nous. Et j’aimerais commencer par vous demander de nous parler un peu de votre parcours en tant que PDG de GE Canada. 

Heather : Excellent. Et Shelley, tout d’abord, merci beaucoup de m’avoir invitée aujourd’hui. C’est un plaisir de pouvoir parler d’un sujet qui me passionne énormément, tant sur le plan personnel que professionnel. Je vous parlerai un peu de moi. Je travaille pour GE depuis près de 27 ans. J’ai commencé dans le groupe GE Plasctics, puis je suis passée à GE Santé Canada. Depuis 2018, je suis présidente-directrice générale de GE Canada. Pour ceux d’entre vous qui ne le savent peut-être pas, GE est une entreprise mondiale iconique, mais qui a de profondes racines canadiennes. En fait, le Canada a été le premier pays dans lequel GE a pris de l’expansion. Et je suis fière de dire que nous célébrerons cet été notre 130e anniversaire au pays. Pour l’anecdote, Thomas Edison, qui est le père fondateur de l’entreprise, a visité Peterborough lors d’un déplacement au Canada et il est tombé amoureux de la région au point de vouloir y avoir un chalet. Et c’est la raison pour laquelle la première usine de moteurs, GE Motors, est née à Peterborough, en Ontario, il y a 130 ans. 

Shelley : J’adore cette anecdote dont je n’étais pas au courant. Et pourtant, je suis une mordue du domaine de l’énergie. Alors Heather, entrons dans le vif du sujet qui nous passionne toutes les deux et qui suscite beaucoup d’inquiétudes. Il y a la croissance, il y a des attentes changeantes autour de la confiance, de la transparence et de la performance. Nous constatons que les dirigeants doivent vraiment prendre des mesures décisives pour résoudre des problèmes qui entraîneront des conséquences à long terme, mais aussi des impacts générationnels. Et devant la volatilité macroéconomique et géopolitique et l’impératif de se réinventer, les entreprises ne cessent de croître. J’aimerais connaître votre point de vue sur les raisons pour lesquelles les pratiques ESG sont encore plus importantes aujourd’hui, en particulier pour les chefs d’entreprise, les parties prenantes et les actionnaires et, ce qui me tient à cœur, pour les Canadiens et l’économie canadienne? 

Heather : Il ne fait aucun doute que les deux dernières années ont été incroyablement difficiles, qu’il s’agisse de COVID 19, de l’injustice raciale et des inégalités systémiques, des effets continus du changement climatique, des problèmes de la chaîne d’approvisionnement, de l’inflation sans précédent et, plus récemment, de l’invasion russe en Ukraine. C’est l’un des nombreux conflits en cours dans le monde. En fait, j’utilise constamment le terme VICA (volatile, incertain, complexe et ambigu) avec mes employés canadiens. En réalité, VICA c’est notre nouvel état permanent. J’ajouterais que ces événements et ces perturbations ont également contribué à souligner l’objectif ou le pourquoi de ce que nous faisons chez GE. Vous savez, je suis à la fois chanceuse et fière de travailler dans une entreprise qui s’engage à relever les plus grands défis de l’humanité dans les secteurs de l’énergie, des soins de santé et de l’aviation. Et chaque jour, nous affirmons que nous relevons le défi de construire un monde qui fonctionne. Dans ces trois secteurs, le développement durable est clairement intégré à l’ensemble, qu’il s’agisse de mener la transition énergétique pour favoriser la décarbonisation ou de développer des soins de santé ciblés et précis, qui personnalisent les diagnostics et les traitements, ou alors de construire un avenir pour des vols plus intelligents et plus efficaces. Nous avons également une opportunité incroyable pour le Canada en raison de la richesse de ses ressources naturelles, de sa géologie, de son l’histoire, de son nucléaire et de son hydroélectricité, de sa solide assise de la recherche universitaire, de ses accords commerciaux étendus et de la priorité que le gouvernement accorde à la question. Je dirais aussi qu’un autre élément important pour les Canadiens, c’est qu’ils savent très bien qu’il s’agit d’une priorité et que, même si ça entraîne des coûts, il est préférable que nous commencions cette transition de manière méthodique et transparente, car le changement climatique et son impact ou la nécessité d’améliorer les pratiques ESG sont là pour rester. Nous devons le faire non seulement pour nous, mais aussi pour l’avenir de nos enfants et des générations suivantes. Je terminerai en disant que le Canada a une occasion incroyable d’être un chef de file dans l’atteinte de ses propres objectifs net zéro. Mais si nous le faisons correctement, nous pouvons jouer un rôle énorme dans la transition énergétique. Nous serons tous gagnants si nous nous y prenons bien. Cela signifie mettre en place des politiques et des réglementations prévisibles et favorables, ainsi que prendre des décisions commerciales intelligentes fondées sur la science et la technologie, afin que nous puissions mener la transition énergétique qui, en fin de compte, créera de nouveaux secteurs verts pour la croissance et la prospérité économique à long terme. À ce propos, je vous ai dit tout à l’heure que je venais d’avoir l’opportunité d’étendre mon rôle à l’échelle internationale. L’idée est de prendre ces premiers exemples de leadership qui ont été démontrés au Canada, qu’il s’agisse du petit réacteur modulaire, si je peux m’en servir comme exemple, ou de la séquestration du carbone, et de voir comment les transposer dans d’autres parties du monde. En fait, je pense que c’est juste une reconnaissance du bon travail et de l’élan que nous avons au Canada et de la possibilité d’avoir un impact beaucoup plus large dans le monde. 

