Les pressions exercées sur les entreprises canadiennes en matière de rapport sur la durabilité s’intensifient et se complexifient. En effet, face aux attentes grandissantes des parties prenantes, les lignes directrices facultatives sont remplacées par des règles prescriptives. Qui plus est, les organisations présentes sur plusieurs territoires doivent composer avec une variété de cadres de production de rapports sur les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG).
Ici au Canada, les rapports des entreprises sur la durabilité sont de plus en plus étoffés, mais les entreprises peinent à répondre aux nouvelles exigences en matière de rapports ESG, comme celles établies par les parties prenantes concernant l’information sur les risques associés à l’évolution des changements climatiques.
Pour découvrir si les entreprises canadiennes sont prêtes à répondre aux normes ESG, nous avons analysé les informations publiées par plus de 250 des plus grandes d’entre elles sur le plan de la capitalisation boursière et des revenus. Notre analyse comparative visait à repérer la présence de stratégies, d’indicateurs, de cibles et d’autres facteurs et à constater leur importance relative dans les rapports ESG.
Les lacunes observées vont au-delà de simples risques liés à la conformité. Les entreprises qui ne répondent pas adéquatement aux questions de leurs clients et de leurs investisseurs sur la gestion des risques et des opportunités ESG, et qui n’ont pas de données fiables pour appuyer leur version des faits risquent de perdre des parts de marché et d’avoir plus de difficulté à trouver du financement.
La communication des enjeux ESG doit découler d’une stratégie intégrée (entreprise et durabilité). Elle peut être un atout considérable si elle est bien exécutée.
En effet, elle permet aux entreprises de prendre des décisions éclairées et leur procure un avantage stratégique en les aidant à améliorer leur rendement opérationnel et à augmenter leur valeur à long terme.
Beaucoup d’entreprises canadiennes seront bientôt assujetties à de nombreuses normes ESG et devront alors remplir des rapports qui s’y conforment. Parmi ces normes, on retrouve en Europe la Directive sur la publication d’information en matière de durabilité par les entreprises (CSRD), laquelle exige que les entreprises publient leur premier rapport au cours de l’exercice 2025, ainsi que les règles de production de rapport sur le climat de la Californie, qui imposent un premier rapport en 2026 sur les données de 2025. De plus, le Conseil canadien des normes d’information sur la durabilité (CCNID) cherche à harmoniser les normes du Canada à la base de référence du Conseil des normes internationales d’information sur la durabilité (ISSB)1, tandis que les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) se demandent si ces normes devraient être contraignantes et, le cas échéant, quel serait le délai de leur entrée en vigueur.
Ces normes s’articulent autour des quatre piliers définis par le GIFCC : la gouvernance, la stratégie, la gestion des risques, et les indicateurs et objectifs. Toutefois, 38 % des entreprises analysées ne mentionnent pas le GIFCC ou ne s’appuient que très sommairement sur les quatre piliers.
Une proportion semblable (31 %) des entreprises n’exposent pas leurs enjeux importants.
Inclure une évaluation exhaustive du degré d’importance des enjeux dans les rapports ESG permet aux entreprises de classer ces enjeux par ordre de priorité, de faire preuve de plus de transparence et de gagner la confiance de leurs parties prenantes.
Les investisseurs cherchent généralement à connaître les enjeux principaux auxquels fait face une entreprise, lesquels varient grandement d’un secteur à l’autre (et même entre des entreprises d’un même secteur). Les autorités de réglementation et les normalisateurs en sont bien conscients : l’ISSB, la CSRD et d’autres cadres relatifs aux rapports ESG exigent que les entreprises tiennent compte de l’importance relative d’une multitude de façons.
Plus loin dans notre analyse, nous avons découvert d’autres lacunes que présentent les entreprises canadiennes en matière de rapports ESG. Par exemple, l’ISSB exige que les entreprises aient recours à des données financières quantifiables sur les changements climatiques pour évaluer l’incidence sur le rendement financier actuel et futur des risques et des opportunités de la durabilité. Pourtant, selon notre analyse, 81 % des entreprises n’incluent pas ce type de données dans leurs rapports.
Les nouvelles exigences en matière de rapports sur les changements climatiques sont le résultat des attentes grandissantes des parties prenantes. Notre recherche démontre que les investisseurs se préoccupent de l’exposition des entreprises aux risques climatiques.
Nous avons décelé des signes encourageants dans notre analyse. Plus des trois quarts (78 %) des entreprises analysées déclarent les émissions de leurs propres opérations des champs d’application 1 et 2. Mais seulement 47 % déclarent également les émissions de leur chaîne d’approvisionnement (champ d’application 3), même si la déclaration de ces émissions est une exigence de l’ISSB.
Nous observons des tendances similaires par rapport aux analyses de scénarios climatiques, une autre exigence de l’ISSB. Ce type d’analyse est pourtant très utile aux entreprises pour mieux faire face à l’incertitude. Près de la moitié des entreprises (49 %) en font une sur le plan qualitatif, mais seulement 19 % d’entre elles s’attardent à l’aspect quantitatif, qui est pourtant essentiel pour saisir les effets des changements climatiques sur les activités d’une entreprise.
Pour les entreprises d’ailleurs, il semble de plus en plus important de prendre des mesures par rapport à la nature et à la biodiversité.
