
Bâtir la confiance par l’efficience de l’État
Affecter les ressources aux priorités par des gains ciblés plutôt que des coupures favorise la viabilité financière des administrations publiques.
Partout au Canada, les gouvernements font face à un même enjeu : la nécessité d’améliorer la prestation des services et les expériences clients de manière efficace et rentable. Une conjoncture complexe, dominée par des contraintes d’accès aux ressources, des exigences croissantes et le risque d’érosion de la confiance du public, vient amplifier cet enjeu.
La hausse des dépenses publiques provoquée par la pandémie a entraîné une situation budgétaire intenable. La nécessité de fournir des services essentiels à une population croissante et vieillissante avec des budgets de plus en plus serrés soumet les gouvernements à une pression intense pour accroître l’efficacité et l’efficience de leur fonctionnement. La menace de perturbations commerciales américaines pour l’économie canadienne rend encore plus urgente la nécessité pour les gouvernements de collaborer à des initiatives telles que la suppression des barrières commerciales interprovinciales et l’amélioration de la coordination des programmes multiprovinciaux ou fédéral-provincial. De plus, les Canadiens exigent des services améliorés. Ils s’attendent à bénéficier du même niveau de commodité, de réactivité et de facilité d’accès que celui qu’ils reçoivent des entreprises du secteur privé. Cet écart dans la prestation des services, combiné à une attention croissante portée à la productivité du secteur public, risque d’éroder la confiance du public à l’égard de la capacité de l’administration publique à servir ses citoyens.
Il est temps de repenser les modes de prestation des services. Nous devons réinventer la collaboration à tous les paliers de gouvernement et entre les ministères et les équipes. Voyons comment des relations de collaboration au sein des gouvernements et entre eux, conjuguées à de nouvelles méthodes de prestation de services, peuvent créer des services publics d’avant-garde, axés sur les citoyens.
Le défi pour les dirigeants du secteur public consiste à créer un environnement de prestation de services plus cohésif et plus efficace, en phase avec l’évolution des attentes des Canadiens. Pour accélérer ces efforts, nous avons consulté les recherches menées dans l’ensemble de notre réseau mondial sur la restructuration des modes de collaboration entre les différents paliers de gouvernement, les organisations non gouvernementales et les organismes de prestation de services dans le but de relever les défis intergouvernementaux. Le rapport de 2024 publié par PwC Royaume-Uni, Rethinking the architecture of government (PDF)S’ouvre dans une nouvelle fenêtre, figure parmi ces travaux. Bien que le système de gouvernement britannique diffère de celui du Canada, les deux visent à coordonner les programmes et la prestation de services à l’échelle des autorités locales et régionales dans les domaines de la santé, de l’éducation, de la sécurité, de l’économie et d’autres services.
Au Canada, notre système fédéral et nos multiples paliers de gouvernement favorisent une variation régionale positive et une réactivité locale. Mais cette structure peut aussi entraîner une prestation de services fragmentée et désharmonisée. Des stratégies plus cohérentes et une collaboration plus étroite entre les paliers de gouvernement dans les domaines où l’harmonisation et la coordination sont pertinentes peuvent améliorer l’efficience et l’efficacité des services fournis aux Canadiens.
Cette collaboration et cette cohésion peuvent s’appuyer sur trois piliers :
Nous approfondissons ci-dessous ces trois impératifs stratégiques et proposons aux dirigeants gouvernementaux des perspectives pratiques pour la mise en œuvre de chaque pilier, ainsi que des exemples canadiens de ces principes en action.
Ces dernières années, certaines administrations publiques ont lancé des initiatives horizontales qui simplifient l’expérience des citoyens et rationalisent la prestation des services lorsque les responsabilités et les mandats se chevauchent. Cette approche peut améliorer l’efficience et l’efficacité des services publics en favorisant la collaboration entre divers ministères et organismes, comme l’illustre le Plan de sécurité et de bien-être dans les collectivités (PSBEC) en Ontario.
Le PSBEC prévoit la collaboration entre les municipalités, les services policiers et les partenaires communautaires pour traiter des problèmes sociaux complexes, tels que la santé mentale et les dépendances, la violence armée et la violence des gangs, le trafic humain et les crimes motivés par la haine. En encourageant la collaboration intersectorielle, cette initiative vise à promouvoir la santé et la sécurité dans les collectivités grâce à des mesures proactives et préventives.
