Les entreprises canadiennes ressentent la pression des tarifs américains et de l’évolution des politiques commerciales, mais elles font preuve de résilience face à l’incertitude. Quel est le degré d’exposition des entreprises canadiennes aux pressions commerciales et que font-elles pour contrer celles-ci?
Le sondage de PwC Canada sur l’impact des tarifs, que nous avons mené auprès de 283 chefs d’entreprise dans tout le pays du 4 au 10 mars 2025, donne un aperçu de la façon dont les entreprises canadiennes gèrent l’incertitude. Il met également en lumière des opportunités à saisir et des mesures à prendre sans regrets pour améliorer la compétitivité et préserver et créer de la valeur, quelle que soit l’évolution de la situation en matière de commerce et de tarifs.
Pour bon nombre de répondants, les effets de l’incertitude commerciale sont directement ressentis : 78 % déclarent que leur entreprise est au moins modérément touchée par les tarifs, et 31 % disent qu’elle y est fortement exposée. Comme le montre le graphique ci-dessous, les principales incidences sont l’incapacité à planifier dans un contexte d’incertitude des marchés (72 %), ainsi que l’augmentation du coût des intrants et les perturbations de la chaîne d’approvisionnement (69 %).
L’incertitude générale des marchés quant à la politique américaine peut avoir une incidence sur l’activité d’investissement au Canada, du moins à court terme. Mais notre sondage montre aussi qu’à plus long terme, de nombreux répondants envisagent toujours des mesures, telles que les fusions et acquisitions, comme une opportunité clé pour renforcer leurs activités.
Entre-temps, la quasi-totalité des personnes interrogées (97 %) s’attendent à ce que la croissance économique du Canada diminue cette année, ce qui, selon notre analyse, pourrait déprendre de l’évolution de l’incertitude commerciale. Même en l’absence de tarifs de 25 % appliqués à toutes les exportations canadiennes vers les États-Unis, certains signes indiquent que la volatilité et l’incertitude persistantes ont d’ores et déjà un impact sur l’économie canadienne et qu’elles continueront à freiner la croissance économique.
Si des tarifs généralisés devaient rester en place pendant cinq à six mois, notre analyse indique un ralentissement de l’économie qui pourrait à terme conduire à une récession au Canada et aux États-Unis. Mais les conséquences économiques négatives varieront d’une région à l’autre et dépendront de la sévérité des tarifs, du nombre de produits touchés, de l’ampleur des contre-mesures et de la durée de leur application.
Compte tenu du haut degré d’incertitude entourant les tarifs au cours des derniers mois et des répercussions considérables prévues sur les plans économique et commercial, les organisations canadiennes ont travaillé d’arrache-pied pour se préparer. Mais il y a encore du travail à faire, puisque 66 % des répondants au sondage disent qu’ils ne sont que quelque peu préparés face aux tarifs américains. Par ailleurs, 12 % des répondants affirment qu’ils ne sont pas du tout préparés.
Bien qu’il soit difficile de se préparer en raison de la fréquence des changements de politique, une première étape cruciale consiste à effectuer une analyse de scénarios exhaustive qui comprend la quantification de l’exposition de l’entreprise aux mesures commerciales et des impacts financiers qui en résultent. Avec ces informations en main, les entreprises peuvent envisager une série d’actions pour atténuer l’impact, au moins dans l’immédiat.
Dans notre sondage, nous avons interrogé les dirigeants sur les mesures qu’ils ont prises ou qu’ils vont prendre. Les résultats montrent que les chaînes d’approvisionnement constituent une priorité immédiate, plus de la moitié (51 %) ayant modifié leur palette de fournisseurs pour se concentrer sur ceux qui sont les moins touchés par les tarifs. Parmi les autres mesures les plus importantes figurent l’ajustement des stratégies de tarification, de couverture, de droits de douane et de prix de transfert, qu’envisagent 48 % des répondants.
Bien que notre sondage montre que 20 % des répondants envisagent de réduire leur capacité de production ou leurs effectifs, il est à noter que des études récentes menées par des organismes tels que la Banque du Canada ont révélé qu’une part plus importante d’employeurs prévoyaient de faire marche arrière sur leurs projets d’embauche et d’emploi.1 D’après notre sondage, le pourcentage d’entreprises qui envisagent des réductions d’effectifs et de production est plus élevé (27 %) parmi les répondants des secteurs les plus touchés, à savoir ceux de la fabrication industrielle et de l’automobile.
Outre les mesures plus significatives que certaines d’entre elles pourraient être amenées à prendre, les entreprises peuvent envisager diverses possibilités pour raffermir leur position financière afin de résister aux tarifs. C’est là que les initiatives visant à comprendre et à renforcer les flux de trésorerie entrent en jeu.