Shelley : Eh bien, sur une note personnelle, Heather, félicitations. J’ai eu le privilège de collaborer avec vous dans le cadre de votre rôle au sein du Conseil Net Zéro, un rôle qui vous convient parfaitement. Alors, félicitations. Je vais reprendre ce que vous avez dit au sujet du Canada, du rôle du Canada et de notre position. Chaque année, nous menons une enquête auprès des chefs de direction.  Et parmi les choses qui m’ont surprise dans cette enquête, c’est que nous avons des entreprises canadiennes exceptionnelles qui sont chefs de file dans certains de ces domaines. Un grand nombre des répondants canadiens de cette enquête n’avaient pas encore réaligné leurs priorités en fonction de l’évolution du monde, telles que les questions de confiance en matière de pratiques ESG. Comme je l’ai dit, nous avons remarqué quelques leaders exceptionnels, mais nous avons aussi constaté qu’une grande partie du paysage commercial canadien était à la traîne par rapport à nos pairs mondiaux. Le défi de voir au-delà du court terme et de placer les résultats durables au cœur des choses n’est pas une mince affaire. Avez-vous des réflexions ou des conseils à donner sur la façon dont les organisations peuvent se positionner pour cette croissance à long terme et ce rôle sur la scène mondiale pour le Canada, notamment ce que vous avez mentionné concernant les pratiques ESG et le net zéro? 

Heather : Je dirais, et c’est ce que nous essayons de faire, que les priorités en matière de développement durable doivent être intégrées dans les activités de l’entreprise parce que c’est bon pour l’entreprise et pour la planète. Le développement durable doit être abordé avec les mêmes attentes élevées de rigueur et de responsabilité que celles que nous utilisons dans la gestion de nos entreprises. Il ne devrait pas y avoir de différence. Cela implique de définir une stratégie, de fixer des objectifs ambitieux et de mesurer les progrès accomplis. L’alignement sur des normes externes peut également constituer une valeur. Par exemple, vous savez que chez GE, nous sommes signataires du Pacte Mondial des Nations Unies depuis 2008 et nous voyons des synergies étroites entre plusieurs objectifs de développement durable des Nations Unies dans notre stratégie et nos priorités de développement durable. 

Shelley : Peut-être que vous pouvez élaborer un peu, Heather, sur les questions de croissance à long terme, de la nécessité pour les entreprises de penser différemment, en s’appuyant sur leurs réalisations dans ce domaine ? 