Plusieurs forces puissantes sont à l’œuvre dans la collaboration intergouvernementale. Les cadres de financement, qui peuvent soit promouvoir la collaboration, soit générer des tensions entre les ministères, en font partie. En outre, l’alignement des mandats, en particulier entre les objectifs environnementaux et les objectifs de développement économique, est essentiel à une coopération réussie. Des rôles et des responsabilités clairs, ainsi qu’un leadership stable, sont les bases d’une collaboration efficace. Un roulement fréquent des hauts fonctionnaires peut entraîner des malentendus et des inefficacités.
Des objectifs bien définis et une planification rigoureuse sont aussi des facteurs déterminants de la réussite d’une initiative. Les protocoles de partage d’informations et de données permettent d’accéder à des ressources vitales et facilitent la prise de décisions éclairées. En outre, la formation et le perfectionnement du personnel contribuent à renforcer les capacités nécessaires à une collaboration efficace. L’ensemble de ces considérations pratiques influencent la capacité des ministères et des organismes à collaborer avec cohésion et à fournir des services de haute qualité aux citoyens, en se concentrant sur les étapes et les priorités qui contribuent à la réussite des projets et initiatives.
Les facteurs suivants créent les conditions d’une collaboration intragouvernementale réussie et d’une prestation efficace des services publics.
D’après notre enquête, les hauts fonctionnaires estiment que la collaboration et la coordination intergouvernementales sont de plus en plus tendues. Il s’agit d’un enjeu critique. La collaboration et la coordination entre les différents paliers de gouvernement, notamment le fédéral et le provincial, présentent des enjeux complexes et multiterritoriaux. Les activités des gouvernements fédéral et provinciaux sont étroitement liées à des responsabilités, des pouvoirs et des financements partagés et superposés dans de nombreux domaines de politique publique.
L’Allocation canadienne pour enfants (ACE) est un exemple de collaboration intergouvernementale efficace. Voyons comment les différents paliers de gouvernement ont collaboré en vue de la réalisation d’avancées notables :
En vertu d’un accord fédéral-provincial/territorial, le gouvernement fédéral a accordé un avantage fiscal aux familles à faible revenu.
Les gouvernements provinciaux ont bonifié cette mesure en mettant sur pied des programmes de soutien adaptés aux besoins des familles.
Dans certains cas, ces programmes ont été mis en œuvre par les municipalités.
L’ACE a contribué à réduire les taux de pauvreté infantile au Canada dans les années qui ont suivi son entrée en vigueur1, ce qui montre comment la coordination de l’élaboration de politiques et de l’allocation des ressources entre les gouvernements fédéral, provinciaux et municipaux peut résoudre des problèmes sociaux complexes et améliorer la vie des citoyens.
Plusieurs facteurs influent sur les modes d’interaction entre les différents paliers de gouvernement. Les priorités politiques et les intérêts régionaux peuvent orienter les efforts de collaboration, ce qui peut parfois entraîner des conflits. La répartition des responsabilités et des pouvoirs peut également avoir une incidence sur la clarté et l’efficacité de la mise en œuvre des politiques. De plus, l’allocation des fonds et des ressources peut déterminer le succès des initiatives conjointes. L’absence de structures intergouvernementales ancrées dans la Constitution signifie souvent des arrangements de coordination moins formels, dont l’efficacité est réduite en raison d’un manque de clarté dans la répartition des responsabilités, des pouvoirs décisionnels et des ressources.
La première étape pour surmonter ces défis est une communication cohérente et efficace entre les différents paliers de gouvernement. Cela permet d’éviter les malentendus et les retards. Les gouvernements qui parviennent à mobiliser ces forces et à tirer les enseignements d’initiatives telles que l’ACE peuvent collaborer efficacement avec d’autres paliers de gouvernement pour améliorer la prestation des services publics au profit des Canadiens.
Une collaboration intergouvernementale efficace permet de résoudre des enjeux complexes et multiterritoriaux.
Les facteurs de réussite essentiels en sont les suivants :
L’introduction de nouveaux modèles de prestation de services exige souvent de surmonter des obstacles importants. Une culture d’aversion au risque peut éclipser les avantages d’une réflexion innovante et induire une réticence à adopter de nouvelles méthodes. S’ajoutent à cela les préoccupations concernant le maintien de la qualité des services et la crainte que les nouvelles approches ne produisent pas les mêmes résultats que les approches traditionnelles. En outre, certains Canadiens craignent qu’un partage généralisé des données entre les ministères et les organismes entraîne la communication d’une quantité excessive de leurs renseignements confidentiels aux autorités.