Bien que de nombreuses solutions visant à améliorer la position de trésorerie impliquent des mesures dont l’impact se fait sentir progressivement, les entreprises gagnent à mettre à profit ces efforts cumulatifs en accordant plus d’attention aux détails financiers. Il peut s’agir de mesures visant la trésorerie, comme un examen du fonds de roulement, et l’emploi d’outils permettant de déceler les erreurs financières, les transactions en double et d’autres possibilités de recouvrer des liquidités. Le tableau ci-dessous présente ces possibilités et d’autres encore.
Les entreprises peuvent par ailleurs examiner comment améliorer leur trésorerie au moyen des leviers fiscaux. Une analyse, par exemple, des paiements d’impôts directs, indirects et fonciers, permet de vérifier si ceux-ci contribuent à réduire les coûts fiscaux et à augmenter les crédits disponibles.
D’autres possibilités de libérer des ressources peuvent provenir de l’accélération des plans de rapatriement des liquidités des filiales étrangères. Les entreprises peuvent aussi tirer parti des nouvelles initiatives de soutien public, comme les dispositions élargies relatives au travail partagé dans le cadre du régime d’assurance-emploi, mises en place pour les aider à gérer les pressions financières.
Aussi difficile que soit la situation pour les entreprises canadiennes, la meilleure réponse aux tarifs et à l’incertitude est de se concentrer sur des actions visant à renforcer leurs activités aujourd’hui et à long terme. De fait, notre sondage révèle la présence de signes de résilience, de nombreuses entreprises se déclarant confiantes quant à leur viabilité future.
Dans notre sondage, nous avons demandé aux répondants d’indiquer pendant combien de temps ils pensaient que leur organisation serait économiquement viable, question que nous avons également posée aux participants canadiens à notre Enquête auprès des chefs de direction en octobre et en novembre 2024. Cette fois-ci, 58 % des répondants ont déclaré qu’ils s’attendaient à ce que leur entreprise soit encore viable dans dix ans, ce qui représente une légère baisse par rapport à 63 % lors de notre Enquête auprès des chefs de direction. Le nombre de ceux qui s’attendent à une viabilité de moins d’un an (3 %) est en légère hausse par rapport à l’automne (1 %).
Que feront les entreprises pour rester viables à long terme? Voilà une question cruciale qui est pertinente non seulement dans le contexte de l’incertitude commerciale, mais aussi compte tenu de la nécessité générale de stimuler la productivité et la compétitivité du Canada. À cet égard, il est encourageant de constater que les répondants au sondage agissent pour mieux se positionner pour l’avenir. Les exemples incluent l’expansion vers de nouveaux marchés (55 %) et la recherche d’occasions de fusions et d’acquisitions ou de partenariats avec d’autres organisations (30 %).
Bien qu’un pourcentage plus faible (19 %) envisage de délocaliser la production aux États-Unis, il s’agit toujours d’un chiffre assez significatif qui soulève des inquiétudes pour l’économie canadienne. Il est également intéressant de noter que le pourcentage de personnes envisageant une telle mesure atteint 37 % parmi les répondants des secteurs de la fabrication industrielle et de l’automobile. (Voir plus loin « Point de mire : Les secteurs de la fabrication industrielle et de l’automobile au Canada » pour plus d’informations).
Pour les nombreuses entreprises qui cherchent à explorer de nouveaux marchés d’exportation, la bonne nouvelle est que le Canada a conclu de nombreux accords de libre-échange avec d’autres partenaires commerciaux et qu’il est le seul pays du Groupe des Sept à avoir signé des accords commerciaux avec tous les autres membres du G7.2 Pour tirer parti de cet avantage, il est essentiel tout d’abord d’identifier les acheteurs potentiels à l’étranger, de mettre en place les ressources nécessaires pour exporter vers ces pays et de prendre des mesures pour comprendre les contextes juridiques et réglementaires potentiellement très différents.
Les efforts en cours pour réaménager les chaînes d’approvisionnement ouvrent également des opportunités pour les entreprises, certaines d’entre elles se tournant notamment vers des fournisseurs non américains pour atténuer les effets des tarifs. Des fournisseurs situés au Canada sont parmi les options. Lors de nos discussions avec les organisations au cours de cette période, nous avons vu des exemples d’entreprises qui ont réussi en se recentrant sur le marché canadien.
En fait, certains de nos interlocuteurs nous ont dit avoir été agréablement surpris de constater que l’augmentation de la demande au Canada pour les produits des entreprises canadiennes fait plus que compenser les pertes attendues sur le marché américain liées aux tarifs. Autre signe encourageant, les discussions sur la réduction des barrières commerciales interprovinciales mettent l’accent sur un changement nécessaire au Canada qui peut fournir aux entreprises des moyens pour contrer une partie de l’incertitude liée au commerce avec les États-Unis.