Heather : Commençons par notre objectif. Notre objectif est d’atteindre la carboneutralité dans nos émissions de GES de portée 1 et 2 d’ici 2030. Dans notre rapport de développement durable de l’année dernière, nous avons également annoncé notre ambition d’atteindre l’objectif net zéro d’ici 2050, ce qui inclut nos propres opérations ainsi que les émissions de portée 3 provenant de l’utilisation de produits solaires. De nombreuses entreprises ont la même ambition que nous, mais je dirais que pour nous le défi est un peu plus difficile à relever. En raison de la nature de nos activités, notre parcours vers l’objectif net zéro est en fin de compte celui de nos parties prenantes. Pour ceux qui ne le savent peut-être pas, je suis fière de dire qu’un tiers de l’électricité mondiale est produit à l’aide de notre technologie. Il s’agit de technologies anonymes renouvelables telles que les éoliennes terrestres et en mer, les turbines hydrauliques et les réacteurs nucléaires, ainsi que les turbines à gaz à haut rendement mais à faible émission. Nous travaillons fort sur les voies de décarbonisation avant et après la combustion, par exemple en brûlant de l’hydrogène dans nos turbines ou en utilisant la séquestration du carbone pour réduire les émissions provenant de cette technologie. Je dirais qu’il en va de même pour notre secteur de l’aviation, où deux tiers des moteurs à réaction commerciaux du monde sont fabriqués par GE ou par nos partenaires. En ce qui concerne les leçons à retenir, je dirais qu’il y a une énorme opportunité pour la sensibilisation. Qu’il s’agisse des Canadiens ou d’autres, nous devons reconnaître que l’atteinte de l’objectif net zéro est un parcours. D’où le terme de transition énergétique. Deuxièmement, nous devons augmenter massivement la quantité d’électricité non émettrice ou à faible teneur en carbone que nous produisons tout en électrifiant simultanément d’autres secteurs de l’économie. Troisièmement, nous devons comprendre que la transition énergétique se manifestera de façons très différentes selon l’endroit où l’on se trouve. Nous ne devrions ni attendre ni prescrire que deux provinces atteignent le niveau net zéro de la même manière. En réalité, il faudra un portefeuille de solutions technologiques. Ce portefeuille sera différent dans chaque province et sera déterminé par l’infrastructure existante, la disponibilité des ressources naturelles et le paysage politique et réglementaire. Et la réalité, c’est qu’il est normal que les choses soient différentes, d’une province à l’autre. Et enfin, je dirais simplement que la décarbonisation à l’échelle de l’économie doit se faire de manière abordable, fiable, durable et équitable. Nous devons nous assurer qu’aucun Canadien ne soit laissé pour compte par la transition énergétique. 

Shelley : C’est très bien dit. Je vous ai déjà entendu parler de ce sujet, mais je pense que ce qui intéresserait beaucoup de gens, c’est que la lutte contre le changement climatique exige un niveau de coopération sans précédent entre les secteurs industriels, les régions qui peuvent naturellement être compétitives, mais aussi les chefs d’entreprise, les gouvernements, les investisseurs et les ONG. Vous avez affaire à des avis très divers et parfois polarisés. De votre point de vue, pourquoi pensez-vous qu’il est important pour les entreprises et pour nous tous de réimaginer la collaboration ? Et surtout, comment pouvons-nous intensifier la collaboration pour atteindre les objectifs et la transition que vous avez décrits ?

Heather : Merci, Shelley. Je pense que je vais aborder cette question en deux parties. Peut-être en commençant par le pourquoi et ensuite quelques réflexions sur le comment. En ce qui concerne le pourquoi, le changement climatique est une priorité mondiale urgente et un défi qui touche tout le monde, indépendamment de l’endroit où l’on se trouve, du salaire et de l’âge. C’est un problème universel. Le défi est également trop important pour qu’un seul acteur, qu’il s’agisse d’une entreprise, d’une ONG ou d’un gouvernement, puisse le relever seul. Il faudra vraiment que nous tous, comme vous l’avez dit, les gouvernements, les producteurs d’énergie, les FEO (Fabricants d’équipement d'Origine), les services publics, les établissements de recherche, les communautés autochtones et d’autres intervenants non gouvernementaux, travaillions ensemble pour mener le Canada et le monde vers le net zéro. Cela signifie donc que nous devrons tous aborder ce problème avec des perspectives, des programmes et des idées différents. Et franchement, c’est une très bonne chose. Ça permet d’identifier les obstacles ou les conséquences involontaires d’un manque d’alignement entre les différents acteurs auxquels nous devons réfléchir et que nous devons aborder afin d’élaborer une solution. En ce qui concerne le comment, je pense qu’il faudrait commencer par reconnaître qu’une seule personne ou une seule entité ne peut pas avoir toutes les réponses. Chez GE, nous nous efforçons d’avoir une culture fondée sur la concentration, la transparence et l’humilité. Et l’humilité nous aide à reconnaître ce que nous ne savons pas et à accepter que nous devrions commencer par poser des questions, puis continuer en écoutant attentivement et respectueusement. En agissant ainsi, nous pouvons ouvrir la porte à la collaboration et, en fin de compte, à l’innovation. Des discussions comme celle-ci est un parfait exemple. Nous devons en avoir davantage. Nous devons avoir plus de forums où nous réunissons ces divers acteurs pour qu’ils expriment leurs préoccupations et leurs idées. Le Canada compte sur nous. Le monde entier compte sur nous. 