Les parties prenantes savent que la plupart des entreprises dépendent de la nature et souhaitent donc connaître les mécanismes qu’elles mettent en place pour protéger l’eau, la terre et la biodiversité dans les régions où elles mènent leurs activités. Avec la publication de recommandations du GIFCC, de nouvelles normes en matière de gestion et de déclaration des risques liés à la nature sont apparues en septembre 2023. La conformité à ces normes est toutefois à l’état embryonnaire pour bon nombre d’organisations canadiennes. En effet, seulement 6 % des entreprises analysées ont mentionné le GIFCC dans leurs communications, et elles sont seulement 7 % à avoir traité de l’incidence qu’ont sur leurs activités leur dépendance à la nature, les risques connexes encourus et les opportunités possibles à cet égard.
Pour produire des rapports ESG fiables qui répondent aux attentes des parties prenantes en lien avec les changements climatiques et aux nouvelles normes réglementaires, une évaluation des enjeux importants est essentielle. Il faut également cerner les risques et les opportunités connexes, puis établir des indicateurs et des cibles qui témoigneront de votre gestion de ces éléments.
Nous présentons ci-dessous plusieurs conclusions de notre analyse visant à comparer les rapports des entreprises canadiennes aux caractéristiques spécifiques d’un rapport ESG fiable et de qualité pour les investisseurs.
73 % des entreprises n’expliquent pas leur façon d’analyser les enjeux ESG et de les intégrer à leur stratégie à long terme.
Pourquoi est-ce important? Les rapports ESG devraient illustrer votre performance par rapport à des initiatives ESG précises et les engagements connexes qui lient ces initiatives à votre stratégie de gestion des risques et des opportunités de la durabilité. Établir cette connexion vous permet de créer de la valeur pour votre entreprise et vos parties prenantes, que vous pourrez ensuite communiquer dans vos rapports sur la durabilité.
79 % des entreprises expliquent peu (ou pas) leur processus visant à déterminer l’importance relative de leurs enjeux ESG.
Pourquoi est-ce important? Les critères ESG englobent une grande variété d’enjeux. Les classer par ordre de priorité en faisant participer les parties prenantes est essentiel pour cibler les aspects de la durabilité qui comptent le plus pour votre entreprise. Cela vous permet de répondre aux attentes de vos parties prenantes et de mettre le doigt sur les principaux risques et opportunités pour votre organisation. Sauter cette étape peut diluer la valeur de vos initiatives ESG et donner lieu à une présentation de l’information trop longue et générale.
48 % des entreprises ne formulent pas de stratégie pour saisir leurs principales opportunités ESG.
Pourquoi est-ce important? Les investisseurs veulent savoir comment les entreprises gèrent leurs risques et opportunités liés à la durabilité. C’est important de dresser un portrait global et de tenir compte, sous l’angle de la durabilité, de tous les risques que court l’entreprise et de toutes les opportunités qui s’offrent à elle, notamment sur le plan financier. Selon notre sondage de 2023 auprès des investisseurs, 75 % d’entre eux trouvent important que les entreprises indiquent la pertinence des risques et opportunités en matière de développement durable sur leurs états financiers. Une proportion semblable (76 %) affirme qu’elles devraient aussi indiquer les coûts nécessaires pour respecter leurs engagements en matière de durabilité.
52 % des entreprises n’ont pas de cibles ESG ou font peu ou pas de liens entre leurs cibles et leur stratégie.
Pourquoi est-ce important? Les indicateurs et les cibles illustrent vos progrès quant à la gestion des risques et des opportunités de la durabilité et votre performance globale en la matière. Il peut être tentant de choisir des indicateurs et des cibles qui ne s’appuient que sur les normes de la présentation de l’information et sur la façon dont vos pairs communiquent l’information. Cependant, pour que vos rapports soient significatifs pour vos parties prenantes, il est essentiel que vous fassiez des liens avec votre stratégie de durabilité et les objectifs propres à votre entreprise.
62 % des entreprises n’obtiennent d’assurance pour aucun de leurs indicateurs ESG.
Pourquoi est-ce important? Bon nombre d’investisseurs ne font pas confiance à l’information sur la durabilité qu’on leur communique. À la lumière du sondage auprès des investisseurs de l’Organisation internationale des commissions de valeurs, il y a un intérêt croissant pour l’assurance de qualité, qui permet de renforcer la fiabilité des rapports des entreprises.2 Les autorités de réglementation et les normalisateurs ont établi des exigences variées à cet égard, certaines étant plus strictes que d’autres : Par exemple, la CSRD de l’Union européenne exige une assurance qui couvre l’entièreté des rapports ESG, et non seulement les indicateurs. Il s’agira d’abord d’une assurance limitée dès 2026, puis d’une assurance raisonnable par la suite.
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1 « À propos du CCNID », Normes d’information financière et de certification Canada. Consulté le 23 octobre 2023.
2 Conseil de l’Organisation internationale des commissions de valeurs. (2023, mars). Report on International Work to Develop a Global Assurance Framework for Sustainability-related Corporate Reporting.
Associée et leader nationale, Rapports et certification ESG, PwC Canada
Tél. : +1 604 806 7123
Leader nationale, Stratégie et transformation durable, leader mondiale durabilité pour les entreprises privées, PwC Canada
Tél. : +1 587 226 1303
Associé, Services Conseils en comptabilité, Marchés financiers (SCCMF), PwC Canada
Tél. : +1 416 365 8161