Le déficit de compétences du personnel, imputable à un recrutement et une formation qui n’ont pas suivi le rythme des technologies modernes, a aussi une incidence négative sur la prestation de services. Les gouvernements se tournent parfois vers le secteur privé pour combler ce déficit. Cependant, les processus d’approvisionnement qui favorisent la délégation de mandats axés sur les tâches plutôt que sur les résultats peuvent compliquer les relations avec les sous-traitants et limiter davantage la mise en œuvre de changements appréciables et d’améliorations réelles dans la prestation de services.
Une réforme de l’utilisation de la technologie par les gouvernements semble aussi nécessaire. Par exemple, le Canada est passé de la 6e place en 2003 à la 47e place en 2024 dans l’indice de développement de l’administration en ligne des Nations Unies2. Par ailleurs, dans un rapport publié en 2023, la vérificatrice générale relevait qu’un tiers des applications essentielles à la mission du gouvernement fédéral étaient en mauvais état et nécessitaient une modernisation urgente3. L’évaluation précise du coût total du maintien des systèmes existants par rapport aux solutions infonuagiques reste une préoccupation, d’autant plus que de nombreuses organisations intègrent des services infonuagiques sans développer de nouvelles capacités.
La numérisation de l’information et l’intégration des données dans la prestation de services contribuent à la rationalisation des processus, à l’amélioration du partage des données et à l’accroissement de l’efficacité globale des services publics. Encourager une culture d’innovation au sein des organismes gouvernementaux ouvre la voie à de nouvelles idées, récompense la pensée novatrice et favorise un environnement propice à l’expérimentation et à l’amélioration continue. Cette approche soutient les modèles de prestation de services centrés sur les citoyens en créant l’agilité nécessaire pour répondre aux besoins changeants de la population.
En outre, d’autres modèles de prestation, notamment les services gérés, peuvent aider les gouvernements à fournir des services de manière plus efficace et efficiente. Par exemple, le gouvernement fédéral a récemment entrepris la transition d’une société d’État axée sur les services vers un autre modèle d’exploitation et de prestation. Ce modèle visait l’amélioration de l’efficacité de la prestation et les niveaux de service grâce à une meilleure utilisation de la technologie. Plus précisément, une société privée à but non lucratif et sans capital-actions fournirait les services publics de la société d’État. Cette nouvelle entité devait être plus souple, innovante, réactive, centrée sur le client et rentable, et offrir ainsi aux citoyens une meilleure expérience de service.
Les facteurs de réussite suivants peuvent aider à surmonter les obstacles aux nouveaux modèles de prestation de services :
Une approche stratégique de renforcement des relations intragouvernementales (horizontales) et intergouvernementales (verticales) et d’amélioration des modèles de prestation de services aidera les gouvernements de l’ensemble du Canada à gérer les complexités d’une prestation moderne des services publics et à améliorer l’expérience des citoyens.
Cette approche aide les gouvernements à réaliser d’importants gains d’efficacité et d’efficience. Imaginez un avenir où, plutôt que de naviguer dans un labyrinthe de services fragmentés, les citoyens accèdent à une plateforme unifiée où ils accèdent avec simplicité au soutien dont ils ont besoin. Une telle plateforme pourrait tirer parti des technologies modernes et de l’intelligence artificielle pour rationaliser les processus, guider les citoyens et leur permettre de trouver plus facilement les ressources dont ils ont besoin, qu’il s’agisse de permis de construire ou d’informations sur les soins de santé ou les services sociaux. L’unification est non seulement pratique pour les citoyens, mais elle permet également de réaliser des économies en éliminant les redondances, par exemple en regroupant divers centres de services en ligne, en personne et par téléphone.
Les gouvernements qui adoptent cette vision stratégique peuvent créer un service public plus efficace, plus efficient et plus réactif, qui favorise la confiance et construit un avenir plus solide pour tous les Canadiens.
1 - Tendances désagrégées en matière de pauvreté tirées du Recensement de la population de 2021,S’ouvre dans une nouvelle fenêtre Statistique Canada, dernière modification le 4 décembre 2024.
2 - Indice de développement de l’administration en ligneS’ouvre dans une nouvelle fenêtre, Nations Unies.
3 - Rapport 7 – La modernisation des systèmes de technologie de l’informationS’ouvre dans une nouvelle fenêtre, Bureau du vérificateur général du Canada, 19 octobre 2023.
Leader, Services aux citoyens et Services gouvernementaux de base, PwC Canada