Shelley : Vous avez fait allusion à quelque chose un peu plus tôt, Heather, en parlant des entreprises qui vont partiellement bien faire ou des organisations qui vont tout bien faire et qui sont vraiment en train d’incorporer ces principes et de les intégrer dans leur gestion de leurs activités, à la fois avec les risques et les opportunités. Et nous l’avons certainement aussi constaté dans les mandats que j’ai le privilège de décrocher. Mais nous remarquons également que ces organisations commencent à avoir accès à du capital à faible coût, à plus de sources de financement. Elles attirent et fidélisent les clients différemment et elles attirent également les talents, ce qui est un énorme problème pour de nombreux secteurs aujourd’hui. Quelle-est l’approche de GE en matière d’investissement ESG et de stratégie de transition, comment en mesurez-vous le succès ? 

Heather : Je commencerais en premier que c’est par l’acte même de rendre compte de nos progrès vers l’objectif net zéro et de progresser dans les pratiques ESG. C’est essentiel si l’on doit partir de ce principe fondamental. Chez GE, nous analysons et réexaminons régulièrement et sciemment nos programmes de développement durable, nos engagements et nos objectifs. Nos employés utilisent la méthode Lean pour réaliser des évaluations de développement durable spécifiques à chaque site, identifier les possibilités de réduction de la consommation d’énergie et calculer et suivre les coûts et les retours sur investissement. Et je dirais qu’ils font preuve d’un incroyable engament pour nous accompagner dans ce parcours. Nous disposons également d’une base de données mondiale permettant de suivre nos émissions de gaz à effet de serre et notre consommation d’énergie et d’eau. C’est aussi un élément fondamental pour nos rapports. Par exemple, lors de l’élaboration de notre rapport de développement durable 2021, nous avons pris en compte trois cadres clés en plus des ODD de l’ONU. Il s’agit du groupe de travail sur l’information financière liée aux changements climatiques, des normes sectorielles du Sustainability Accounting Standards Board et, enfin, des normes du Global Reporting Initiative. Je reviens donc à mon premier point. Nous croyons en la communication d’information et nous croyons en la communication d’information selon des ensembles uniformes de normes reconnues. Ensuite, nous rendons comptes des progrès réalisés par rapport à ces normes.

Shelley : Les entreprises qui démontrent comment elles créent de la valeur pour les actionnaires et la société semblent être positionnées pour obtenir un avantage. Lorsque GE a commencé sa démarche de présentation de l’information, pouvez-vous nous parler un peu de ce que cela a représenté pour vous au départ ? Parce que je pense que pour beaucoup d’organisations avec lesquelles j’ai l’occasion de travailler, le démarrage est parfois la partie la plus difficile. 