Notre sondage montre également qu’environ un tiers des répondants envisagent des mesures telles que des investissements visant à améliorer la productivité, ainsi que des fusions et acquisitions et des partenariats avec d’autres organisations. L’incertitude a certes amené des entreprises à suspendre ces investissements, mais les mesures destinées à stimuler la compétitivité seront essentielles pour assurer la viabilité à long terme du Canada sur fond d’évolution des relations commerciales avec les États-Unis. Les fusions et acquisitions, en particulier, seront une stratégie clé pour naviguer dans des schémas commerciaux changeants et acquérir les capacités et la taille nécessaires pour construire une entreprise plus forte.
Pour les entreprises qui envisagent de telles mesures, mais qui sont préoccupées par l’affectation des ressources nécessaires, un éventail de programmes de soutien public est disponible pour encourager l’investissement dans la productivité, l’innovation et la diversification des marchés. Le gouvernement fédéral a déjà annoncé certaines mesures, notamment de nouvelles aides pour les entreprises qui cherchent à diversifier leurs marchés d’exportation. Au niveau provincial, le Québec a été particulièrement actif avec une série de programmes de soutien aux entreprises mis en place jusqu’à présent, alors que d’autres gouvernements devraient dévoiler de nouvelles mesures au fur et à mesure de l’évolution de la situation tarifaire.
Il est important de noter qu’en plus des nouveaux programmes, les entreprises peuvent également se prévaloir des initiatives gouvernementales existantes, axées notamment sur les crédits d’impôt et les incitatifs fiscaux, qui soutiennent la recherche et le développement ainsi que d’autres investissements clés pour les entreprises. Dans certains cas, les entreprises peuvent combiner les aides des gouvernements fédéral et provinciaux, ce qui leur permet d’avancer plus rapidement en rendant les investissements essentiels plus viables financièrement.
Les secteurs canadiens de la fabrication industrielle et de l’automobile sont particulièrement exposés à l’incertitude commerciale actuelle, et les résultats de notre sondage donnent un aperçu de l’ampleur des défis auxquels ils sont confrontés. Avec leurs chaînes d’approvisionnement intégrées, dans lesquelles les produits peuvent traverser la frontière canado-américaine plusieurs fois avant de devenir des produits finis, la sensibilité de ces secteurs aux tarifs est très élevée. En effet, 97 % des répondants de ces secteurs ont déclaré que leur entreprise est au moins modérément exposée aux tarifs.
Si l’on examine de plus près l’incidence des risques auxquels ces entreprises sont exposées, un quart des répondants (24 %) estiment que la viabilité de leur entreprise ne dépassera pas deux ans (contre 15 % pour l’ensemble des répondants au sondage). Seuls 42 % pensent que leur entreprise sera toujours en existence dans 10 ans, ce qui est nettement inférieur aux 58 % enregistrés pour l’ensemble des entreprises mentionnées ci-dessus.
En revanche, on constate bel et bien que les entreprises des secteurs de la fabrication industrielle et de l’automobile sont plus susceptibles de prendre des mesures à long terme pour rester viables, comme le montre le graphique ci-dessous.
Le fait que bon nombre de ces entreprises soient proactives est un élément positif. Toute perte d’accès au marché américain constituerait un défi indéniable pour de nombreuses entreprises, mais cela ne fait qu’accentuer l’impératif de trouver des solutions créatives pour atténuer les impacts au fur et à mesure que la situation évolue en matière de tarifs et d’échanges commerciaux.
Notre sondage montre que la plupart des entreprises canadiennes sont confiantes dans leur capacité d’adaptation, malgré les difficultés auxquelles elles sont confrontées. En adoptant certaines des mesures sans regrets disponibles pour se protéger et devenir encore plus innovantes et productives, elles peuvent se positionner favorablement face à l’avenir.
L’actuelle incertitude est sans contredit un élément perturbateur, mais nous ne savons pas encore comment les relations commerciales avec les États-Unis évolueront en fin de compte. Dans l’intervalle, le défi pour les entreprises canadiennes consiste à accélérer les efforts pour se renforcer, voire se réinventer, idéalement en s’aidant des politiques publiques qui stimulent l’innovation et soutiennent les opportunités clés de diversification de nos marchés et de nos secteurs. Le Canada a connu des périodes de diversification économique et commerciale réussie par le passé, et en exploitant nos ressources financières et naturelles ainsi que nos avantages concurrentiels, nous pouvons à nouveau relever le défi.
Nos équipes sont là pour vous aider. Qu’il s’agisse de fiscalité, de technologie, de fusions et d’acquisitions ou de création de valeur, nos professionnels ont une connaissance approfondie des principaux secteurs d’activité du Canada pour aider les organisations à définir leurs prochaines démarches dans des situations difficiles comme celle que nous connaissons actuellement. Contactez-nous pour discuter de ce que signifie le défi commercial pour votre entreprise et de la manière dont vous pouvez préserver et créer de la valeur même dans l’incertitude.
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Directeur principal, Stratégie d'entreprise et transformation, Strategy&, PwC Canada
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