Heather : Je vais peut-être répondre à la question, Shelley, de cette façon. Tout d’abord, il faut que tout le monde reconnaisse que le changement climatique est une priorité mondiale urgente. Et je pense qu’idéalement, nous avons établi cela. Deuxièmement, je dirais que chez GE, nous sommes guidés par un conseil d’administration actif et engagé, dont le leadership donne l’exemple d’une culture de l’intégrité qui est au cœur de tout ce que nous faisons. L’engagement et la responsabilité du conseil sont donc essentiels. Nous exploitons également nos entreprises dans une optique de développement durable à long terme et en continuant à développer et à fournir des produits et des services essentiels à la construction d’un monde qui fonctionne. Un élément clé de notre stratégie de développement durable consiste à mettre en œuvre des principes de gestion allégée (Lean Management) dans l’ensemble de l’entreprise afin de favoriser l’amélioration continue des résultats dans nos propres activités, tout en recherchant des possibilités d’innovation dans les solutions que nous fournissons au reste du monde. Dans cette optique, le développement durable est intégré au développement stratégique et à la gestion des risques dans tout le pays. Nous utilisons cette optique pour nous concentrer sur les opérations et les priorités au sein de chaque entreprise, ainsi que sur la manière de faire des investissements ciblés dans les domaines où nous pouvons apporter notre aide en termes de solutions technologiques. En ce moment, nous sommes au milieu de ce processus stratégique dans notre nouvelle activité énergétique, qui combinera notre portefeuille d’énergie traditionnelle, notre portefeuille d’énergie renouvelable et notre activité numérique en une seule entité. L’objectif même de cette stratégie est d’être un partenaire de la transition énergétique, un partenaire des gouvernements, des entreprises et des provinces. C’est une opportunité formidable de pouvoir participer de cette façon. 

Shelley : Ça témoigne d’une très grande perspicacité et de beaucoup d’expérience et de réalisations  en une si courte période. Je vais vous faire part des cinq ou six choses qui m’ont vraiment frappée et qui, je pense, frapperont aussi nos auditeurs. L’une d’entre elles est que le Canada joue un rôle prépondérant dans l’intégration des questions ESG et de ces concepts de transition et de changement climatique au sein de l’organisation, et non pas de manière isolée, la collaboration étant essentielle, surtout qu’il n’y a pas de solution standard pour l’ensemble du Canada. J’ai aussi beaucoup apprécié vos commentaires sur l’importance d’une transition abordable et inclusive et sur le fait que personne ne doit être laissé pour compte. L’idée que la présentation de l’information est essentielle pour aller de l’avant, la responsabilisation, la gouvernance et le leadership, doivent vraiment soutenir cela. Y a-t-il d’autres messages ou conseils, Heather, que vous auriez à transmettre aujourd’hui, non seulement à la communauté des affaires, mais aussi aux organisations de tout le Canada, au gouvernement, aux investisseurs, aux ONG et aux entreprises ? 

Heather : Premièrement, je pense que vous avez fait un excellent travail de synthèse. Je vous en remercie. La seule chose que j’ai oublié de mentionner, ce sont les gens. Et tout comme la transition énergétique va nécessiter un portefeuille de solutions technologiques, je pense que les équipes qui participent au projet doivent représenter cette diversité de pensée, cette diversité d’origines, cette diversité de contexte. Il est très important que les esprits les plus brillants se réunissent et mènent des débats très réfléchis sur comment procéder d’une manière qui soit abordable, durable, fiable et équitable. Et il est important que dans chacune de nos entreprises, dans nos propres vies, nous créions des environnements où la culture accepte volontiers cette diversité et cette inclusion. C’est ainsi que nous pourrons avoir les meilleures conversations qui, en fin de compte, mèneront aux meilleures solutions pour les Canadiens et pour la communauté internationale en général. Je peux vous dire que c’est aussi une chose sur laquelle nous sommes incroyablement concentrés, en plus de nos propres objectifs commerciaux et de nos objectifs technologiques. 

Shelley : Heather, merci beaucoup d’avoir pris le temps de vous joindre à nous aujourd’hui et de nous faire part de votre point de vue sur le cheminement du Canada vers l’objectif net zéro et l’ESG. Et merci à chacun d’entre vous de prendre le temps d’écouter notre balado CEO Viewpoints. Nous avons hâte de vous retrouver pour le prochain épisode. Et maintenant, à vous d’explorer.

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« CEO Viewpoints »

La série « CEO Viewpoints » fait partie de notre Balado « Shift », et se concentre particulièrement sur les questions soulevées dans notre Enquête mondiale auprès des chefs de direction. Dans chaque épisode, nous explorons la façon dont les chefs de direction composent avec la nécessité croissante de réinvention révélée dans notre enquête. Nous discutons également de ce qu’ils font pour rester à l’avant-garde des grandes tendances clés, comme les changements climatiques et d’autres facteurs de perturbation importants. Écoutez leurs points de vue sur les enjeux qui transforment la société et découvrez leur façon de diriger leur entreprise au cœur des grandes forces de changement qui alimentent la réinvention des entreprises à l’échelle mondiale. 


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